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O livre, délivre-moi d'eux !

par Mimi Massiva

Quelle est la première partie de la politique ? L'éducation. La seconde ? L'éducation. Et la troisième ? L'éducation. » (J. Michelet, Le Peuple)

En décembre 2010, Cheikha Moza Bint Nasser, l'épouse de l'émir du Qatar a lancé un sommet mondial le WISE (World innovation summit for éducation). En 2003, elle avait déjà inauguré une fondation, la Cité de l'Education, un ensemble futuriste de 7 universités. Le Wise a réuni 1200 personnes venues de plus de 100 pays pour débattre des thèmes suivants : comment mener à bien une réforme du système éducatif, reconstruire les écoles dans les zones de conflit, prodiguer une éducation de qualité au plus grand nombre, former les enseignants de demain, donner toute sa place à la création artistique? Qualité performance et art dans ce berceau de l'Islam où le pouvoir se transmet avec l'ADN paternel. Pas un mot sur la religion ni autre «constantes émiraties».

Ce petit bout de pays a donc des préoccupations que l'on ne soupçonnait même pas. On croyait naïvement que l'or noir, l'audience de la sulfureuse Al Jazzera et la coupe du monde de foot de 2012 suffisaient à son bien-être. Non, il a même une princesse qui s'intéresse avec succès au Savoir si on se réfère au dernier classement de ses universités. Idem pour un pays comme l'Arabie Saoudite où il n'y a pas si longtemps, seule la famille royale avait droit à l'instruction comme dans les temps reculés où la populace était confinée à l'ignorance pour ne pas menacer le pouvoir des puissants. Il a fallu au royaume d'Ibn Saoud attendre le XXème siècle pour envoyer un prince dans l'espace afin de convaincre ses oulémas, preuve à l'appui, que la terre était bien ronde.

