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Morceaux choisis d'une immersion télévisuelle

par Salim Metref

Ontologique prestation de celui qui est, pour quelques semaines encore Président de la République Française, et qui pourrait l'être aussi en 2012, que celle dont ont eu droit des millions de téléspectateurs sur une chaine publique française. Tout y était. L'émotion, le repentir, le mea-culpa, l'indulgence, la gestuelle, la complicité mais aussi l'intransigeance de journalistes qui ont une connaissance profonde du sujet sans omettre la petite larme qui a d'ailleurs failli couler sur un visage vraiment triste et surtout inquiet. Et puis quelques confidences comme ces paradoxes de l'existence. Le bonheur d'être élu au moment de la dislocation du couple et maintenant le bonheur conjugal et l'angoisse de ne plus être aimé des Français et de quitter l'arène politique. La politique est vraiment cruelle et même le stratège JUPPE a apporté sa touche en déclarant à la presse qu'entre le candidat-Président sortant est l'opinion, c'était le désamour. C'est vrai que l'élection en 2007 a été plutôt une surprise tant beaucoup ne prédisaient pas un destin présidentiel à l'ancien ministre français de l'intérieur. Mais il ya des erreurs qui vous collent à la peau toute une vie et que ni le temps n'efface et ni l'opinion n'oublie ? Comme cette incursion au Fouquets's sur les Champs-Elysées avec quelques copains milliardaires ou cette croisière en mer sur un yatt qui appartient à un ami Breton, oui la précision est de taille, Breton comme Marine Le Pen. Ces deux gestes furent interprétés comme les remerciements d'un nouvel élu aux millions d'électeurs, parfois dans le dénuement, qui vous ont fait confiance et les actes deviennent alors des symboles. Comment faire croire après qu'on est le candidat du peuple et le candidat antisystème. Et puis tout le reste. Ces proches instruits de chasser dans les terres de l'extrême droite, cette stigmatisation des musulmans et de l'abattage rituel, cette obsession de l'émigration, cette rhétorique empruntée aux autres et puis les toutes dernières propositions, en cas de réélection, comme ce voyage promis au Proche-Orient pour dire que les Palestiniens ont droit tout de même à une terre, cette référence à la Shoah qui a eu lieu en Europe mais pas dans les pays Arabes, la révision des conditions du regroupement familial et de la délivrance des visas pour les conjoints de français, etc. ?. Puis cette phrase mémorable <<Casse-toi, pauv' ?>> prononcée, au Salon de l'Agriculture de Paris le 23 février 2008, en réponse à une personne qui, refusant sa poignée de main, lui déclara << Ah non, touche-moi pas ! Tu me salis ! ». Et cet aveu d'être atypique, de ne pas appartenir à l'élite et surtout cet handicap majeur, ne pas avoir, comme la majorité des hommes politiques français, fait l'ENA.

Mais ces transgressions récurrentes et cette volonté de bousculer les conservatismes ne semblent pas provoquer d'inversement de tendance dans les enquêtes d'opinion. Toujours deuxième, avec un candidat de la gauche qui cavale toujours loin devant et une Bretonne déterminée dont on sent le souffle juste derrière l'épaule et qui peut à tout moment vous doubler et créer la surprise du second tour. Et surtout cette impossibilité, malgré tout le génie d'une équipe de campagne à trouver des échappatoires, d'échapper à son bilan. Et puis, ces propositions de l'extrême droite qui sont devenues les siennes comme les droits des victimes, sur les conditions de remise de peine, sur le droit de savoir ce que l'on mange, le danger du vote communautaire aux élections municipales et de la régularisation massive des sans-papiers, bref sur des propositions devenues des points de convergence réels avec les propositions de l'extrême droite.

Puis vint ce débat face à un énarque, redoutable polémiste, économiste de renom qui en un tour de mains réussit brillamment à rendre nulles toutes vos propositions, étripe votre bilan et le décortique et réduit vos ambitions en miettes par des répliques foudroyantes. Ce fut quoique l'on dise, le coup de grâce. L'objet finalement de notre propos n'est pas de relater un événement que beaucoup de personnes ont sans doute vu, ni de nous ingérer dans ce qui relève de joutes franco-françaises mais de dire aussi que ce fut un moment de liberté et de démocratie exceptionnel que nous aimerions vivre et connaitre aussi cela chez nous d'autant plus que nous ne manquons ni d'éloquents ténors ni de redoutables contradicteurs.

Désacraliser toutes les fonctions, soumettre tout le monde au débat critique, être tous au dessous des lois et surtout connaitre en cette période d'avant élections législatives, les propositions et projets de ceux et celles qui ambitionnent de siéger dans notre assemblée et de voter nos lois.