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LMD : le satisfecit des membres des conférences régionales de l'enseignement supérieur

par Ali Derbala *

«Si tu veux être sûr que la chaîne tienne, mords-la !» Nietzsche [1].

L'étude des sciences exactes ne saurait se concevoir sans libertés d'expression et d'opinion. L'auteur de l'article paru récemment [2], membre de la conférence universitaire régionale- est, en a fait l'éloge du système LMD et s'est inquiété du sort de l'Université technologique. S'il fallait se lamenter, il fallait le faire avant le démantèlement des lycées professionnels, qui constituèrent normalement la pépinière de cette Université. La science ne supporte pas la médiocrité, ni l'esprit de flatterie, mais doit accepter la critique. Dans un temps d'ignorance, on n'a aucun doute, même lorsqu'on fait les plus grands maux. Dans nos Universités, beaucoup de problèmes pédagogiques persistent dans l'implantation de ce système pédagogique et scientifique dénommé LMD, une contraction de la Licence, Master et Doctorat, qui a déjà fait l'objet de multiples contributions dans la presse nationale [3, 4 & 5].

Il faut que les responsables des Universités nous écoutent, nous les enseignants, les étudiants et les travailleurs, c'est un acte civilisé. Un débat serein, franc, sans détournements doit s'installer sur son évaluation. Beaucoup de responsables des Universités ignorent totalement la vie des étudiants, des enseignants et des travailleurs en s'enfermant dans leur bureau et en dressant à son entrée des barrières d'agents de sécurité. Il est important que l'étudiant, l'être à éduquer, soit observé, connu. «Observer vos étudiants, car assurément vous ne les connaissez pas «dixit Jean- Jacques Rousseau.

Même Monsieur le Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique lui a été donné de constater un déficit flagrant en matière d'information et de communication au sein des établissements d'enseignement supérieur autour des mesures engagées par le secteur?. Il a même demandé aux chefs d'établissements universitaires de veiller personnellement à assurer une communication efficiente au sein de leur établissement et son environnement. Il leur a aussi demandé d'apporter toutes les clarifications nécessaires pour répondre aux interrogations de la communauté universitaire (Note Ministérielle du MESRS n°196 du 05 mars 2011). A-t-on oublié que la première communication doit être orale et se ferait par la rencontre des enseignants, des étudiants et des travailleurs ? Ne sommes-nous pas originellement une société algérienne à expression orale ?

L'une des missions des enseignants chercheurs consiste à prendre en charge des individus et des groupes, à considérer les personnes dans un contexte relationnel, de profession sociale et pédagogique. Lorsqu'un système est établi en termes ambigus, il devient ingérable. Les conditions de dispense de cours, de l'audience, la notation, la moyenne sur vingt, la notation alphabétique, le crédit, la mobilité, la qualité de l'enseignement, le tutorat, la compensation, le logiciel de délibérations, les irrégularités dans l'affichage des notes, le rattrapage, la surcharge des effectifs, la disponibilité des ouvrages dans les bibliothèques, sont autant de problèmes pédagogiques à résoudre. L'hébergement, le transport, la restauration, la révision dans les cités Universitaires, la communication etc., sont d'autres problèmes sociaux de la vie universitaire estudiantine. Certes, les enseignants n'étaient pas impliqués dans la conception, la planification et l'implantation du LMD. Les enseignants ont mis en oeuvre ce système imprécis, parce qu'il était introduit d'une manière autoritaire (Le LMD est le système officiel et légal.). En 2005, date d'introduction de ce système dans nos Universités, il n'y a pas eu de discussion, seulement instruction.

Le LMD comparé succinctement à l'ancien système pédagogique et scientifique

Le système de formation universitaire a été divisé entre des grandes Ecoles, elles n'ont de grande que l'appellation, puisqu'elles sont en majorité domiciliées dans les anciennes enceintes universitaires, qui attirent les meilleurs élèves et qui parviennent à leur inculquer un sentiment de supériorité, et des Universités qui forment avec peu de moyens des «armées» d'étudiants médiocres. Avec une licence de 4 années, on a produit des licenciés d'un niveau bas. Que dire d'une licence de 3 années ? Comment peut-on réduire un cursus universitaire d'une année et le niveau de connaissances des étudiants ne sera pas altéré, en restant au moins tel qu'il était ? Dans l'ancien système, en cinq années d'études, l'ingénieur faisait cinq semestres de spécialité et un semestre pour la confection de son mémoire. Dans le LMD, le mastérant ne fait que trois semestres de spécialité et un semestre pour la préparation de son mémoire. L'évaluation du cycle supérieur scientifique se fait de visu. Tous les parents d'étudiants s'étonnent comment leur progéniture arrive à réussir aux examens. Ce n'est pas le nombre d'étudiants, un million deux cents mille, qui fait la puissance d'un réseau scientifique, bien au contraire.

Evaluation dans le cursus de la licence de mathématiques

Les hommes avaient commencé à étudier les mathématiques parce qu'elles leur étaient utiles, qu'ils en poursuivent l'étude parce qu'elles leur sont encore utiles. Les livres et les références bibliographiques permettent d'élargir au mieux l'information, susciter la réflexion par la confrontation des sources ou des opinions et de coordonner l'ensemble des apports dans une optique plus large. Les processus d'apprentissage sont largement influencés par les facteurs personnels, affectifs. L'étudiant apprend mieux, plus efficacement s'il fournit un effort, s'il est réellement actif, si, ce qu'il réalise, répond à son intérêt. On n'apprend que lorsqu'on apprend quelque chose. La mathématique est une étude qui occupe si longtemps et qui sert si peu dans les pays sous-développés. Certains étudiants de la 3ème année licence de mathématiques ne savent pas encore la définition d'une «fonction». L'évaluation du pallier universitaire est indispensable car : Qui a fait passer en classe supérieure ces étudiants qui n'ont rien retenu ?