Dans tout le monde arabe l'importance de l'école est prise de plus en plus au sérieux et selon les chiffres, tous avancent sauf nous. Pourtant de 1962 à 2000, l'Etat a dépensé pas moins de 1345 milliards de dinars pour ce secteur et avec l'augmentation du prix du pétrole et le printemps arabe les vannes ont dû depuis s'ouvrir à fond pour arroser ce secteur. Lincoln affirmait que l'instruction coûte cher mais l'ignorance encore plus. Le problème est de savoir où va tout cet argent. Il suffit de rentrer dans n'importe quel établissement scolaire pour remarquer que la manne pétrolière profite peu à l'élève. Dans son livre «Au pays de mes racines» en parlant de l'Algérie, Marie Cardinal s'étonne en ces termes : «Les bureaucrates jouissent de privilèges formidables dans ce pays. On dirait que tout est fait pour eux.» Ils jouissent en toute sécurité quand ils le prennent à des enfants avec la complicité de parents apeurés. Des classes cellules avec une armada de secrétaires surveillants appariteurs et autres comptables de mouches comme si on était dans un asile de fous ou un centre de rééducation. Souvent l'administration va jusqu'à transformer les recréations en «coude à coude et pied sur pied» au rythme des marionnettes qui font «trois tours et puis s'en vont». On se souvient de ces directeurs d'antan qui se contentaient d'un simple bureau où s'entassaient pêle-mêle la craie les livres cahiers matériel?Ce pauvre bougre se contentait d'un gardien qu'il secondait au portail pour la rentrée et la sortie des élèves. Ces derniers pouvaient le dérangeaient à tout moment et en cas d'absence de l'enseignant il faisait la leçon à sa place. Un tel spécimen à la tête de chaque établissement a réussi à générer des «cerveauxdollars» sans pétrodollars. En ce temps là, où l'analphabétisme de la société n'était pas l'exception mais la règle, il suffisait que l'enfant passe 6 ans à l'école pour décrocher un certificat d'études plus valeureux que le bac d'aujourd'hui. Dans son livre «La Crise de l'Education», Yves-Emmanuel DogBé en parlant du système éducatif africain disait: «Au lieu que l'école reste fidèle à sa mission de tutrice, de préceptrice impartiale, elle en arrive à souffrir l'égoïsme et l'orgueil des plus «forts»?Et la corruption sociale n'est que les prémices des résultats du système d'enseignement actuel?» Quant aux enseignants, nombreux sont ceux qui n'ont pas attendu les grèves pour mettre du beurre sur leurs épinards. En plus de ces cours «bidon» qui ne s'adressent pas seulement aux élèves en difficulté mais à toute la classe félicités et cancres compris, d'autres plongent dans la débrouille du bisness trabendiste. Le cas de Meriem, une adorable et studieuse collégienne ravie aux siens à la fleur de l'âge illustre bien ce triste mélange des genres. C'était un lundi matin, les deux profs de sport avaient organisé deux match l'un pour filles l'autre pour garçons. Passons sur ces séances de sport où rien n'existe ni salle ni espace ni matériel ni imagination. Grosso modo les garçons plus chanceux ont joué sur un terre-plein en face à l'extérieur tandis que les filles se sont contentées de leur courette goudronnée. Le hic c'est qu'un l'un des profs est parti conduire son G5 pour emmener des clients au marché et l'autre papotait avec le gardien. Sans surveillance le jeu a dérapé et la pauvre adolescente est tombée, sa tête a percuté violemment l'asphalte. Elle est morte et aucun adulte n'a été sanctionné. Seuls ses camarades s'étaient révoltés mais rapidement ils ont été réduits au silence par leurs parents et leurs enseignants avec la même phrase : «C'est le mektoub.» Jusqu'aux années 80 l'école algérienne pouvait encore faire illusion malgré ses directeurs nommés par «affinité» et ses enseignants à l'a peu-prés. Le problème c'est que les dirigeants en imposant leur «science» ont stoppé celle qui venait d'ailleurs. Dans son livre, Une Femme Debout, l'actuelle ministre de la culture écrivait : «On nous balançait une culture à deux sous, conçue et réalisée pour les nouveaux «indigènes». Tout ça était terriblement injuste : tu sentais qu'on organisait ta mise à l'écart du savoir.» Une année après la révolte de 88, réforme sur réforme on essaye de redresser la situation et pour calmer et contenter tout le monde on augmente les salaires on allège les programmes sans oublier une prime pour aider les parents pauvres à acheter les fournitures scolaires ou le leur distribuer gratuitement et enfin ouvrir des cantines là où on peut. Comme le reste du pays, l'école est devenue un tube digestif à remplir à défaut d'un cerveau à former. L'assistanat est de rigueur pour les enfants comme pour les grands. C'est vrai qu'en plein croissance avoir le ventre vide à midi ce n'est pas la forme, c'est vrai que les enseignants étaient mal payés, c'est vrai que certains parents avaient du mal à remplir le cartable de leurs rejetons mais est-ce la baguette magique qu'on attendait ? Donner l'aumône, nos responsables adorent, tout le monde est nécessiteux quand c'est gratis. Sur ces cadeaux comme sur le couffin du Ramadan combien d'intermédiaires se sont servis avant de laisser les miettes aux vrais destinateurs ? Idem pour les cantines. Lorsqu'un père de famille même pauvre envoie son fils ou sa fille à l'école ce n'est pas pour un morceau de pain mais pour un morceau d'instruction. La famine n'est pas encore là et le temps des colonies où le fellah envoyait son enfant pour un repas est derrière nous. En France où la cantine est de rigueur, il y a un peu de l'indigénat puisque même les enfants des sans papiers sont scolarisés et en plus l'Etat est fortement aidé par des associations, les dons de particuliers et même de riches étrangers. Dernièrement un émir, propriétaire d'un château dans un village, a dû débourser plusieurs dizaines d'euro pour sauver de la faillite? une charcuterie !? Chez nous, le téléthon n'a pas marché. Nos riches quelque soit l'origine de leurs biens préfèrent gagner leur place au Paradis à faire pèlerinage sur pèlerinage à la Mecque. En réalité le problème se situe plus dans le manque de confiance que de générosité. L'arnaque a commencé en 62 avec l'or du «coffre de solidarité» le fameux sadouk tathamoun qui a dépouillé nos mères et nos grands-mères de leurs bijoux, leur seul bien. Une association de parents d'élèves avaient demandé une cotisation de 50 dinars à tous les élèves d'un établissement. Rien. Le prof intrigué demande le pourquoi de cette étonnante avarice surtout qu'une bonne partie de ses élèves sont issus de familles d'intellectuels soucieux de l'avenir scolaire de leurs rejetons. A l'unanimité, les «petits monstres» ont répliqué : «Tous des voleurs ! Dans le passé, l'administration nous a aussi demandé 50 dinars pour le chauffage et rien n'a été fait.» Parents et administration dans le même sac. Plus que l'indigence du programme et la médiocrité de l'enseignement, l'attitude des adultes à l'école a un impact considérable sur l'enfant.

