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Deux hommes, deux passions et un lot de terrain

par El Yazid Dib

La postérité a tranché que toutes les victoires s'estompent au fil du temps.

Seule la souvenance les refait vivre par célébrations. Les hommes qui les ont toutefois faites, demeurent infinis importe peu la passion qui fut derrière leur animation.

Quand l'Algérie fut qualifiée aux finales de la coupe du monde, le club ententiste n'a pas décroché un énième titre du stade malien. La coupe de la CAF s'est abstenue de venir s'abreuver en cet an à Ain Fouara. En ce match, le maire de Sétif y était avec son équipe. Dans le même avion, dans le même stade. La rage de gagner le gagnait plus que les autres. Il comptait encore rapporter un trophée pour sa ville, ses concitoyens, ses électeurs. Outre l'engagement diplomatique de notre mission en ce pays, ce maire à mis à profit l'amitié et la nostalgie scolaire qui le lie avec notre ambassadeur en poste à l'époque au Mali. Un autre enfant de la ville. L'Entente avait créé le bonheur national. En devenant une fierté nationale elle a construit le plaisir et reconstruit l'honneur d'être encore algérien en ces moments où la gaieté s'est enfuie des rues d'Alger et des autres villes. Et cette nuit du 18 mai 2007 où l'Algérie oubliait ses élections pour chavirer, tous ensemble, gouvernants et gouvernés, candidats et électeurs dans le bien-être et le ravissement que procurait cet exploit international de la coupe arabe. Le président de la république était de la mise de par son message d'encouragement et de félicitations. Des tripes de ce club, il se dégage viscéralement qu'à chaque réussite soit tout au long de son parcours, l'Entente n'aurait pas reçu autant de consécrations sans l'apport inestimable voire inégalable de ses supporters. Hooligans parfois, pantois une autre, mais éternellement au chevet du club. Mais aussi et surtout de l'Etat, des entreprises publiques et privées. Hormis le wali, considérée comme treizième joueur ; le maire et Serrar ont été pour quelques choses.

 Ces deux derniers nommés sont des grands. L'un un peu long, l'autre un peu moins. C'est le même ciel qui les vus naitre voilà du temps, c'est de la même eau qu'ils se sont abreuvés des années durant. Leurs chemins ne se sont toutefois aucunement croisés. Sauf à l'orée de quelques solennités festives. Tous les deux briguent et se meuvent dans des mandats de présidents. Les deux sont des élus. On les surnomme distinctement « rais ». L'un d'une assemblée populaire communale, l'autre d'une assemblée générale élective. La vie aurait voulu qu'ils ne puissent faire une entité unique et cohérente dans un climat tendu aux odeurs fétides émanant de quelques colonnes sur-urbaines. Le manque d'homogénéité dans leurs parcours fait d'eux ; des icones incontournables dans le monde apparent de la cité. Pourtant il n'est d'aucune utilité pour que la cité, les ayant entrainé un à un, qui sur banc d'école, qui sur un banc de stade soit un peu perturbée par des remous répréhensibles. Ils avaient fait distinctement honneur à leur ville. Le maire pour avoir été, énarque qu'il est ; un cadre supérieur de la nation, chef de daïra, chef de division, directeur de la réglementation à la wilaya. Le boss ententiste, fut à son tour une étoile scintillante dans les espaces rectangulaires, faisant davantage scintiller l'auréole nationale. «L'entente est un bien immatériel collectif » dit le maire. « L'entente n'appartient à personne, c'est un bien commun » dit Serrar. Tous les deux sont sur la même longueur d'onde. Il reste que la passion de l'un diffère de celle de l'autre. Chacun, dans toute la légitimité nécessaire est libre de cultiver à sa façon sa pelouse avec ses cotés passionnels. La ville et son épanouissement demeurent l'unique souci du Maire, président de l'APC. L'entente et son évolution demeurent autant l'unique souci chez Le boss, président de l'ESS. L'on n'est plus à ce stade, à une compétition de qui va contenir l'autre ? C'est comme une problématique philosophique. Contenant et contenu, Savoir et science. Voire une question de priorité, d'agenda, de besoins populaires. En toute vraisemblance Serrar est plus stimulant, ameutant et mobilisateur que l'autre. L'autre, Monsieur le maire est plus affectionné, adopté et perçu. Sa capacité de mobilisation est cependant ailleurs que dans les vestiaires ou les gradins. Les deux passions, qui en fait sont imbriquées l'une dans l'autre ; forment un tout indivisible que seuls, certains présomptueux, nouvellement débarqués dans l'amour de ce prestigieux club ; tentent de défaire en pervertissant ce lien citadin qui lie les deux hommes. Le maire, usant de son aura, aurait fait ses bons offices aux fins de renflouer les caisses du club. Serrar, invité honoré, aurait fait son mea-culpa. Que la fête cordiale, ententiste, sétifiene continue !

