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« Votez pour moi ou c'est le déluge qui vous attend ! »

par Mohamed Ghriss

D'un représentant d'un grand parti de rassemblement républicain de la scène politique nationale, « si le vote ne s'effectue pas en grand nombre dans le bon sens, c'est le risque encouru de la voie ouverte à la violence et aux cauchemars d'auparavant ! »

D'un autre représentant d'un parti islamiste, « nous sommes convaincus de la victoire des islamistes pourvu que le scrutin se déroule proprement et la transparence totale, à défaut c'est le risque assuré du débordement de la rue avec tout ce que cela puisse supposer comme graves dérives d'insécurité future pour le pays ! »

Autrement dit, pour le premier représentant politique comme pour le second, indépendamment de leurs divergences idéologiques, leurs avertissements se rejoignent concernant le fin fond des choses. Mais lequel, celui ayant trait aux particularités de la réalité objective du terrain ou celui prenant en considération leurs intérêts du moment surtout ? Concernant ce dernier point, il semble bien qu'actuellement ces deux formations politiques ne sont pas les seules à user des éléments extrêmement sensibles de la société algérienne pour s'en servir comme fonds de commerce dans leurs « prêches » électoralistes.

C'est l'habitus consacré en pareilles circonstances où tous les écarts discursifs sont permis, pourrait-on rétorquer, oui mais quand des responsables politiques sensés œuvrer pour l'avenir serein du pays s'attèlent à faire prévaloir leurs choix idéologiques, exclusivement, sinon c'est la fin du monde il y a de quoi rester perplexe ?

En effet, ces discours au lieu de contribuer à la sensibilisation pacifiste des électrices et électeurs potentiels du peuple algérien, ils contribuent au contraire, par leurs avertissements sur les menaces des « retours en arrière » à jeter le trouble au sein des masses par la réactivation, notamment, de ce sinistre sentiment de peur et de terreur des temps horrifiants de la sanglante décennie noire.

Les représentants des formations politiques comme nous autres familiers des écrits de presse sont naturellement libres de dire ce qu'ils veulent, mais lorsqu'il est question de certaines considérations d'éthique et de déontologie il en est tout autrement. Les exhortations aux élections en faveur de telles ou telles candidatures sont bien sur dans la logique des choses mais que signifie cet appel au vote pour soi sinon c'est la révolte de la rue ?       Ce responsable inquiète par sa quasi-assurance lui faisant avancer que les éléments de sa formation ou de son groupement d'alliances vont incontestablement remporter les prochaines législatives !? Et que si ce ne sera pas le cas, la parole sera à la rue : en d'autres termes, si les candidats de cette alliance ne gagnent pas, c'est leur conviction qu'il y aura eu fraude au profit d'autres candidats choyés par le pouvoir. Suivant cette logique, il vaudrait mieux que les candidats de cette alliance exigeante s'abstiennent de voter plutôt que de faire courir le grande dérive au pays qu'ils risquent de causer de façon irresponsable. Car, il parait certain à présent que même au cas où serait élue une autre formation politique que la leur dans des conditions de vote absolument propres et sous contrôle international, ces messieurs ?là ne seront pas du tout prêts à accepter ce verdict des urnes. Ils ne l'accepteront que s'il tranchera en leur faveur, et c'est ce que laisse entendre clairement le leader d'un parti islamiste qui se devrait pourtant méditer sur l'exemple des autres concurrents des partis rivaux qui sont tout autant capables de remporter haut la main les législatives de mai prochain ou bien de les perdre sans prétendre « ce sera notre parti ou préparez-vous au déluge, nous y sommes pour rien ! ».

Le message est clair : si cette formation politique ne sera pas élue ce sera à cause de la fraude ! Dans ces conditions, si c'est la fraude qui est redoutée, et plutôt que d'user de stratagèmes recourant aux brandissements des risques de menaces et autres fâcheuses dérives susceptibles de découler d'un scrutin truqué, pourquoi ne pas alors constituer, d'ores et déjà, un comité regroupant la quasi-majorité des représentants des partis et formations politiques participant au prochain scrutin en vue d'élaborer une déclaration commune sur les conditions du déroulement d'élections propres. Document officiel qui pourra être ratifié en accord avec les autorités publiques qui s'engageront, pour leur part à observer minutieusement son contenu, chaque partie se devant à veiller au déroulement correct et transparent du scrutin et, par conséquent à accepter le verdict des urnes, sans avoir à manifester, ainsi, de quelconques sérieux reproches de fraudes illégales, susceptibles de susciter de graves troubles pour l'avenir du pays. Aux principaux concernés de réfléchir à l'opportunité d'une telle initiative ou autre, peu importe, qui puisse aller dans le sens de la préservation de la fragile paix et sérénité dans le pays, après les graves cauchemars endurés des années 1990 dont sont encore profondément marqués celles et ceux qui ont vécu de très près la tragédie, y perdant des êtres chers. Nul ne doit jouer avec l'avenir des enfants d'Algérie, de quelque obédience et de quelque haut niveau qu'il soit, l'Histoire étant témoin de tous actes illicites ouvrant la voie aux risques de tous genres?