On sait que le piston le clientélisme l'injustice et autres méfaits de notre société ne sont pas restés à la porte des établissements scolaires. L'école aurait pu être à défaut d'un lieu de savoir une garderie à la bonne franquette. Non, combien d'élèves méritants se sont vus déclassés en faveur d'autres médiocres : fils de «flen et feltane». Combien de responsables se sont assis sur leur fauteuil en cuir comme des caïds où tout leur revenait de droit réduisant l'enfant à un soldat dont l'activité se résume au salut militaire et au pas cadencé dans des couloirs menant de la classe au portail. Combien d'établissements possèdent une bibliothèque ? Un endroit où l'élève peut réviser son cours, consulter un livre, faire un devoir. «Le livre est l'ami de la solitude. Il nourrit l'individualisme libérateur. Dans la lecture solitaire, l'homme qui se cherche lui-même a quelque chance de se rencontrer.»(Duhamel) Non seulement nos décideurs l'ont totalement ignorée mais ils ont fermé celles qui existaient, ont stoppé l'importation de livres poussé à l'exil de grands écrivains découragé les importateurs privés et balayé tout papier qui ne soit pas officiellement reconnu comme «hallal».

 Il n'a laissé qu'une piètre vitrine pour camoufler le vide, le salon international du livre qui est censé nous délivrer du syndrome de Pavlov. Annoncé en grandes pompes par tous les medias officiels, notre Sila n'a trouvé qu'une simple tente coincée entre les aléas de la météo et le réchauffé de ses invendus et ses déjà vus. Paul Valery affirmait que les livres ont les mêmes ennemis que l'homme : le feu, l'humidité, les bêtes, le temps et leur contenu.

Dans les pays occidentaux, quelles que soient les possibilités financières de l'Etat le livre est omniprésent partout à tout instant. Les librairies à chaque rue et chaque commune dispose d'autant de bibliothèques gratuites au service de ses administrés que ses étrangers de passage. Chez nous, l'enfant rumine son alphabet sans support dans la rue où les trottoirs sont parfois squattés par les expulsés du système scolaire pour vendre de la camelote chinoise et de la malbouffe. Aucun espace «sec» vert ou autre couleur pour son équilibre. Normalement pour sa santé, l'être humain a besoin d'un taux du couvert végétal de 6% à 12%, chez nous, il est à peine de 1% au mieux 3%. Une expérience a été faite sur des mouches pour tester l'impact de ce manque.

 Dans un bocal on en a mis deux et on leur a fourni toutes les conditions pour leur survie. Ils se sont multipliés jusqu'à un certain point puis ils ont commencé à dépérir. Pas une seule mouche n'a survécu.

