Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

L'élite et les sectes

par Abdou B.

«Il n'y a pas d'âge pour la sagesse, qui est un acte orientant tout l'homme vers sa vérité, une conversion et un arrachement». P. Nizan

De nombreuses compétences nationales, respectables et de haut niveau, à juste raison brocardent régulièrement, avec talent et objectivité les tares du système, la faiblesse théorique et les incohérences des partis de la majorité. Le croisement des analyses fournies destinées aux élites, aux couches moyennes, qui n'ont pas accès aux émissions à l'ENTV sont d'une importance indiscutable pour la mémoire collective, par les éclairages scientifiques fournis aux plans interne et externe et pour prendre date sur le court terme, vu la vitesse du monde et les évolutions intempestives qui voient le jour au Maghreb, dans le monde arabe, africain et dans le reste de la planète. Le travail en question est extrêmement important, nécessaire mais cependant insuffisant. Cette insuffisance est marquée du sceau des fermetures de l'espace public, de la parole univoque de la chaîne unique, des régressions de l'université et du système éducatif pris en tenaille par la quantité, l'intrusion adoubée du religieux à l'école, au lycée et dans les universités et dans les ministères où les ostentatoires ablutions transforment des lieux en des patinoires nauséabondes alors que l'islam est synonyme de la propreté absolue.

Et il y a la crainte érigée en mode anesthésiant. La critique fondée sur des pratiques religieuses venues d'ailleurs très loin de l'islam maghrébin, l'attrait qu'elles exercent avec une violence «soft» de manière très intéressée pour des gains terrestres bien matériels après le contrôle des esprits, terrorisent le genre féminin et toute la société. Le calvaire des cancéreux, la haine des femmes, la corruption, les ventes de devises qui se font au square Port Saïd laissent de marbre la classe politique. «Port Saïd» ne dit rien à la jeunesse qui agitent des brassées de devises, au vu de toutes les polices, ne dit rien à la jeunesse. La presse privée, dans son rôle à beau mettre au jour les théories de la majorité, les dysfonctionnements des assemblées à tous les niveaux, les échecs de la politique industrielle, la dépendance alimentaire devenue une problématique de sécurité nationale, les feuilletons patriotiques, et surtout sans perspective sur le long terme.

Certaines pseudo-élites cultivent la prudence, le culte du poste et la valse à mille temps. Le pouvoir et l'opposition sont pour elles à peine des maux contre lesquels elles ne peuvent rien. L'engagement, la rigueur impartiale manquent à beaucoup. Les appareils creux mis sur la scène avec un kit, un manuel de base, la liberté de faire le coup de poing, le jet de chaise et des mots orduriers dissolvant la politique, éloignent les citoyens qui n'ont plus peur de faire l'abstention massive et d'ériger la parabole à un niveau jamais atteint au monde.

Les médias lourds, la presse publique évitent soigneusement d'analyser, de commenter ce que dit l'opposition considérée comme une secte, un ramassis de traîtres, d'agents de l'étranger sans que la justice ne soit saisie à bon escient. On ne l'invite pas à dire ce qu'elle veut, comment et avec qui. La posture facile, comme celle d'une secte consiste à excommunier la pensée non officielle par tous les moyens. A ce jeu sectaire, des journaux privés battent des records de désinformation de viols de l'éthique. D'un autre côté, c'est le tout va mal à 100%, avec il faut le souligner des titres qui ont un niveau international, plus équilibrés et qui se vendent bien. Au milieu, des clercs à l'affût ne se «mouillent» pas. Des écrivains, des artistes utilisent des ruses de sioux pour ne pas être catalogués à droite, à gauche ou au centre. Ils sont ailleurs, à la mangeoire, ni pro ni anti intégrisme. Ils sont «experts» dans les nuages. Mais dans les microcosmes tout se sait jusqu'aux alliances tissées par les affaires, les mariages, la région, à travers la subvention, la production financée etc.

Les résultats sont lisibles, simples. Les discrédits frappent autant les élites que la classe politique. Le schéma directeur du système qui, à juste raison, ne fait confiance à personne, est reproduit par le nombre de journaux qui écrase la norme UNESCO. Qu'ils soient lus ou pas, pour beaucoup seule compte la rente téléguidée de l'ANEP qui dépouille, pour leur publicité, les dirigeants des entreprises publiques qui risquent la prison pour un acte délictueux mais ne peuvent décider du choix d'un support. La rente ANEP est en pilotage automatique qui ne dépend pas d'elle, mais personne n'est intéressé par le coût, l'impact social et culturel d'une rente qui coule strictement pour rien. Mais il y a encore du pétrole pour quelques années ! Et il faudra bien un jour que les entreprises publiques, l'appel d'offres soient soucieux du nombre de lecteurs, de l'audience de chaque journal pour la liberté du choix. Surtout, sachant que les journaux «amis» n'ont aucune audience. Entre les deux, il y a des titres qui font un travail critique, objectif au dessus des appareils qui survivront et qui vivent dans la dignité, l'éthique et le respect des uns et des autres. Toutes les rentes ont une fin, et des fins tragiques.

Le champ politique (pouvoir et oppositions), la presse publique (une survivance du P.C.U.S) et privée pléthorique avec cependant des titres de grande qualité, les programmes des uns et des autres doivent être les objets des analyses de l'expertise nationale qui est comptable devant les citoyens, l'histoire et l'immédiat du pays. Avoir uniquement un regard partisan, une analyse gouvernée par des postures ou des intérêts, des calculs politiciens, la peur ou la région portent un nom. Ce dernier a été magistralement, à son époque, catalogué par Paul Nizan. Le scientifique parle à son temps, pas à des sectes, ni à des partis.