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Un dictateur, un autre, s'en va

par El Yazid Dib

La fin est tragique. Kadhafi vient de rentrer cette fois-ci éternellement dans l'histoire. Celle des atrocités. L'on peut ne pas conquérir son peuple par l'aviation et l'artillerie. No par le mensonge et la diablerie.

L'on dira un jour que c'est grâce à la télévision que le régime Kadhafi s'était un peu prolongé. Ce moyen, chez qui sait s'en servir est une arme redoutable. Le « guide » en usait mieux qu'il utilisait son fusil d'épaule. Il suffit d'une image, d'un son et d'une scène, le montrant sur son cinq, que voilà la crédulité d'un monde, le sien arrive à se consommer dans le « donc tout va bien ». Certes Kadhafi est une bizarrerie qui nage dans ses propres fantasmes. Les raids aériens n'ont pu le faire reculer pour l'avancer davantage vers la sortie. Il se croyait toujours, en fait il faisait croire mordicus à ses adeptes, qu'ils sont en guerre contre les croisés, les impies et les mécréants. C'est le propre de la pathologie d'un dictateur en fin de déchéance gouvernementale. Il crée l'ennemi quand il n'existe pas. Il fait d'un peuple avide de liberté et de démocratie un amas de rats et de rongeurs.

Il n'est ni président, ni roi. Sinon il aurait jeté sa démission ou remis son trône ; disait-il à son peuple. « Je suis un guide, je suis là pour l'éternité » il leur affirmait qu'ils doivent le sacraliser en qualité de gloire arabe, musulmane, africaine et américano-latine. Enfin une espèce de messie tiers-mondiste. Il n'arrive pas à comprendre ce qui se passe dans la cavité de son peuple. Son seul souci maintenant reste cette bénite télévision qui continue à lancer ses théories et sa résistance. Elle lui sert plus qu'une arme de destruction massive. Il s'en sert à transmettre toute une artillerie qui en fait se trouve ainsi plus meurtrière que celle engagée sur terrain. L'infliction d'une zone de défense à la diffusion serait une mort silencieuse pour tout son régime.

Sa révolution, pour ce peuple était une partie ternie de l'histoire post-69. Les raisons génésiaques à son soulèvement se sont toutes estompées. Le roi Idriss est parti. Il est vite remplacé par un autre s'appelant autrement. Son Etat n'est pas une constitution. Son parlement n'a pas de partis. L'expression populaire, à son sens ne se débite qu'à travers la voix du maitre. Du guide. Une tentative à la Ayatollah. Il veut forcer le sort à lui réserver contre vents et marées une issue des plus mythologiques. Kadhafi compte devenir une marque de révolution. Il ne veut donc pas qu'elle soit déposée. L'exclusivité. Il a fait de cette pauvre contrée une hérésie, une blague à dimension étatique. Kadhafi ne rougit pas. Il a une tête osée. Un visage dur. Shih. Son bégaiement laisse transvaser un récit vers un délire personnel pris pour un régime politique. Il le fait croire, à coup de barils, à tous les courbeurs d'échine. Contre un baril de plus, il obtient une motion de soutien. Cette fois-ci le jeu est en phase d'être ; pour lui fermé à jamais. Sa révolution va finalement solder ses comptes avec celle, une nouvelle version facebook, qui est en cours de chargement en Libye. Kadhafi est en cycle final de mener son dernier combat. L'ultime, qui lui reste de ce reliquat de 1969. Le monde a changé. Les révolutions aussi. Son discours menaçant et belliqueux, sa folie d'assauts répétés laissent apparaitre en sa personne un homme traqué par l'actualité et rattrapé par l'histoire. Sa télévision tente de réhabiliter le personnage en le mettant coude à coude avec Nasser, Tito et autres grands de dernier siècle. Il s'est dit « fusil à la main, je mourrai en héros ». Même l'héroïsme d'antan n'est plus de mise. Le temps des Patrice Lumumba, Ernesto Che Guevara, Nelson Mandela, Fidel Castro et autres ; est une page, certes héroïque, mais tournée. Voilà, après que le régime de Kadhafi eut à venir pour s'effondrer comme un château de sable, l'avenir n'est pas aussi tout reluisant pour la Libye. Le chaos et l'inorganisation qui vont se suivre n'auront pas le temps de se mettre au diapason des aspirations populaires. Ainsi la révolution, parmi ses diversions, elle crée aussi de l'opportunisme, du pur. On y verra des personnalités de tout bord, venir et acclamer, maintenant tout haut leur désaccord, opposition à un régime parti, et auquel ils n'avaient rien fait auparavant pour qu'il disparaisse. La situation restera fort compliquée avec l'ouverture de tous les appétits hydrocarbures possibles des grandes puissances. La diplomatie s'est déjà mise en route. Le Maroc vient d'envoyer son ministre des affaires étrangères à Benghazi. Quant à l'Algérie, elle aurait raté un peu le coche. La confusion entretenue à bon ou à mauvais escient n'était pas apte à faire à faire accéder la diplomatie nationale à un rang de visibilité et de bonne perspicacité. Il y va des prochaines relations entre les deux pays. Une chose reste certaine pour le CNT c'est que le peuple algérien à travers, ses journaux, ses mails, et toute autre forme d'expression non gouvernementale s'est démarqué de la position officielle, qui prônant la prudence s'est retrouvée dans un excès dangereux et par conséquent avait marqué sa sympathie pour les revolutionaires.ils n'étaient pas qualifiés de « gens armés ».

Ainsi va l'histoire du monde, de l'humanité, voire aussi celle régionale et du Maghreb. Kadhafi comme tout dictateur, hélas pour lui a fini mal, il s'en va, blessé, mort rejoindre l'infamie des listes macabres de noms qui ont sali la postérité. Les tristement célèbres, de Caligula à Kadhafi.