 «Par ailleurs, il est terrible de constater à quel point les animateurs de ce pouvoir véhiculent la haine de soi. La seule chose qui détonne là-dedans, c'est qu'ils ont tout fait pour que leurs enfants ne subissent rien de tout ça. Je défie en effet quiconque de me trouver un seul de leurs enfants avec une bourse d'études ailleurs que dans les pays occidentaux.» (Une Femme Debout, page 64). On a beau lui inculper des constantes nationales, voyant l'adulte faire le contraire de la leçon qu'il donne, l'enfant l'imitera. Exemple édifiant : 90% des informaticiens de l'ENSI l'entreprise nationale des systèmes informatiques ont quitté l'Algérie pour le Canada et l'Europe. En 2005 dans les seules universités françaises on dénombrait pas moins de 24021 étudiants algériens et en cette même année, selon la police judiciaire la corruption a coûté 2,5 milliards d'euros dans les banques publiques seulement ( El Watan 9/12/2006). Et dire que ce n'est pas des trafiquants de drogues des ratés de l'école mais bien des cadres ayant réussi brillamment leur cursus cravatés bon chic bon genre. L'émigration ne rapporte pratiquement rien au bled au contraire. Tout près de nous au Maroc les transferts de devises s'élèvent à plus de 3,6milliards d'euros soit 9% du PIB du pays. On estime que les USA renferment la plus forte concentration de l'élite intellectuelle musulmane plus importante que dans tout le monde musulman. En 2006, d'après l'OCDE organisation de coopération et de développement économiques, 210000 Algériens diplômés de haut niveau vivent dans les pays membres de l'organisation. On estime le coût de formation d'un chercheur à 150000 euros, cela donne 315 milliards d'euros à peu prés notre matelas en devises.

 Nouria Benghabrit, chargée de cours à l'Institut de Sociologie à l'université d'Oran, auteur de «Qui sont les diplômés en Sciences Humaines ? «Enseignement préscolaire ; histoire d'un statut», a publié dans la revue NaQd n°5(disparue depuis) les résultats d'une intéressante enquête concernant 1629 lycéens préparant leur bac. A la question : Dans quels domaines, tu voudras que l'école t'apprenne plus de choses ? Une majorité de 34% pour la religion, l'histoire arabo-musulman. Seuls 15% s'intéressent aux «questions d'actualités» et 14,6% aux «techniques de travail». Les valeurs pour lesquelles optent les élèves sont : la religion (16,9 %) la famille (16%) et l'honneur (15,2%) le travail ne vient qu'après avec 13,9%, l'égalité avec 8,5% et 6,7% pour l'honnêteté. «Il est possible de penser que dans cette dominante conservatrice nous retrouvons la trace d'une société elle-même conservatrice, voire de la crise identitaire que connaitrait l'Algérie», écrit l'auteur. Le plus étonnant dans cette enquête c'est les réponses faites par les élèves quand on aborde la télé, la radio et les journaux. Ils ont une nette préférence pour les émissions de variétés (21 ,4%) puis les films (20,8%), l'information (16,6%), le sport (13,1%) les émissions religieuses n'ont que 11,6%. Pour le choix du film : sentimental (17,3%), social (15,4%), d'épouvante (14,9%), policier (14, 3%) et le religieux est classé dernier avec 12%. Pour la musique, le raï a la part du lion avec 22,2%. Pour les journaux, les rubriques préférées indiquent «une demande sociale nettement éloignée de celle destinée à l'école» : le coin des amitiés, les lettres des lecteurs, les conseils des psys, le courrier du cœur. L'auteur conclut : «Faudrait-il voir ici la preuve que la question identitaire demeure liée au fonctionnement de l'institution scolaire elle-même ? L'école algérienne n'aurait-elle pas habitué son public à un surdosage idéologique et religieuse au détriment de ses autres fonctions (diffusion de la culture profane et scientifique production et reproduction de la force de travail qualifié?), et ce au point où la population qui la fréquente y voit sa principale raison d'exister ?» Chasser le naturel, il revient au galop ou il ne revient pas comme l'affirme Jules Renard. Fuite abyssale des cerveaux, dépendance à 98 % à l'or noir que des études américaines estiment la durée à moins de deux décennies. La Syrie qui nous épouvante aujourd'hui est à plus de 88% indépendante du pétrole. La dépendance de l'Arabie Saoudite, première producteur mondiale, n'est que de 88% et elle peut aller jusqu'à 0% grâce aux milliards que lui rapportent chaque année le pèlerinage à La Mecque. Un bébé d'aujourd'hui, avec de la chance atteindra la classe de terminale à l'âge de 18 ans, trouvera-il une université pour l'accueillir ? Pire, de quoi vivra-t-il ? Et là sans doute il ne se posera même pas la question, il remerciera ses dirigeants d'avoir ouvert le ciel pour les organismes internationales afin qu'elles construisent des camps humanitaires pour sa survie. «Ecœuré par ces discours sur une histoire faussée et une réalité qui l'est encore davantage, l'Arabe s'est mis dans une sorte de rage d'autodestruction à s'accuser, à se dénigrer. Et on le comprend. Vous avez de la boue jusqu'aux genoux, votre maison a été emportée par l'oued et peut être votre petite fille avec.

