Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Protéger les dénonciateurs d'actes de corruption

par Kamel RAHMAOUI*

« (?) Alors qu'on s'imagine guérir un mal si grand sans couper la racine. »(Corneille, Cinna, 11.2)

La loi algérienne relative à prévention et à la lutte contre la corruption du 20 février 2006 oblige les fonctionnaires et employés ? quel que soit leur positionnement dans la hiérarchie ? de dénoncer les actes de corruption dont ils ont pris connaissance, la non-dénonciation de ces faits constitue selon la même loi un délit sévèrement puni. (ART 47).

Cette législation en encourageant un nombre important de travailleurs à dénoncer les fraudes et les mauvais comportements professionnels constatés, les a cependant mis dans une situation fort embarrassante sur le plan professionnel car il n'existe malheureusement pas en Algérie et à ce jour, une législation de travail spécifique à la dénonciation ou à l'alerte professionnelle.

Il est vrai que sur le plan pénal l'employé dénonciateur et ses proches, sont protégés contre les menaces vengeances et intimidations (ART 45), mais cette protection n'est d'aucune utilité dans le monde du travail.

En effet le droit du travail en Algérie ne traite pas de cette question cruciale. Pis encore, c'est à cette réglementation qui date de 1990 que l'on fait appel pour licencier, suspendre, muter d'office ou mettre en quarantaine, tous ceux qui osent braver la loi de l'omerta en communiquant aux autorités compétentes les preuves ou informations dont ils sont en possession.

Généralement les dénonciateurs sont accusés d'avoir failli à leurs obligations en matière de secret professionnel, loyalisme ou réserve, ou tout simplement d'irrespect de la voie hiérarchique.

Le droit algérien considère le non respect de telles obligations comme étant de fautes disciplinaires graves susceptibles d'entrainer le licenciement de leurs auteurs. On comprend dés lors que le juge du social ne peut intervenir efficacement en cas d'utilisation arbitraire du pouvoir disciplinaire pour se débarrasser des dénonciateurs.

Devant cette rigidité législative de grandes entreprises publiques, à l'instar de Sonatrach et Sonelgaz, ont créé leur propre organe d'éthique, auquel tout travailleur doit s'adresser pour signaler tout acte de corruption.

Force est de constater que ces documents de l'éthique ne reconnaissent pas le droit de saisir le parquet si le comité de l'éthique étouffe à son tour les délits qui ont été portés à sa connaissance.

Une législation du travail adaptée à la prévention et à la lutte contre la corruption s'impose. Le législateur doit explicitement interdire à l'employeur de prendre des mesures disciplinaires ou administratives à l'encontre de l'employé qui dénonce aux autorités compétentes tout acte de corruption, comme il doit reconnaitre aux gestionnaires le droit de se défendre et de poursuivre l'auteur de la dénonciation abusive.

L'employé n'est pas simplement un citoyen, il a besoin d'être protégé dans un environnement complexe hautement hiérarchisé ; c'est cette réalité qu'il faut prendre en considération en, matière de lutte contre la criminalité économique.

*Doctorant en Sciences Juridiques Cadre Algérie Télécom