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Politique d'insertion : mode d'emploi

par Hamiani Mohammed Toufik*

Suite et fin

Les politiques de l'emploi ont comme objectif de soutenir la croissance de l'emploi et de lutter contre le chômage. Depuis 20 ans, les options choisies pour les politiques d'insertion des jeunes ont fluctué en fonction de l'orientation des gouvernements avec davantage d'échecs que de réussites, celles-ci étant rarement pérennes.

La politique d'orientation et d'insertion professionnelle des jeunes se situe au cœur de trois enjeux :

- L'élévation du niveau général de formation nécessaire mais insuffisant pour réduire le chômage des jeunes, la levée des freins sociaux.

- L'emploi des jeunes nécessite une politique volontariste qui exige un accompagnement conséquent vers l'emploi durable.

- L'égalité des chances qui constitue un défi pour notre société, dans laquelle l'accès à l'enseignement supérieur et la réussite scolaire restent largement déterminés par l'origine sociale ou culturelle du jeune.

Pour les jeunes en situation de handicap, l'égalité des chances passe par le respect du principe de non discrimination tant en matière de formation que d'emploi. Il ne s'agit donc pas de proposer maintenant des mesures spécifiques à l'insertion des jeunes en situation de handicap, mais de développer chez tous les acteurs de l'insertion des jeunes une approche systématique «compétences et handicap» qui leur permette d'orienter et d'accompagner chaque jeune en situation de handicap en fonction des compétences existantes, quelles qu'elles soient. Cela passe au préalable par la mise en accessibilité des lieux d'enseignement et de formation, la mise en place des aides humaines adaptées si elles sont nécessaires, ou la sensibilisation du personnel du Service public de l'emploi aux situations des jeunes.

Point faible majeur de notre système de formation initiale, l'orientation doit permettre au jeune de choisir un cursus dont dépendra son avenir professionnel. Ce choix est possible si les jeunes disposent d'informations pertinentes nécessaires à l'entrée dans des formations amenant à des métiers, à l'acquisition de compétences, vers des débouchés réels du marché.

La fonction d'accueil, d'information et d'orientation porte sur un champ étendu et complexe. Elle comprend les besoins de chaque personne, jeune comme adulte, en matière d'information, de conseil, d'accompagnement pour élaborer un projet professionnel, de formation, d'accès à un emploi ou d'évolution ou de promotion professionnelle. Elle comprend aussi l'ensemble des services attendus tels que l'écoute et la prise en charge globale de la demande individuelle, la première information, l'aide au choix de formation, l'appui à la définition d'un projet professionnel, l'accompagnement et le placement vers l'emploi, la mise en relation des personnes avec les acteurs compétents. Il convient toutefois de veiller à garantir le libre choix des jeunes dans leur orientation en fonction de ses aptitudes.

L'Accueil, l'information et l'orientation doivent être au cœur même des enjeux de la sécurisation des parcours professionnels, de la réduction des inégalités et de la prévention des discriminations.

Ainsi, l'information apparaît comme une étape indispensable dans un processus d'orientation, mais elle ne peut en aucun cas suffire quand une personne a besoin d'aide à l'orientation.

L'accueil et l'information

- Simplifier et clarifier la lisibilité des services pour les publics, en matière d'accueil et d'information à l'orientation par la labellisation de structures faisant de l'accueil et de l'information. Cela permettrait ainsi une meilleure identification des lieux d'accueil et d'information à l'orientation en distinguant les particularités de l'offre de services de chaque intervenant et des résultats qu'ils peuvent en attendre.

- Renforcer l'information en apportant de nouvelles réponses vers des jeunes étudiants ou sortis du système scolaire et universitaire sur les métiers, les filières, les passerelles existantes notamment en direction des métiers en tension et des métiers porteurs d'emplois dans les années à venir. Il en va de même pour les jeunes salariés en évolution professionnelle afin d'anticiper leur futur choix de carrière ou d'études ou des jeunes en difficulté notamment les personnes handicapées.

- Mutualiser l'ensemble des informations détenues par les professionnels de l'accueil, information et orientation en privilégiant la mise en commun de l'ensemble des ressources en matière d'informations et d'analyses déjà existantes pour avoir le même niveau d'information et disposer ainsi d'une information cohérente et pertinente.

- Créer un livret d'accueil et d'information rassemblant l'ensemble des dispositifs et des structures de formation, de recherche et d'accès à l'emploi, qui serait diffusé dans tous les points d'accueil, à l'initiative des ministères concernés (Emploi, Éducation nationale, Enseignement supérieur, Jeunesse, Agriculture et pêche...).

