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Les élites? qui peuvent-elles être ?

par Farouk Zahi

«Le véritable progrès démocratique n'est pas d'abaisser l'élite au niveau de la foule, mais d'élever la foule vers l'élite.» (Gustave Le Bon - 1841-1931 - Hier et demain)

Dans sa livraison du dimanche 22 mai 2011, l'émission télévisuelle «Li Natahadath» (Qu'on en parle) nous a gratifié d'un débat de haute facture, ce qui constitue déjà, une belle éclaircie dans la morosité des programmes de la vénérable télévision nationale. Le menu qui induisait un zeste d'appétence par l'objet débattu, n'a pas déçu tout au long du timing d'une heure trop court pour un débat dont le thème était : Rôle des élites dans la société. Seul problème peut être, est cette manie d'appeler les experts par leur prénom ce qui n'arrange pas souvent l'identification de l'intervenant. En dehors du Dr Amine Ferkou, spécialiste du développement des compétences seul, le prénom de Si Lyès expert en communication et planification a été évoqué une ou deux fois par Djamal Chaalal le journaliste ?modérateur. Décidément la technologie n'était pas, ce jour là, au rendez vous. Le bonheur a été sans contexte, la clarté du propos par une maitrise toute professionnelle dans les énoncés. C'est ainsi que nous apprenons d'une manière didactique la définition des élites. Eclectique, cette définition imagée est d'une simplicité déroutante, elle nous est livrée par un exemple de la vie quotidienne. Trois personnages à bord d'un véhicule jouent chacun un rôle qui ne peut se passer des deux autres. Le conducteur ne sait que conduire, le deuxième ne sait pas conduire mais connaît parfaitement le chemin et le troisième ne sait ni conduire ni indiquer le chemin à suivre, mais a la vision prospective du point de chute de tous. Il a un objectif et de là tout peut se construire. L'expert n'hésite pas à comparer, ce microcosme à la cellule humaine où toutes les inclusions gravitent harmonieusement autour du noyau. Le Pr Si Lyès attribue à l'élite, quatre(4) caractéristiques qui sont : La confiance, la compétence, la patience et l'excellence. Une personnalité, homme ou femme, qui réunit ces qualités ne peut être que d'exception et si tel est le cas, on lui confie volontiers ses destinées économiques, sociales et politiques.

Le dictionnaire politique du site «Toupie» (www.toupie.org) en donne la définition ci après : Etymologie : du latin eligere, choisir, trier, élire. Au sein du groupe ou d'une communauté, l'élite est l'ensemble des individus considérés comme les meilleurs, les plus dignes d'être choisi, les plus remarquables par leur qualité. Exemple : une troupe d'élite, un tireur d'élite, l'élite intellectuelle. L'élite est une minorité qui se distingue du groupe auquel elle appartient et laquelle on reconnaît une supériorité, une autorité morale. Le mot «élites», au pluriel, est utilisé avec une connotation négative lorsque l'accent est mis sur la domination d'une catégorie sociale sur les autres et la contestation de légitimité. Dans l'Antiquité, l'élite est liée à la recherche de la perfection esthétique, de l'exemplarité spirituelle (Grèce) ou citoyenne (Rome). Au XVII è siècle, l'élite est composée des «honnêtes hommes», avec pour fondement la mesure et l'élégance, avant de céder la place aux élites «économiques» au XIXe siècle et XXe siècle. Le mot «élite» est utilisé par opposition aux «petites gens». Le terme contre élite désigne l'élite émergente d'une classe sociale qui s'oppose à l'élite au pouvoir. Synonymes : aristocratie, crème, fine fleur, intelligentsia.» Fin de citation.

