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A quand les sondages d'opinion ?

par Mohammed Beghdad

Il ne se passe pas un jour sans qu'on lise sur la presse nationale qu'un chef d'un parti politique nous annonce exclusivement sur tous les toits de la république que c'est sa formation qui va gagner les prochaines élections législatives dont le dénouement est prévu au mois de mai prochain.

Une annonce qui peut choquer l'opinion publique et la laisse pantoise face à ces déclarations qui sortent de l'ordinaire. Tu te demandes sur quelles bases fiables s'est reposée ce présage pour être lancé comme ça sans, aucune pudeur, tel un pavé dans la marre au sein de la place publique. Sur quelles données lumineuses s'est argumenté tel ou tel dirigeant de parti pour exprimer des choses insensées dans le vide ? Est-ce qu'ils possèdent des boules de cristal qui leur murmurent des fictions pareilles dans les oreilles ? Si on suit le raisonnement des uns et des autres, on peut déceler ceux qui bluffent de ce qu'ils ne le sont pas à moins qu'ils détiennent toutes les vérités des prochaines formules. Et même ! Il faut être responsable en ne délirant pas du n'importe quoi sauf s'il s'agit de prêcher le faux pour rechercher le vrai.

Autant de questions qui seraient pour l'instant sans réponses. En tous les cas, l'opinion est déroutée par ces proclamations de non-sens à cause justement de l'inexistence de repères en son sein qui puisse la réguler et par conséquent aiguiser les élections. Pendant ce temps là, une autre campagne électorale se déroule de l'autre côté de notre rive méditerranéenne où tout petit détail, un simple mot, une insignifiante phrase d'un candidat à la présidentielle sont sujettes à toutes les analyses profondes, étudiés, disséqués où les fausses notes sont quasiment interdites.

On suit vos foulées à la loupe 24 heures sur 24. Attention aux faux-pas, aux scandales et aux égarements qui guettent son ascension et qui peuvent lui coûter très chers au finish ! Il faut avoir le souffle long pour subir tous les fatidiques examens.

Un petit croc-en-jambe, et c'est la trappe impitoyable qui serait le destin du malheureux. Le postulant est expulsé sur le champ de la scène politique et jeté aux dévolus des gouffres de l'oubli et de la justice. On voit actuellement comment DSK est traité identiquement à un pestiféré, lui qui était aux avant-postes des sondages d'opinion, il y a exactement presque une année.

Si ces politiques surveillent tout écart de leur langage, c'est justement par l'existence de ces sondages qui suivent l'évolution des intentions de vote de leurs concitoyens. Ces sondages sont effectués sur des échantillons d'à peine 1000 personnes représentatives de l'opinion de tout un pays de plus de 60 millions d'habitants ! Il n'existe pas qu'un seul institut de sondages mais plusieurs. Les conclusions des uns et des autres sont surprenantes à tous points de vue. Quoiqu'on dise à propos du diktat de ces instituts, il est rare qu'ils se trompent d'issues. Ce n'est pas pour rien si on continue à les suivre inlassablement. C'est à travers eux que l'opinion publique affute ses besoins et ses armes pour abattre un candidat indésirable avant le jour du scrutin. Ce n'est pas un chef de parti qui dicte sa loi mais ce sont les électeurs qui ont le dernier mot.

Un point de perdu pour un candidat et c'est le branle-bas de combat pour regagner sa place dans l'esprit des électeurs. Oh ! Que c'est dur la course finale. Les candidats à la traîne dans les sondages ne vont pas aller plus loin hors de leurs possibilités et de leurs moyens. On les voit souvent se rallier aux candidats dont ils sont les plus proches politiquement. Ce serait dorénavant pour la prochaine fois, ils iraient réviser leurs leçons avant d'affronter les décideurs que sont justement les électeurs même si on dit ici et là que la démocratie n'est pas toujours parfaite comme on le pense.

Au moins avec les sondages, on ne peut pas partir à l'aveuglette dans les élections comme c'est le cas dans notre pays. C'est utile pour les candidats de connaître l'avis des électeurs qui sans eux, une élection n'a pas de sens. L'abstention, telle que redoutée ces derniers temps, est la pire des choses qui puisse arriver à un pays et constituerait un aveu terrible pour les gouvernants. On ne peut moissonner qu'en fonction de ce qu'on a semé. Les envois incessants des sms aux citoyens en dit long sur la crainte des pouvoirs publics. Pourquoi alors avoir peur de cette terrible épreuve qui met chacun à sa place et où un chef d'un parti ne se laisserait pas trop entraîner par ses illusions ?

Même si on peut nous dire que ceci ne serait pas réaliste dans notre pays. Pourtant, cette pratique des sondages est devenue utile dans les pays qui ressemblent au nôtre. L'exemple des dernières élections organisées en Tunisie, au Maroc et en Egypte en sont des exemples révélateurs où les sondages effectués sur le terrain ont été proportionnels aux résultats réels obtenus dans des élections qui ont été on ne peut plus libres et transparentes depuis l'accès de ces pays à leur indépendance.

Si les intentions des pouvoirs publics sont d'organiser des élections propres plus que jamais ouvertes, de tels sondages réconforteraient l'opinion publique et établiraient une confiance pour rallier les sceptiques. Les électeurs dans leur globalité ne veulent plus de surprises le jour du dépouillement des scrutins.

On a vu comment dans la soirée du lundi 20 février 2012 sur Canal Algérie (une première) dans une émission où des jeunes étudiants universitaires interviewés exposaient leur dépolitisation en illustrant n'être pas intéressés par les élections. Pourtant, il s'agit là de la future élite du pays si l'on ose s'exprimer ainsi ! Un désert a été créé et qui menace l'avenir du pays où les enjeux à venir sont considérables.

Les sondages indépendants et fréquents constitueraient donc un indicateur très précieux. Elles peuvent valoir plus que les organisations internationales invitées à scruter le vote des prochaines législatives. Elles indiqueraient le feu vert à moins que les sondages d'opinion fassent encore plus mal et l'on continuerait à ignorer perpétuellement les réalités qui blessent. On peut encore guérir les plaies si l'on opère à temps et qui risqueraient de se muer en un cancer dévastateur si l'on tarde à intervenir pour le plus grand malheur de notre pays.