- Améliorer et organiser l'offre d'information sur Internet afin d'offrir une vue globale aux jeunes de l'ensemble de l'information par un travail de concertation de tous les acteurs et d'homogénéisation de tous les sites existants.

- Impliquer davantage les représentants du monde économique (employeurs et salariés) afin de construire un dispositif d'orientation à partir des métiers tout en introduisant une distinction entre orientation et formation dans le service public.

l Professionnaliser les acteurs de l'accueil et de l'information quelle que soit leur formation initiale (psychologues, conseillers à l'emploi, conseillers en formation...) par la mise en œuvre de rencontres et de formations et permettre ainsi un partenariat constructif en même temps qu'une information de base commune pour chacun d'entre eux et faire de ces conseillers de véritables guides auprès des jeunes.

- Développer et mieux diffuser l'information sur l'orientation au sein des établissements de l'Éducation nationale auprès de l'ensemble des enseignants et notamment des professeurs, des parents, des délégués de classe par l'intermédiaire des conseillers en insertion et orientation.

- Réduire les échecs de l'enseignement scolaire, universitaire et professionnel par une meilleure orientation.

L'orientation désigne à la fois le choix posé par une personne qui engage son avenir professionnel et personnel, sur la base d'un projet de vie élaboré avec ou sans l'aide d'un professionnel et l'ensemble des démarches qui doivent aider, guider, informer l'usager dans ses choix d'études et de métier afin d'accompagner la construction de son projet de vie.

Il est donc difficile de donner une définition précise de l'orientation. Ce peut être un processus de choix qui mène à des études, un processus de choix qui mène à des métiers, une ou des décisions d'orientation, une orientation tout au long de la vie.

Dans tous les cas, il s'agit de tenir compte de l'ensemble des circonstances d'une vie, tant dans sa dimension personnelle que sociale qui pourra générer le besoin immédiat de choisir une voie, de s'orienter voire de se réorienter.

Conforter le rôle essentiel de l'établissement scolaire et professionnel dans la lutte contre les sorties sans qualification. L'établissement est le lieu de proximité le plus pertinent pour éviter le départ prématuré des jeunes. Une identification des jeunes et un suivi de cursus tout au long de leur scolarité doivent être assurés. Un suivi particulier doit être mobilisé avec des équipes éducatives afin d'éviter

«l'essoufflement» et un éventuel désintérêt des études.

- Renforcer à tous les niveaux les moyens pour les jeunes d'acquérir les savoirs fondamentaux et lutter contre l'illettrisme par une prévention à l'école primaire et au collège en utilisant des programmes personnalisés, au lycée et en Centre de formation, en développant des modalités d'enseignement permettant un socle de connaissances et de compétences, dans le cadre d' une mission générale d'insertion en s'appuyant aussi sur de nouvelles approches comme l'apprentissage des langues ou des nouvelles technologies, en permettant à chaque étape du jeune de valider un niveau de qualification dans une démarche d'évaluation.

- Proposer à tous les jeunes quittant l'Éducation nationale sans qualification et sans diplôme un certificat de validation des acquis et une orientation vers des structures leur permettant de travailler à un nouveau projet professionnel.

Cette proposition répond à un double enjeu : éviter les phénomènes d'errance des jeunes sortant du système scolaire sans orientation professionnelle et ne sachant à qui s'adresser tout en diminuant le sentiment d'échec et mettre en œuvre à la sortie du système scolaire un certificat de validation des acquis en matière de savoirs fondamentaux et de savoir-être des jeunes auquel sera joint un bilan d'orientation vers les métiers supposés être au plus près de leurs potentiels.

Respecter les capacités d'absorption des diplômés par le marché du travail.

Limiter les afflux des jeunes dans des filières avec peu ou pas de débouchés. Cela passe bien sûr par le développement de formations pour lesquelles existent des possibilités professionnelles, mais aussi par la réduction d'un volume d'offres de formations dont chacun sait qu'elles conduisent à des impasses. C'est à ces conditions qu'une sélection dans un objectif de recherche d'égalité des chances prend tout son sens.

La formation initiale doit donner un maximum d'acquis pour permettre aux jeunes de maximiser leurs opportunités. Il convient de créer des interactions entre les formations étrangères et les formations nationales, d'ouvrir les jeunes à d'autres modes de pensée et leur permettre d'acquérir des outils pour faire des démarches et investir le marché du travail.

