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Député à tout prix !

par Mohammed Beghdad

Depuis l'annonce des agréments accordés à des nouveaux partis, une fièvre s'est emparée du personnel mis au parfum des affaires locales et en quête d'une promotion sociale.

Un engouement particulier a trouvé refuge au sein de ces groupes champions du monde du nomadisme en politique et spécialistes à profusion des retournements de vestes. Peu importe si la méthode n'est pas catholique, le but est d'arriver coûte que coûte sur la dernière marche du podium quoiqu'on raconte d'inimaginables choses sur vous. Vous vous en foutez éperdument de ce que l'on dirait à votre compte, au bout du chemin, c'est la vie en or qui vous ouvrerait admirablement tous les bras. Ça vaudrait, quand-même, la chandelle de tenter sa chance par ces temps de sécheresse politique.

ET VLAN : 73 DE PLUS !

De plus, la probabilité vient subitement d'être revue superbement à la hausse en passant de 389 à 462 unités. 73 unités de plus, c'est 73x30x12x5 millions comme le notait un internaute ou 131,4 milliards de plus dans le trou du trésor public. Ce qui va encore chauffer l'atmosphère dans les chaumières politiques en satisfaisant les demandes. Heureusement que le pétrole est là pour parer à toute mauvaise éventualité. A lire les commentaires des facebookiens, tu n'as point l'envie de se présenter même s'il se trouve des candidats sérieux qui veulent du bien à leur pays mais la répugnance est grande à cause de la souillure faite à ce noble mandat qui demande une présence permanente dans l'hémicycle au lieu de cet absentéisme notable.

Allez demander à n'importe quel citoyen rencontré hasardement dans la rue et lui poser la question de savoir à quoi sert un député, il vous répondrait sans aucune hésitation, c'est pour s'enrichir, être à l'abri et fructifier ses affaires. Même les candidats à la députation le pensent en leur for intérieur. Sur une quarantaine de commentaires trouvés sur Facebook, je n'ai pas trouvé une seule bonne évocation en leur faveur. C'est pour vous montrer le large fossé qui sépare ces « élus » du peuple. C'est une réalité très amère à lire mais le mal est flagrant.

VITE ! VITE ! À LA CHASSE !

Dès qu'une grappe de partis est agréée, on s'agite en bas pour allonger ses tentacules en tentant d'accéder au poste de représentant exclusif local du parti qui vous ouvre tout droit l'occasion d'être en tête dans la liste de promus avec le poste de député en ligne de mire. Il faut bien viser afin de porter convenablement son coup fatal au moment propice et recueillir le fruit attendu.

Il faut connaitre les rouages nécessaires et les bonnes ficelles pour accéder au sésame poste qui te propulserait vers l'avant, vers le haut sans un retour vers le désagréable. Cela fait très longtemps qu'on guète ces types d'opportunités qui ne peuvent pas se présenter deux fois dans la vie où il faut en profiter au maximum tant que la rente puisse le permette pour l'instant.

Il faut faire vite, courir à droite, à gauche, sillonner le pays de bas en haut, chercher des alliances pour décrocher sa place dans la liste du nouveau parti avant qu'il ne soit trop tard. C'est une course poursuite sans fin vers le fantasme. Plus on serait premiers à taper aux bonnes portes et plus on serait mieux servi et à volonté. Puisque le nouveau parti ne cherche qu'à attirer les convoitises, au vu des empressements et des ultimes échéances de la vie politique, c'est une aubaine qui lui tombe sur la tête alors qu'il n'existe qu'à peine deux heures. Il est célèbre dans la galerie des experts en la matière avant de commencer à apprendre à marcher ou à faire ses premiers pas. Le programme n'a aucune importance.           

D'ailleurs il n'y croit même pas, l'essentiel est d'atterrir sans embûches là-haut, bien au chaud. L'objectif, c'est l'agrément. Une loterie politique de plus.

Après avoir été militants, pardon adhérents, dans un parti politique, les voilà en un part d'heure et en un quart de tour au devant de la scène, prêts à ne plus quitter leurs starting-blocks. Qui l'eut cru une heure avant !

En ce moment donc, les déçus des autres partis ou ceux qui n'ont aucune chance de figurer sur les listes électorales pour les législatives dans leurs partis, claqueraient désespérément la porte au moment opportun pour aller chercher un parrainage dans les nouveaux partis. Pour cela, il faut disposer de connaissances solides pour être introduit chez le chef du nouveau parti qui déjà avant le commencement fait la pluie et le beau temps. Un parti se résume aussi au charisme de son chef. Il n'est pas chef n'importe qui le désire ! On nait chef et on le restera toujours pour toute la vie et tout le monde à son écoute de ses moindres désirs.

DES SIGLES EN TROIS MOTS ET DU COPIE-COLLE A OUTRANCE

Déjà, rares sont ceux qui connaissent les sigles des partis sauf vraiment pour les initiés. L'électeur risque de se perdre dans cette panoplie de noms qui ressemblent les uns aux autres. Et à la fin, le jour du scrutin, il cocherait au hasard les listes et les jetterait à la va-vite dans l'urne pour uniquement se sentir l'air du devoir accompli. On risque même de les confondre avec ceux existant hors de nos frontières sauf si on irait vers les symboles comme dans une société analphabète. On trouve presque tous les mêmes qualificatifs dans le désordre qui peuvent captiver l'attention : justice, développement, forces, front, démocratique, union, libre, liberté, société, paix, mouvement, parti, changement, espérance, rassemblement, jeunes, social, nouveau, renouveau, national, nationaliste, Algérie, algérien, république, génération, avenir, citoyen, générosité, etc?