Mais la télévision vous dit que Dieu est clément et qu'il faut vous réjouir car les autorités ont décidé de vous protéger contre la prochaine crue. Il ne vous reste qu'à envoyer un télégramme de reconnaissance. ( Moncef Mazouki, dans Arabes, si vous Parlez !) Avec l'école algérienne, on n'a pas seulement faussé on a pondu l'innommable. La psychologie nous apprend que l'enfant n'est pas un adulte au raccourci mais un être à part entière avec sa propre vision. Le philosophe Arnold Clauss affirme que si l'école ne subit pas les mutations indispensables, on va vers un conflit ouvert et pour l'Algérie on y est déjà depuis belle lurette. Il faut se débarrasser vite des programmes rigides, des constantes erronées, des livres insipides bourrés de fautes, mettre un savoir correct séduisant joyeux à la portée de l'élève. On dit que le théâtre pousse l'enfant à lire, le dessin à s'intéresser aux sciences naturelles à la géographie, les travaux manuels au calcul, à l'ordre. En Amérique, le conte est présent du primaire à l'université. Aux Indes, on n'hésite pas à détendre l'enfant avec le yoga et les instruments de musique traditionnels. Combien de chômeurs doués en dessin musique en informatique en bricolage en arts traditionnels auraient pu se rendre utiles si l'école algérienne leur avait ouvert ses portes. L'école est nécessaire mais pas suffisante, La Fontaine, Balzac, Einstein adoraient faire l'école buissonnière. Dans Emile ou l'Education, Rousseau écrivait : «Les leçons que les écoliers prennent entre eux dans la cour du collège leur sont 100 fois plus utiles que tout ce qu'on leur dira jamais dans les classes.» Quand on a dit à Einstein qu'est-ce qui a déclenché l'étincelle en lui, il a répliqué : «Une boussole que mon oncle m'a offerte pour mon anniversaire.» Combien d'objets «déclencheurs» sont mis à la disposition des enfants à l'école, rien à part la craie le tableau et la mine fermé du formateur. Même Hitler n'a pas osé détruire le système éducatif germanique, on dit qu'il a mal interprété la philosophie de Nietzsche et s'est appuyé sur les œuvres de Wagner pour éveiller la sensibilité de son peuple. Quant à Staline, s'il a ruiné l'agriculture tué ses opposants ses généraux ses artistes ses intellectuels, mais niet, l'école soviétique a échappé? Le budget des Moudjahidines est 10 fois supérieur à celui de la Culture, no comment.

