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Pestilence

par Remmas Baghdad *

L'opinion est scandalisée par le choc des images de cadavres de talibans «douchés» à l'urine par les marines américains.

Un bis repetita du calvaire des prisons d'Abou Ghreib nous est de nouveau servi.

Faut-il s'étonner de ces images de soulagement des soldats américains sur des macchabées? Si nous allons dans cette logique de condamnations du geste de ces marines on arrive à la conclusion qu'uriner sur des cadavres est un acte odieux mais les tuer est une légitimité.

On découvre donc en 2012 que la guerre phénomène proprement humain est le creuset de comportements inhumains. L'hypocrisie est à son comble lorsque les médias qui, hier faisaient l'apologie d'une guerre nécessaire en pays afghan, découvrent aujourd'hui comme une vierge effarouchée ses atroces conséquences. Geste considéré comme une «Violation des lois de la guerre.» la bonne blague cela fait un bail que l'on est habitué à voir des pays envahis pour des scénarios de sécurité, de terrorisme et moult potions endocrinantes. Et de voir leur population civile se faire pilonner avec des armes «interdites» par leurs fameuses lois de la guerre.

Cette drôle de façon de se sentir scandalisé quand on diffuse les preuves de l'insondable stupidité de leurs «combattants de la liberté», relève du grotesque hollywoodien le plus vicieux. Surtout lorsque on lit que certains analystes politiques exécrables aimeraient pouvoir imiter le geste des Marines ou argumentant que cette «pissaille» pourrait enflammer le sentiment anti-américain en Afghanistan. On fait semblant de ne pas se rendre à l'évidence que leurs fameux Marines créent chaque jour ce sentiment à coup de drones faucheurs de victimes innocentes et à coup de missiles soft crées pour l'occas.

Sont- ce, ces individus qui sont répréhensibles, ou bien ceux qui les envoient tuer ou être tués pour des raisons dont «l'humanité» nous échappe. Ceux là même qui aujou-rd'hui s'indignent de «l'inhumanité.» de leurs soldats. On ne peut pas être aussi naïfs car les images des sévices d'Abou Ghreib et de celles des prisonniers illégalement enfermés à Guantanamo ont déjà tracé leurs sillons dans l'inconscient collectif. Mais il y' aura toujours un groupie pour «expliquer» qu'il s'agit de cas isolés alors que de nombreux scandales qui dépassent cette ampleur ont jalonné les guerres d'Irak et d'Afghanistan depuis 2002. D'autres chanteront le fameux refrain «il ne faut pas faire d'amalgame, le peuple américain...» et blablabla.

Il est des guerres préparatoires, plus insidieuses, elles entrent dans les foyers, par les lucarnes de pixels, elles se glissent dans la tête des gens, à leur insu et valident leur ordre de mobilisation en gravant leurs opinions, les transformant en soldats de plomb.

Guerres globales, mondiales, on ne voit jamais les stratèges de ces guerres, juste les pantins qui les représentent. Des pays sont conquis dominés, des gens sont tués, des populations sont mises en esclavage. Voila comment on forme une armée de psychopathes prête à soutenir l'effort de guerre. Et lorsqu'on se réveille de sa névrose il est déjà trop tard. On prépare à un nouveau formatage pour un autre épisode hollywoodien «des combattants de la liberté» cette fois ci en terres persiques.

Dix ans d'occupation en Afghanistan ou en Irak n'ont conduit qu'à un champ de ruines et de victimes par milliers. La guerre des étoiles promise est revue à la baisse c'est à une guerre des urines que nous convient ses pourfendeurs. Le mythe du Marine libérateur des studios hollywoodiens se désintègre à la «Terminator». Les propos de l'ancienne première Dame des Etats-Unis Eléanor Roosevelt conservent dans cette optique tout leurs acuités «Les marines que j'ai rencontrés à travers le monde ont les corps les plus sains, les esprits les plus vils, la morale la plus haute et les mœurs les plus basses de tous les groupes d'animaux qu'il m'ait été donné de voir.»

Un pays qui se retrouve investi du rôle d'autorité planétaire après l'effondrement du bloc socialiste, qui veut exporter dans tous les coins du monde son système de valeurs et óu son armée est devenue la gendarmerie du globe, óu ses alliés sont devenus des vassaux et ses ennemis des hors- la- loi. Une situation incomparable dans toute l'Histoire. Or le respect mutuel et la dignité partagée sont les seules armes que l'on peut dispenser au nom d'une civilisation planétaire et tant que les Etats-Unis n'auront pas persuadé le reste du monde à travers cette prééminence morale, ce reste du monde opposera sa résistance et ses aspirations légitimes.

 * Universitaire -Nàama