Il suffit de mettre tous ses mots dans un chapeau, tirer ensuite au sort deux ou trois de ces précieux termes, et voilà la trouvaille et un beau slogan en perspective qui ne vous quitterait sauf qu'en cas de dissidence des vôtres comme il est devenu de coutume dans nos traditions. Un parti se résume donc à un beau sigle qui se prononce facilement, avec une belle connotation et un bon enchaînement. Le programme, s'il en trouve un, viendrait par la suite. Qui s'en soucie au sein de la plèbe, le parti a beaucoup plus besoin d'aller à la pêche des visages locaux qui peuvent rabattre les électeurs vers le piège tendu.

Si on lit leur programme, on aurait bêtement que du copié-collé, du plagiat et de l'impression du déjà vu et revu. Pourquoi tous ces partis ? Alors que les unions de partis qui se ressemblent feraient beaucoup plus de bien au pays au détriment du leadership de leur chef qui par saute d'humeur est allé créer le sien. Ce qui fait sourire, c'est de voir certains appeler à l'union avant de se voir attribuer l'agrément. Pourquoi donc tout ce remue-ménage pour naître divisés pour ensuite inviter à la réunification !

POINT DE BAGUETTE MAGIQUE

Par ailleurs, un nouveau parti politique ne dispose point de baquette magique pour créer ses structures, faire son congrès constitutif, élaborer son programme, ses statuts en un laps de temps, ensuite recruter des adhérents pour en faire des militants puis aller hâtivement vers une élection législative qui risque d'hypothéquer immanquablement le pays durant un quinquennat. Si on va ainsi vite, on irait tout droit vers le bricolage dont le pays ne serait pas épargné par une nouvelle débâcle qui s'ajouterait aux précédentes. Un vrai parti, ce sont des années de réflexion et de construction pour ensuite prétendre assumer ses responsabilités d'élus. On ne va pas aux élections comme on va à une promenade de plaisance.

ADHERENTS, DEJA CANDIDATS !

Dans ces circonstances, un parti se retrouverait dans l'obligation de proposer des candidats novices qui n'auraient même pas 4 mois d'adhésion à leur actif pour ne pas dire de militantisme pour être ensuite ses représentants dans le cas où ils seraient élus à la chambre basse. Une telle dérisoire présence dans les rangs d'un parti ne peut, en principe, leur permettre de briguer même pas de futiles mandants d'élus dans les structures internes de leur formation. Comment pourraient-ils l'être en dehors si on suit rigoureusement les statuts de leur parti qui exige généralement au moins une année probatoire pour passer au statut d'éligible. Comment pourrait-on alors confier une législature de 5 années à des stagiaires en politique sauf si on pense uniquement au remplissage et à en faire de la figuration et où les dés ont été déjà jetés ? On ne peut quand même pas adhérer le matin pour se retrouver au sommet le soir du même jour ! Au final, c'est juste une signature signée ou soutirée par un ami sous le coup de l'accélération des évènements pour se voir lancé dans une aventure dont on ne rêvait pas la nuit précédente. Une telle précipitation ne peut déboucher que sur une assemblée non pas pluraliste où l'électeur aurait l'embarras du choix mais une assemblée fade à défaut d'être à connotation colorée. Où on changerait de place comme on changerait de chemise. Ça deviendrait même un jeu en perspective. On chercherait le parti où on vous laisserait la liberté de faire tout ce qui vous passerait par la tête et où l'appartenance à un parti n'aurait aucun sens et où la discipline du groupe serait à mettre aux oubliettes. C'est le monde à l'envers. Un probable élu qui imposerait ses choix à tout un parti. On ne voterait pas en groupe après des discussions internes mais partir éparpillés en vagabonds avec au final l'affaiblissement du parti qui perdrait alors toutes ses plumes. Il serait laminé par les siens avant de l'être par les opposants.

FEMMES MILITANTES OU FEMMES AU PLURIEL ?

Le comble dans tout cela, dans la nouvelle loi, c'est comment trouver des femmes mais en plus convaincues par le parti pour figurer dans les listes des candidats ? Le système des quotas n'a pas l'air de nous lâcher. Ce serait sans aucun doute la chasse à l'oiseau rare par tous les moyens de séduction, l'essentiel est de dénicher la femme non pas celle qui serait appâtée par le programme mais pour être exposée dans la vitrine. Encore, le facteur temps jouerait en leur défaveur. On ne pourrait pas d'un revers de la main changer la sociologie de tout un pays en pondant une loi qui menacerait de fausser toutes les données en jouant les trouble-fêtes.

A QUAND LA FIN DU MIRAGE !

Si les élections seraient libres et transparentes, les citoyens songeraient autrement et ces arrière-pensées seraient peut-être chassées un jour de leurs esprits. Tant que l'on serait éloigné de la légitimité du parlement, cette colle serait toujours indélébile. Un député est fait pour réfléchir, travailler ses méninges, proposer ou amender des lois mais non pas seulement lever éternellement les mains pour approuver quelque chose que lui-même n'y a jamais cru. Il faut être le digne représentant de sa circonscription, pas un lourd fardeau budgétaire pour le trésor public et la société. Déjà les partis existant officiellement, on les a oubliés vu qu'ils ne surgissent qu'aux moments des échéances électorales. On ne sait s'ils le font naturellement ou tout simplement pour chauffer la galerie et jouer leurs rôles de lièvres. On en a marre de ce scénario. Nous sommes épuisés, lessivés par ce schéma qui ne veut pas nous séparer comme une misère qui nous colle à la peau. A chaque fois, on nous promet sur tous les toits des élections on ne peut plus démocratiques et à la fin, c'est la même déception et le désespoir continue son bonhomme de chemin. On regarde les autres évoluer dans le bon sens tandis que chez nous, on nous sort des histoires à dormir debout. A quand la fin de ce mirage !