- Inciter tous les enseignants entrant dans un cursus professionnel à accomplir des stages en entreprises tout en respectant la diversification des domaines d'activité, au cours de leur formation initiale et continue

Une offre de formation continue devrait être élargie et permettrait de développer pour les enseignants au sein des établissements scolaires et universitaires la découverte pragmatique des métiers afin d'en posséder une connaissance la plus précise possible et mieux aider au choix de l'orientation des jeunes. Les assemblées populaires, représentants des entreprises, pourraient également jouer un rôle dans cette formation.

Faire connaître aux jeunes les métiers qui recrutent

Des efforts importants doivent être entrepris pour susciter l'intérêt des jeunes vers les métiers dits «en tension » tout en leur donnant les moyens d'évolution vers d'autres métiers. Pour ce faire, les métiers de l'artisanat dont les entreprises recherchent du personnel qualifié devront être valorisés au sein des établissements scolaires et de formation par les professeurs auprès de l'ensemble des élèves et d'apprentis. Une attention spécifique sera accordée aux jeunes filles pour mieux les orienter vers des débouchés opérationnels.

- Valoriser les métiers de l'artisanat, du commerce, de l'agriculture et des professions libérales en insistant sur la nécessaire mixité professionnelle dans toutes les branches professionnelles, afin de développer l'esprit d'entreprendre, de service et d'utilité aux citoyens.

- Coordonner et regrouper ces statistiques pour mieux orienter, connaître et améliorer les filières de l'enseignement, évaluer les ruptures et leurs causes, anticiper vers de nouvelles filières.

- Promouvoir l'esprit d'entreprise: Il est donc important que les élèves découvrent le plus tôt possible la possibilité de créer leur propre entreprise et disposent d'une information sur les aides à leur disposition pour mettre concrètement en œuvre un projet ( réduire les contraintes fiscales et administratives qui entourent la création de projets, favorise l'esprit d'entreprise des jeunes, encourage la prise d'initiative et l'inventivité, de façon à ce qu'ils trouvent un emploi plus rapidement ou qu'ils deviennent eux-mêmes créateurs d'emplois au sein de leur propre entreprise).

Développer la prospective des métiers par branches professionnelles

La connaissance à long terme de l'évolution des métiers et des besoins futurs des entreprises est insuffisamment développée. Une meilleure connaissance de ces aspects devrait permettre aux jeunes de s'orienter vers des métiers dont les besoins sont croissants et qui correspondent aux évolutions du marché du travail. Cette prospective relative aux métiers relève de la responsabilité des partenaires sociaux au sein de chaque branche professionnelle. La disponibilité de cette information tant pour l'enseignement secondaire que supérieur est nécessaire.

Faire des stages en entreprise un atout professionnel pour les jeunes

Toutes les expériences démontrent que les stages sont un bon moyen de découverte des métiers. Elles préconisent donc d'instituer et d'augmenter le nombre de stages disponibles pour les jeunes, qu'ils soient suffisamment intéressants pour offrir à leurs parcours une réelle valeur ajoutée et considérés comme une expérience professionnelle acquise.      Ces expériences souhaitent aussi que les entreprises s'engagent davantage dans la formation associée à cette période et tiennent à rappeler que les récentes mesures législatives relatives à la rémunération des stagiaires doivent être appliquées. En effet, la rémunération est un moyen de valoriser le travail accompli par le jeune en entreprise.

Inclure dans tous les appels d'offres publics la clause de promotion de l'insertion et de l'emploi

La règlementation ayant trait au code des marchés publics doit décider d'inclure dans tous les appels d'offre publics la clause « de promotion de l'insertion et de l'emploi ». L'ensemble des donneurs d'ordre et notamment les collectivités locales et directions techniques demandent aux entreprises candidates de recruter un certain nombre de jeunes au chômage pour chaque marché octroyé.

ÉVALUER LES POLITIQUES D'INSERTION DES JEUNES POUR UNE MEILLEURE EFFICACITÉ

Évaluer une politique publique, c'est d'abord en mesurer l'efficacité à l'aide d'indicateurs de performance pour, dans un second temps, en apprécier la pertinence. Et détecter le manque de lisibilité dans le cadre de la politique de l'emploi.

Beaucoup d'observateurs estiment que malgré la volonté affichée de l'État en matière d'évaluation et la création de structures ou de groupes de travail au sein des ministères, il persiste une absence d'évaluation intégrée pour chaque orientation politique proposée.

Des efforts particuliers d'évaluation sont à faire notamment en ce qui concerne la politique d'insertion des jeunes au cœur de la politique de l'emploi. En effet, il est difficile actuellement d'obtenir des éléments tant sur la mise en œuvre des programmes et dispositifs, que sur ses coûts réels même si des « fléchages » existent dans les lignes budgétaires inscrites au sein des différents ministères concernés.

*Secteur de l'emploi-Mostaganem