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Des changements sans casse

par Mohammed Beghdad

En ces temps-ci avec la prise de la capitale Tripoli par les insurgés libyens, la pression s'est accentuée sur notre pays où tous les yeux se sont braqués soudainement sur nous comme étant le domino suivant et comme si c'était notre tour d'y passer d'après le logiciel programmé. Selon certains médias, elle est devenue terrible, cette pression, au point qu'un Conseil des ministres s'est tenu en deux jours où on discutait des projets de réformes essentielles annoncées et non des moindres à savoir l'ouverture du champ audiovisuel, les lois sur les partis politiques et les associations.

En même temps sur Internet, beaucoup de groupes sur Facebook se sont créés subitement pour faire avorter toute probable révolte dans le pays et appeler les citoyens à ne pas tomber dans le piège tendu par l'OTAN, BHL and Co. La conscience des Algériens est de mise, je dirais même de rigueur. Je ne pense que des algériens dans leur totale majorité puissent songer un instant à faire du mal à leur pays et le voir tomber dans le chaos. L'expérience des deux terribles décennies amène encore plus les Algériens à se tenir vigilants pour toute exploitation étrangère. L'amour du pays est une chose très intense à vivre. Ce qu'on ne peut tolérer dans la toile, c'est de voir certains prétendre adorer leur pays beaucoup plus que d'autres.           C'est comme si ils ont une reçu une dérogation spéciale du peuple à parler à sa place. Dans une démocratie qui se respecte, le peuple ne peut donner ses choix et sa délégation de signature qu'à travers des urnes propres et transparentes.

On continue de demeurer dans un autre espace mais paradoxalement on revendique à passer vers une autre dimension. Ce sont ces stigmatismes dont on ne veut s'en séparer et qui font le plus de mal au pays en aveuglant les gouvernants à discerner entre le bon et le mauvais. Les citoyens de ce pays aspirent tous ensemble d'une transition pacifique sans aucune violence vers une nouvelle légitimité. Les pouvoirs publics doivent être conscients de cet état d'esprit formidable des citoyens mais ils ne doivent pas le comprendre comme un appui ou un chèque à blanc à la politique régnante. On doit faire la part des choses entre le pays où le drapeau est une constante et l'alternance aux responsabilités. Tout le monde veut du changement mais sans la casse. La responsabilité incombe à tous de réussir cet examen de passage pour le pays. Ne pas avoir de tangibles intentions, nous ramènerait fatalement vers le point zéro. Les ingrédients des émeutes sont toujours présents au sein de la société. La suite des évènements nous prouveront si les faits remplaceraient les paroles. Pour le moment, ce ne sont que des écrits. L'histoire saurait être généreuse pour ceux qui veulent la marquer d'une pierre blanche.

Il ne faut tomber non plus dans le panneau et resté sans mouvement comme nous le sommes, ces derniers mois, tétanisés par ce qui arrive aux voisins, figés dans la politique actuelle et le système pérennisé en mode de gouvernance. Nous voulons une nouvelle mentalité où chaque citoyen aurait tous ses droits et rendrait compte pleinement de ses devoirs envers ce pays. Où l'administration serait neutre et totalement responsable et équitable devant tous les administrés. Où le piston ne doit pas être le critère dans le choix du recrutement aux postes. Où l'école ne soit point une crèche en formant des analphabètes presque illettrés comme l'ont décrite différentes analyses.

Où la démagogie ferait place à la science et au concret. Où l'université serait un moteur pour ce pays et non une charrue à traîner et qui serait un lourd fardeau à transporter. Où les responsables seraient nommés selon leur compétences et non par clientélisme et sur l'allégeance aux chefs du moment, et pourquoi ces responsables ne seraient-ils élus sur des programmes auxquels ils rendraient compte devant leurs électeurs une fois leur mandat épuisé.

Où le sens d'un élu du peuple aurait tout son effet et ne voterait pas les textes à l'aveuglette à mains levés sans avoir pris la peine de les lire, de les étudier, de les enrichir et de proposer le mieux. Où le gaspillage et l'argent jeté par les fenêtres ne seraient pas un mode emploi par faute d'imagination et d'idées rénovatrices et productives. Où le débat contradictoire et responsable trouverait sa vraie place au sein des médias lourds et de la société. Où la langue de bois disparaitrait à jamais de notre vocabulaire navrant.

Où le messie attendu ne serait qu'un leurre supplémentaire et une illusion de plus au détriment de l?authentique perceptible. Où le travail, de 8 heures du matin à 17 heures l'après-midi, tourne à pleines cadences. Où les sens civique et citoyen trouveraient toutes leurs vives couleurs. Où l'Algérien retrouverait la joie de vivre et serait heureux de se sentir bien à l'aise chez lui. Où nos rues seraient propres et la sécurité des citoyens s'y baladant serait assurée. Où la Harga serait bannie à jamais du langage de nos jeunes déboussolés. Où notre jeunesse s'émanciperait de jour en jour sans qu'elle se referme dans des schémas murés.

Où l'espoir de voir naître une Algérie prospère, ambitieuse et intelligente, serait plus fort que jamais. Où la rente pétrolière ne serait pas notre seul revenu en ameutant tous les opportunistes inassouvis. Où les ressources humaines seraient exploitées et récompensées à leur juste valeur. Où le responsable exercerait toutes ces prérogatives sans qu'il ne lui soit ôtés aucun des ces atouts. Où notre économie, grâce au sourire retrouvé des algériens et aux compétents aux commandes, serait relancée.

Où les algériens retrouveraient la confiance en leurs gouvernants élus par leur seule volonté. Où le parlement jouerait activement son rôle de pourvoir ce pays en lois et textes selon l'inspiration de leurs électeurs et non sur commande. Où ils puissent jouir de juger et défaire n'importe quel écart commis sur la souveraineté de la nation. Où nos gouvernants ne soient pas sous l'emprise de l'extérieur qui doute de leur légitimité. Et où nous voulons que les responsables politiques écoutent avant tout leurs citoyens qui leur traceraient la voie à suivre comme le font les peuples européens et américains. Nous voulons tout simplement une Algérie libre et renforçant son indépendante au vrai sens des mots.

Le monde change et plus grave encore notre entourage immédiat bouge énergiquement. Si nous restons dans l'actuel des choses, nous serons balayés comme tant d'autres l'ont été dans l?histoire ancienne ou contemporaine en mal-jugeant le terrain. Personne ne peut souhaiter ce qui se déroule en Syrie. Lorsque survient la vague de la mutation, il faut s'adapter aux nouvelles données. Nous ne résidons pas seuls sur un continent. Mais nous voulons être maîtres de notre propre destin en livrant le pouvoir à ce peuple comme nous le dicte la constitution. On sait ce qu'il est advenu de l'Irak et nous ne souhaitons guère le même sort à nos frères libyens.

Voilà le message à délivrer en ces moments cruciaux où toute erreur d'appréciation se paierait cash dans le marché des enchères de l'OTAN. Il faut y aller en toute lucidité et en toute clarté en prenant le peuple, récupérant souverainement tous ses droits, comme étant le seul barrage et sa seule immunité contre toute tentative déstabilisatrice.