En ce qui concerne notre pays, et en l'état actuel des choses, cette définition semble prendre une autre connotation, plutôt mercantilo-politicienne. C'est ainsi que la néo bourgeoisie compradore qui fait de l'import-import son crédo, s'est alliée certains partis politiques ténors de la place publique. Il n'est plus exceptionnel de voir des mentors financiers s'incruster dans le tissu partisan et devenir des cadres écoutés, suivis et affichés. Le miracle de l'euro, même pas celui du dinar, fait faire des prouesses inimaginables il y a quelques années à peine. On ose même la comparaison en qualifiant le tout venant d'encadrement partisan sans préjudice des niveaux de compétence et de responsabilité. Une secrétaire de direction ou de cabinet peut, avec l'arrogance en plus, dicter une ligne de conduite à un responsable local de haut rang et sans état d'âme. Ce dernier, prêtant le flanc, ne fera par sa déférente soumission, que conforter le rôle usurpé de cette même secrétaire. Le Centre national ou même local dans certains cas, est devenu cet oracle omnipotent, omniscient et omniprésent. Il n'accorde aucun crédit à la base encore moins aux individualités et quelque soit la compétence avérée dont ils peuvent se prévaloir. D'actualité, les discussions politiques menées par le président du Sénat avec les partis politiques et ce qui est communément appelé société civile augurent déjà d'une bipolarité certaine. Il n'y aurait-il que les partis et les ONG pour débattre du sort commun ? N'y aurait-il pas à Babar ou même à Bordj Badji Mokhtar des hommes qui ont à cœur ce pays ? Le responsable local ou même central, peut pour des considérations prosaïques de travail routinier, faire ajourner une conférence académique de haut niveau et même la rendre caduque par un retard insupportable à l'assistance dépitée pour lui faire quitter la salle. La dernière en date et presque dans le même registre, la sortie tonitruante d'une experte italienne invitée à coups de devises fortes et qui n'a pas admis la vacuité du lieu où devait se dérouler la manifestation scientifique. Cela se passait dans une wilaya de l'Est du pays.

Qui supportera les retombées pour le moins négatives, de ce fiasco médiatico ?scientifique ? On avancera, probablement, l'immaturité du public et son manque d'intérêt pour les choses de l'esprit etc.?et? L'erreur ou la faute à l'origine de cette bérézina intellectuelle doit être lavée, comme on lave un affront personnel et non pas traitée comme un simple incident de parcours. La communauté nationale qui a déjà souffert et souffre encore, des errements des incompétences qui mitent le tissu social en toute impunité, doit exorciser ce sort qui l'avilit en toutes circonstances. Basta ! Le temps de l'apprentissage est bien révolu. La «Choura», est cette belle tradition orthodoxe d'essence islamique qui obligeait les potentats, eux-mêmes, à en référer aux sages, aux docteurs de la foi et parfois même aux petites gens. «Al Hadjadj Ibn Youssef El Thaqafi, prononça un jour un discours qui fut long. Un auditeur s'écria : «La prière ! Il est le temps d'accomplir la prière, ni le temps ne peut s'arrêter pour t'attendre, ni Allah ne t'excuse.» Al Hadjadj ordonna de le mettre en prison. Les proches du prisonnier accusèrent leur homme de folie. Al Hadjadj leur répondit : «Si votre homme reconnaît qu'il est fou, je le libérerais. «Mais l'homme répondit :

«M'est-il permis de méconnaître le bienfait de mon Seigneur et de m'attribuer la folie dont Allah m'a préservé. Al Hadjadj le découvrant sincère, le libéra.

L'Imam Boukhari rapporta qu'il est allé s'informer au sujet d'un Hadith auprès d'un homme. Il trouva cet homme en train de ramener sa jument qui s'était enfuie. Le moyen utilisé fut un récipient vide que l'homme montra à sa jument pour lui faire croire qu'il contenait de l'orge. C'était simplement une ruse. Mais Boukhari ne put s'empêcher de rebrousser chemin sans rien lui demander en disant qu'il ne peut pas faire confiance au Hadith de quelqu'un qui ment aux bêtes» Fin de citation. (www.islamweb.net). Dans la même veine, Dr Amine Ferkou, moderniste jusqu'au bout des ongles, conclut clairement que les passéistes de l'ère de Noé, n'ont aucun avenir dans une époque en perpétuel mouvement. Il recommande les valeurs universalistes de l'Islam, en symbiose avec les exigences du monde contemporain. Ainsi, les exemples évoqués ne différent en rien dans le contenu dans les principes cardinaux de la bonne conduite d'une société dont la prétention est de se construire par la connaissance et la prospective. Pour Al Hadjadj, la seule sincérité du quidam qui l'a interpellé est une raison suffisante pour le gracier ; l'Imam Boukhari quant à lui, n'a pas admis que l'on puisse mystifier un être vivant, dut-il être un animal. Une élite, c'est d'abord la capacité de jugement.