Au département de mathématiques, on n'a pas eu l'embarras du choix de nos étudiants pour faire la «fine bouche». En général, on reçoit des étudiants qui n'ont pas choisi cette spécialité mais des étudiants qu'on n'a pas pu casé en informatique pour faute de place. Le silence des étudiants me pèse beaucoup. Ils ne répondent à rien. Il n'y a aucune communication entre les étudiants et les enseignants. Vous savez, nos étudiants ne recopient plus, ils redessinent ce qu'on a écrit sur le tableau. Des universitaires doivent écrire sur la physique, la chimie etc. Sûrement ils ont des «pathologies» dans leur département. Ne me dites surtout pas que je veux polémiquer. On est allé loin dans cette déchéance pédagogique et scientifique. On a été trop laxiste sur les choses.

Il est temps de réveiller les consciences universitaires. Je ne suis pas un «ingrat», mon pain je le gagne grâce aux étudiants. Je ne méprise pas les étudiants mais je veux qu'on prenne conscience de nos faiblesses. Il peut également arriver qu'à différents niveaux du système, le MESRS et ses responsables des Universités d'une part et les enseignants d'autre part, mettent l'accent sur les intentions différentes.

L'observation «admis avec dettes» dans le LMD

A l'Université, une nouvelle «dérive pédagogique» s'est imposée dans le système LMD. Des étudiants qui ne réussissent pas leur année en cours, sont autorisés à passer en classe supérieure avec la mention «admis avec dettes» (s'ils ont acquis un certain nombre de crédits et une moyenne inférieure à 10/20). A mon avis, c'est une forme de pression psychologique sur les enseignants des premières années universitaires. Si vous recalez un étudiant en première année, il passera en seconde et troisième année avec des mentions du type «admis avec dettes». A la fin du cursus de l'étudiant, on insinuera et inculquera un «syndrome de culpabilité» aux enseignants, comme quoi ils retiennent un étudiant en «otage» en première année alors qu'il a réussi ses années postérieures. Pour libérer l'étudiant de la première année qui n'a pas réussi mais qui a réussi les autres années postérieures, certains enseignants des premières années seront contraints inconsciemment à lui distribuer le module qui ne l'a pas mérité et qui ne le mérite pas. De ce fait, on «boostera» le taux de réussite à l'Université. Où sont passés ces professeurs de rang magistral qui doivent réfléchir sur le devenir de nos étudiants ?

Ce ne sont pas tous les étudiants algériens qui peuvent prétendre à un séjour scientifique à l'étranger pour poursuivre leurs études. Seuls les enfants des «Introduits» peuvent se procurer des bourses à l'étranger ou des «pécules en devises». Ils ne subissent ni de près ni de loin les soubresauts de ce système. Qu'est ce que c'est que cette politique de formation supérieure et de recherche qui consiste à former des étudiants compétents et les faire fuir du pays ? Pourquoi ne pas donner à leurs professeurs des moyens pour les prendre en charge scientifiquement sans les isoler des «mondes scientifiques évolués» par des stages à l'étranger, des bourses de formation à distance, des réalisations d'expérience à l'étranger etc. ? Le savoir- faire s'acquiert, il ne se donne pas ou ne se décrète pas par des textes.

Conclusion: on aime mieux être aveugle que de connaître son faible. Je conçois qu'il y a peu de métiers honnêtement exercés, ou peu d'honnêtes gens dans leurs métiers. Il est indispensable qu'on renoue avec la science, d'au moins celle des années 80. En France, pays à références scientifiques, les enseignants chercheurs qui dépassent «l'âge de la retraite» ne peuvent en aucun cas prétendre à des postes de responsabilités administratives. S'ils le souhaitent, ils peuvent encadrer des doctorants et rester directeurs de recherche. Nous devons oeuvrer pour une éducation qui persuade l'étudiant à se consacrer entièrement à ses devoirs et doit constituer notre objectif majeur. L'instruction consiste en l'amour de la vertu et la haine du vice. On doit faire apprendre aux étudiants à raisonner juste, si on peut, chose qui est si peu commune parmi les hommes. Les divers éléments que l'éducation doit souligner sont l'«entraînement à la régularité et à la stabilité», la «subordination de l'individu à la société» et la «préparation à l'adaptation et à l'obéissance». Les générations d'étudiants montantes doivent étudier les sciences exactes accompagnées de la micro- informatique, l'Internet et les sciences et techniques de l'information.

Une question me turlupine l'esprit : «L'Université algérienne aurait-elle pu être mieux gérée ?

Je sais aussi que pour arriver à la perfection, il faut travailler lentement.

*Universitaire

Références :

1. Friedrich Nietzsche. Par-delà le bien et le mal. Traduit de l'allemand par Geneviève Bianquis.

Union Générale d'Editions. ParisVI, 1988. Titre original : Jenseits von Gut und Bose.

2. Aidel Salih . Le système LMD : Pour une valorisation des formations professionnelles. El Watan, Rubrique : Contributions, Idées-débats, Mercredi 11 Janvier 2012, p.20.

3. Ali Derbala. Implantation du LMD à l'université scientifique algérienne. El Watan, Dimanche 1er Novembre 2009, Rubrique : Idées-Débats, p.22.

4. Rachid Brahmi. L'équation LMD. Le Quotidien d'Oran du 08 Janvier 2008, Rubrique : Débats, p.07.

5. Ali Derbala. Le système LMD, un descendant du BMP. El Watan, 10&11/06/2007, rubrique Idées-débats, p.23.