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Le peuple ou l'administration

par Abdou B.

«Ni despotisme ni terrorisme. Nous voulons le progrès en pente douce.» Hugo

Le microsome journalistique de la capitale bruisse d'analyses, de commentaires, de projections aussi bien sur le plan national qu'international dominé par les massacres, les destructions qui se déroulent en Libye en proie à une guerre civile à «l'africaine» dans la confusion totale, avec des pertes humaines. Autour du président Bouteflika, de l'ANP, du DRS et des partis au gouvernement qui font de la figuration, les «pistes», les «gorges profondes», les sites politiques, les scénarii font florès. Au-delà de la cohérence et de la pertinence de ce qui s'écrit, il y a des réponses, vraies ou fausses, des «orientations» soufflées parce que les tares originelles du système n'ont pas bougé depuis des lustres. La langue de bois, la peur panique des parlementaires, de la majorité et des ministres de la pratique politique, la rétention de l'information, la castration des médias publics génèrent des désastres au plan de la communication qui ont dépassé les sommets. En politique intérieure et au niveau de la diplomatie inaudible dans les grandes capitales et à l'ONU, la cacophonie, l'illisibilité sont des sources directes d'implosions internes et d'une violence politique barbare.

Les étiquettes volent au ras des pâquerettes: ultralibéraux, visiteurs d'ambassades étrangères, hizb la France, sales Kabyles, complot impérialo-sionniste, cheval de Troyes de l'ingérence occidentale, les microcosmes retournent en enfance et versent dans la parano. Celle-ci redonne vie aux hommes et à la saison des bébés cuits au four et à celle de la chasse aux intellectuels assassinés et irremplaçables à ce jour. Le retour est fulgurant des symboliques qui ont fait et accompagné l'arrêt du processus électoral de dupes. Un parti extrémiste, intolérant, fossoyeur annoncé d'un mode de vie, a été agréé par le pouvoir sous la signature d'un ministre de l'Intérieur démocrate et républicain qui sera assassiné plus tard. Le parti en question a été pratiquement traîné aux urnes après avoir été décapité facilement et en peu de temps. La suite est connue, faite d'une guerre civile larvée, de régressions démocratiques, d'un nombre considérable de morts, de veuves et d'orphelins.

 Devant l'opacité du champ politique, l'aphasie de la majorité, l'inexistence d'un système audiovisuel national où les Algériens peuvent se retrouver dans leur diversité, le débat contradictoire interdit au Parlement, le champ est ouvert. Il l'est pour les rumeurs, le sensationnel, les systèmes d'information et de communication étrangers, performants devenus nationaux pour que de temps à autre des «pleureuses» officielles dénoncent, en vain, la désinformation et/ou la manipulation de tel ou tel média.

Dans un système clos sur quelques initiés, l'informel est souverain là où le fisc est grugé. A travers une communication de l'ère Idanov, on prête à M. Bouteflika le projet saugrenu d'installer son frère à la Présidence. Le Président devenu soudainement dément consacrerait son talent, son temps et son énergie pour un frère, lui aussi soudainement atteint de démence précoce qui lui fait convoiter El Mouradia. Allons donc! On agite des peurs infantiles et constructions hallucinantes. Abassi Madani et ses adjoints seraient annoncés dans les bagages de M. Aït Ahmed et attendus à l'aéroport par M. Mehri. Ces deux derniers qui n'ont rien à prouver aux plans du patriotisme, de l'esprit démocratique, de l'intérêt national, de l'attachement au rêve maghrébin, ont tout donné au mouvement national et à la guerre d'indépendance. Ce qui est loin d'être le cas pour quelques soudards bavards et incultes. A un âge avancé MM. Aït Ahmed, Mehri et Bouteflika aussi, quels que soient les désaccords avec l'un ou l'autre, seraient donc sur le point de subir une mutation qui ferait d'eux les assassins de l'avenir de ce pays. Allons donc! Des adversaires sur le plan politique ne sont pas obligatoirement des ennemis de leur peuple et leur pays. Par contre, ceux qui excluent par fournées, et il y en a beaucoup au pouvoir et au gouvernement, eux sont réellement dangereux et nocifs pour l'Algérie. L'ex-FIS, dont le dossier a été clos, discrédité à cause des malheurs causés par lui, est un parfait inconnu pour la génération Facebook et Twitter si admirée dans beaucoup de pays arabes. Ces derniers dans de nombreux cas apportent de cinglants démentis aux émules de Le Pen en Europe par la lucidité de leur jeunesse et leur refus de se faire un FIS au lieu et place de régimes honnis.

Dans l'Algérie de 2011, opérer un retour vers le passé, recruter des réconciliateurs (version FIS) et des éradicateurs guidés par des officiers en tenue de combat, c'est jouer aux apprentis sorciers. Il est sûrement nécessaire d'ouvrir un débat national, franc et public sur la place naturelle de l'ANP dans l'architecture nationale. Et si les partis de la majorité n'en font jamais référence dans leurs discours et les lois qu'ils votent, il y a dans ce pays une Constitution qui n'est pas parfaite, mais que tous, s'ils se déclarent démocrates et républicains, doivent respecter. Les missions conférées à l'ANP sont explicitement définies par l'article 25 qui ne lui cède aucun pouvoir sur le Président, la justice, le gouvernement ou le Parlement et encore sur le peuple et la gestion politique et économique du pays. Ceux qui veulent faire de l'armée nationale une fabrique de comploteurs ou de défenseurs d'intérêts particuliers n'ont qu'à le dire clairement et si possible en demandant leur avis à l'état-major et aux responsables du DRS.

Les débats, s'ils sont menés au bout et dans les formes sur la commune, sont à l'évidence plus importants et porteurs de progrès. En bref, quels sont les pouvoirs de l'administration et ceux des élus? Là aussi, un texte ou un amendement qui seraient en contradiction avec la Constitution seraient une régression au profit du wali qui n'a qu'un CDD dans tous les cas. Les articles 14-16 de la Constitution viennent tout naturellement de l'article 11 qui ne consacre la suprématie d'aucune administration. Mais celle du peuple qui élit des APC et non des walis et des responsables de daïra.