L'Algérie dispose moins d'une librairie pour à peu près 300000 habitants et zéro bibliothèque publique digne de son nom (à part la nationale de la capitale) alors que n'importe quel village perdu en Europe avec 1000 fois moins d'habitants possède plusieurs dizaines de librairies et célèbre même la journée du livre. Roosevelt disait que les livres sont la lumière qui guide la civilisation. On estime que l'Arabe lit ¼ d'une feuille par an soit l'équivalent de son certificat de naissance alors qu'un Américain lit 12 livres. Sur les 1,5 milliard de musulmans, il y a à peine 5 prix Nobel tandis que les juifs qui n'atteignent même pas 20 millions ont près de 200 prix Nobel surtout dans les domaines scientifiques. Il parait que n'importe quel lieu où il est, le savant juif revient en Israël pour enregistrer son invention. Beaucoup d'étudiants juifs font leur thèse sur l'histoire la civilisation des Arabes et manient la langue d'El Mutanabbi mieux que la plupart d'entre nous. Que savons d'eux ? Presque rien, sujet tabou comme l'originel du chef-d'œuvre de la littérature arabe, Les Mille et une Nuits, qu'on ne lit que censuré. Malgré ses déboires financiers, l'Amérique tient à rester le premier lieu du Savoir, d'après le dernier classement, sur les 19 premières universités 16 sont américaines et cotées en bourse. La première chose à faire dans notre école c'est la réconcilier avec l'enfant. Pour cela, on n'a pas besoin d'un spécialiste, n'importe quelle mère nous le dira : il faut aimer l'enfant. Maintenant on sait que le QE (quotient émotionnel) est plus important que le QI (quotient intellectuel) pour réussir dans la vie. Un professeur d'université demanda aux étudiants de sociologie d'enquêter sur 200 jeunes garçons des quartiers pauvres de Baltimore. Ils devaient donner leur opinion sur l'avenir de ces gosses. La phrase : «Il n'a aucun avenir.», fut répétée 200 fois. Vingt ans plus tard, un autre prof de sociologie voulait vérifier les résultats de la première étude et demanda à ses étudiants d'aller voir ce qui est advenu aux malheureux gosses. Une vingtaine avait disparu pour cause de décès ou de déménagement. Quelle ne fut la stupeur des jeunes «détectives»quand ils constatèrent que 176 sur les 180 ont réussi brillamment leur vie en tant qu'avocats médecins hommes d'affaires. Tous vivaient dans la région et à la question : «Comment expliquez-vous votre succès ?» Ils ont répondu d'une même voix : «C'est une institutrice?» Sommée de révéler le secret de sa recette magique qui a fait d'un jeune des bas-fonds un adulte des hautes-sphères, cette dernière répliqua : «C'est simple, j'aimais ces garçons.» Il suffit donc d'aimer un enfant le lui prouver pour en faire un être accompli. On a beau offrir aux bébés abandonnés les meilleurs nécessaires, le manque d'affection s'il ne les tue pas prématurément leur laisse des séquelles à vie.

