Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

ET REVOICI L’INFLATION !

par Akram Belkaid, Paris

On la disait définitivement disparue, mise hors d’état de nuire par la mondialisation et ses effets baissiers sur les prix et les salaires. Il n’en est rien. Qu’on se le dise, l’inflation est de retour dans le monde ! En avril dernier, elle a même atteint des records dans la zone euro ( 2,8%) et dans les pays émergents ( 8,6% en Inde, 6,5% au Brésil et 5,3% en Chine). Une évolution qui ne peut qu’inquiéter les Etats mais aussi les ménages qui risquent de subir de plein fouet une perte de leur pouvoir d’achat, une dévalorisation de leur épargne et les effets des politiques d’austérité qui vont certainement être mises en place pour contrer la spirale inflationniste.

LA FAUTE AUX MATIERES PREMIERES

La raison de ce retour en force de l’inflation est liée à la hausse des cours de matières premières. Qu’il s’agisse du pétrole, des commodités agricoles ou des métaux, les cours sont en constante progression depuis 2008. On connaît les raisons de cette tendance. La demande en provenance des pays émergents est toujours aussi importante tandis que celle des pays développés (Europe et Etats-Unis) redémarre après plusieurs semestres de calme plat dû à la crise financière et économique. Et ce phénomène mondial n’est pas près de disparaître.
Selon les experts qui ont rédigé le dernier rapport Cyclope sur les matières premières, ces dernières sont toujours inscrites dans un «super-cycle» (*). L’offre a ainsi du mal à répondre à la demande. Cela inquiète les marchés et augmente les investissements spéculatifs haussiers.
De plus, l’affaiblissement continu du dollar - encouragé en sous-main par les autorités américaines afin de faire baisser le déficit budgétaire - provoque lui aussi la hausse de ces commodités dont le négoce se fait, en grande majorité, en billet vert (quand le dollar baisse, l’investisseur détenteur d’une monnaie plus forte va acheter des produits libellés dans la devise américaine car cela lui revient moins cher. Du coup, le cours de ce produit va mécaniquement augmenter).
Le cas des produits agricoles est peut-être ce qui inquiète le plus car ces derniers représentent de 40 à 55% des dépenses dans les pays émergents. Avec cette «agflation», le spectre des émeutes de la faim comparables à celles de 2008 fait sa réapparition d’autant que plusieurs pays agricoles comme l’Australie ou la France sont confrontés à une importante sécheresse. Et tandis que les banques centrales se préparent à resserrer le coût du crédit pour faire ralentir la croissance (et donc la demande) et limiter la hausse des prix, les revendications salariales ont tendance à se multiplier aux quatre coins de la planète. C’est ce que l’on appelle l’effet de second tour: quand l’inflation rogne sur le pouvoir d’achat, les hausses de salaires obtenues en guise de compensation provoquent une nouvelle augmentation de l’inflation…

L’URGENCE AGRICOLE POUR L’ALGERIE

La combinaison mondiale inflation–agflation est un signal d’alerte majeur pour l’Algérie, pays qui figure parmi les plus grands importateurs de produits alimentaires dans le monde.
S’approvisionner sur les marchés internationaux va devenir de plus en plus cher et de plus en plus difficile en raison de la concurrence des pays émergents. Cela pose donc la question de l’urgence d’une réforme agricole afin de diminuer la facture alimentaire. Avec la persistance de l’inflation, être riche de son pétrole et de son gaz naturel ne suffira pas à nourrir tout le monde…
(*) Les Marchés mondiaux: le printemps des peuples et la malédiction des matières premières, Economica, 750 pages, 125 euros.