 Le rôle ainsi dévolu reste partagé entre la passion que l'on nourrit envers sa ville et son club et ce désir ardent et vorace de vouloir crever l'écran de la notoriété. L'on naît notable. L'on ne se l'imagine pas. La notoriété des deux s'est faite chacun à son époque. Elle continue sa procession à se faire, si l'on arrive à se dénouer de cet ego aveugle et meurtrier. Le maire avait certainement eu un jour à admirer pour applaudir, jeunot qu'il fut ; les prouesses défensives du jeune stoppeur latéral de l'équipe nationale. Cet ancien joueur international, actuel dirigeant avait eu certainement à admirer, un décembre 2007, le profil adéquat, pour voter en faveur du candidat, futur maire de la ville par-devant les différents menus proposés. Donc l'enthousiasme et l'exaltation réciproques se sont mutualisés. Cette mutualisation d'actions ne doit pas se ternir face à une période de crise dont l'origine causale ne peut être en définitive que cette carence financière. Le club a besoin de fonds. Les pourvoyeurs de caisse ne manquent pas à Sétif. Tout le monde industriel et friqué a mis la main dans la poche. Ceci ressemblerait à un trésor destiné au financement d'une guerre. Le hic, résiderait, selon certains bailleurs, dans cette amnésie observée à leur encontre. Ils ont répondu à l'unanimité, présent à l'appel du maire de leur ville. Cette présence massive traduit, par l'expression d'un Rais Essemch inégalé, une réponse engagée de la confédération patronale. Comme des militants à une cause nationale, ils étaient tous là. Prêts à refaire encore et encore un acte de soutien. Ceci reste un événement à valoriser. La sagesse qui doit primer à de tels niveaux de responsabilité ; devra susciter davantage l'esprit de rassembleur et inciter l'adhésion autour du groupe, de tout le monde.

 Parmi les objectifs que se devait de s'assigner les dirigeants, il existe celui de provoquer et maintenir un attachement total de cet amour. Raffermir les rangs, attirer les ex-faiseurs de l'entente, fédérer toutes les énergies possibles. Moraliser « el gaâda » par l'atténuation de l'ardeur radiophonique du docteur « Fayçel Qacem » d'El jazeera ou d'El hidhab. Ne pas se positionner dans une posture de chasse à l'autre. Éviter de tenir une expression querelleuse ou de ramener à sa propre personne tous les exploits ; seront des écueils à surmonter pour la grâce de la ville, de son équipe et de ses fans. L'entente n'est-elle pas le résultat de tant de sacrifices ? De Layass, à Serrar, en passant par Kermali, Makhloufi, Aribi, Salhi, Koussim, Matem et autant de notoriétés et de symboles, tous sétifiens. Parler de l'Entente Sportive Sétifienne, est également un hommage à rendre à ses dirigeants. Serrar Abdelhakim, alias hakoumi est, entre autres ; une denrée rare. Peut-il être le dernier survivant de la race des vainqueurs ? Enfant tonitruant de la ville, il sait taire son histoire d'ancien défenseur du club qu'il dirige ou de l'équipe nationale, préférant s'adonner à des explications convaincantes d'ordre managérial. Face à son cercle. Il devra néanmoins circonscrire ce trait d'indispensabilité dont, certains malintentionnés tentent de l'en persuader.

 Que fera l'entente cette année, l'année prochaine ? A qui fera-t-on le jubilé dans vingt ans ? A Lemouchia ? Hadj Aissa ? Ces lancinantes questions interpellent les dirigeants actuels sur l'insistance vitale de trouver localement des potentialités, creuser les cahiers de la formation et éviter l'acte d'import et le contrat d'achat en l'état. Sinon rien n'interdirait aussi l'import ou l'achat de dirigeants, si professionnalisme obligeait. C'est la partie la plus difficile. Enfin, en face de la grandeur des deux hommes, de la légitimité des deux passions subsiste l'ombre d'un lot de terrain* Ah ! Ce lot par qui tous les scandales arrivent. Là, c'est à la grandeur de la loi républicaine de prendre son envergure. A la légitimité populaire des membres de l'assemblée municipale de prendre toute sa souveraineté. Rester dans une dimension de grandeur c'est savoir mettre de l'ordre en son sein et bien mettre le pied au bon étrier. La grandeur sera sans doute l'élimination de toute fausse modestie, l'écart d'une hypothétique candeur et surtout le contrôle et l'arrêt de balle. Habès balouk ya khali ! Comme la grandeur est également à observer dans cette sentence, au sein de la plénitude de l'adage électoral disant « Qu'il faudrait toujours élire un grand maire, parce qu'il voit loin » chouf m'lih ya khouya !

*il s'agit d'une parcelle de terrain comportant quelques bureaux et dépendances servant de siège central à l'association sportive. Cette dernière jouit d'un contrat municipal de location depuis 1974. L'association, voudrait y faire dans le cadre légal du professionnalisme un investissement à même d'assurer le fonctionnement régulier de l'équipe. Elle aurait demandé la cession ou la concession. Le quiproquo qui sous-tend la relation des deux présidents, porte donc sur la nature de cet investissement. Promotion immobilière ou structures sportives et de loisir ?