Si on révisait nos ambitions à la baisse, ne pas attendre que l'école transforme en prix Nobel notre enfant au moins qu'elle puisse l'expulser avec l'innocence qu'il a apporté avec lui à l'âge de six ans. En un mot éviter qu'il se transforme en terroriste drogué délinquant suicidaire psychopathe ou autre calamité. La confiance doit régner dans une classe. De peur de se ridiculiser, de peur de dévoiler ses manques, le maitre s'autorise souvent à jouer le tyran. «L'enseignant qui ne maitrise pas sa science est sur la défensive, et s'énerve, se montre agressif dès que l'élève donne l'impression de s'opposer à son argument ou à son point de vue, alors qu'il ne cherche qu'à comprendre?Au niveau des petites classes, où les élèves ne sont pas capables d'évaluer son savoir, il est à peu près à l'aise et leur inculque ses erreurs, leur inflige sa méthode.»( Dogbé). En un mot humaniser l'école et quand l'enfant commence à s'y plaire c'est là où il commencera à apprendre. A quoi ça sert de donner de l'argent pour construire des mosquées si demain elles ne peuvent accueillir au mieux que des épaves rivés vers le ciel vers d'autres cieux, des névrosés, des kamikazes. D'après l'ONG Enfants du monde et droits de l'homme, il y a 1 million d'enfants de moins de 15ans directement victimes ou témoins de la violence terroriste? Etonnant Japon, ni livre révélé ni grotte d'Ali Baba naturelle, la dernière catastrophe aurait dû l'effacer de la carte et pourtant après six mois, le Sphinx est toujours là plus vivant que jamais. Aucun viol vol agression émeute n'a été enregistré durant tout ce cauchemar. Chez nous depuis 2011, «les forces antiémeute sont intervenues 2777 sur l'ensemble du territoire national, soit une opération toutes les deux heures» (El Watan). Même la fameuse Ansej (agence nationale de soutien à l'emploi des jeunes) sert maintenant à financer malgré elle le départ des jeunes vers l'étranger ou au mieux leur remplir les poches faute de projet réussi.

 Du primaire à l'université la gangrène sévit, du directeur au recteur, la nomination se fait dans un flou total comme tout le reste. Maillon faible d'une société exsangue, l'enfant-cobaye a été mis dans un laboratoire à la façon Stamford. Il y a 40ans, un prof d'université de Californie, Philip Zimbardo a voulu comprendre pourquoi les situations se dégradaient principalement dans les prisons militaires. Il eut l'idée de créer une prison dans le sous sol de l'université et il fit une annonce pour recruter des étudiants masculins pour deux semaines pendant les grandes vacances. Il choisit 24 et leur offrit 15 dollars (80 dollars aujourd'hui) la journée. Il tira au sort 9 prisonniers et 9 gardiens et 6 remplaçants. L'expérience fut stoppée au bout de 6 jours tellement l'état mental physique des prisonniers s'était dégradée. Cette expérience a montré la stupéfiante soumission à l'autorité que l'on pouvait obtenir de n'importe quel citoyen normal. Deux mois plus tard l'un des «détenus» témoignait : «J'ai commencé à sentir que j'avais perdu mon identité?je ne considère pas cela comme une expérience ou une simulation parce que c'était une prison dirigée par des psys au lieu de l'Etat?la personne que j'étais et qui avait décidé d'aller en prison s'éloignait de moi était lointaine jusqu'à ce que, finalement, je ne sois plus elle, je sois un numéro de matricule. J'étais réellement mon numéro.» Que peut dire un enfant de six ans qui ne reste pas 6 jours mais au minimum 2 fois 6 années à supporter les rouages d'une machine qui le broie comme un cafard.

Dans son livre, l'Ecole Qualité, le grand conseiller en éducation, William Glasser écrivait : «Nous sommes presque tous parfaitement conscients désormais que nous payons de plus en plus le prix de l'échec d'une école sous forme d'une consommation accrue de la drogue, d'une augmentation de la délinquance, du nombre de plus en plus grand de grossesses d'adolescentes pour ne citer que quelques-uns des problèmes les plus évidents.» Il parlait du premier pays au monde, les USA où chaque minute qui passe, on invente quelque chose au profit de l'oncle Sam, que dire alors de notre institution qui a touché depuis longtemps le fond et gratte le sol avec son zero qualité ?

On espère qu'un jour, les enseignants feront une grève, non pas pour l'augmentation de leur salaire, mais pour sauver leur école celle de leurs enfants de tous les enfants. La balle n'a jamais quitté leur camp et comme disait Jaurès : «On n'enseigne pas ce que l'on veut ; je dirai même, que l'on n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce qu'on croit savoir. On n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est.»