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De l'utilisation frauduleuse du droit d'ingérence humanitaire

par Ahmed Abdeslem Radek

Les uns après les autres, et chacun dans son rôle, les Nations unies, les états-unis et l'union européenne, décrétant l'exclusion de la représentation de la Libye du Conseil des droits de l'homme, de l'ONU, ordonnant l'imposition d'un embargo sur ce pays, et enfin édictant l'interdiction du survol du territoire libyen.

Et pourquoi tout cela ? Pour venir en aide au peuple libyen. Au nom du bon principe cher à un ancien ministre français, de gauche socialiste, redevenu par retournement, ministre des affaires étrangère dans l'avant dernier gouvernement de droite de la république française, et initialement french doctor : le droit d'ingérence humanitaire. Pratiquement cela se fera et se traduira, par la mise en état d'alerte de toutes les bases de l'O T A N, en méditerranée, à Malte, en Italie, et notamment la base aérienne d'Aviano, au nord de l'Italie et enfin, l'opérationnalité du centre de commandement des forces U S, basées au Qatar.

Le but avoué de ce branle-bas c'est de sauver le peuple libyen, par un débarquement de troupes américaines, britanniques et autres dans l'EST de la Libye, à Benghazi, où il n'est pas exclu que des éléments de ces troupes, infiltrés à partir de la mer, y sont déjà depuis quelques jours. Ils y sont, pour préparer le débarquement des troupes de l'USS Enterprise, le porte avion, surnommé Big E, pouvant contenir 73 à 83 avions, et presque 3000 hommes. Est-ce que tout ce montage est élaboré, pour ne pas laisser mourir le peuple libyen, selon la théorie du juriste français Mario Bettati, qui avait développé le concept de l'ingérence humanitaire, durant la guerre du Biafra au Nigeria, 1967/1970,mettant en avant la déclaration des droits de l'homme, des Nations Unis du 10 décembre 1948. Mais est ce que cette ingérence humanitaire, telle qu'envisagée par ses concepteurs initiaux, doit-elle aller, jusqu'à faire la guerre aux troupes restées fidèle à kaddhafi, ou bien doit-elle prendre d'autres formes moins belliqueuses ? La question reste ouverte et le débat mériterait de figurer à l'ordre du jour de toutes les organisations qui s'occupent des droits de l'homme. Cette notion d'ingérence, avait eu pour support et élément déclencheurs la médiatisation de la guerre du Biafra, qui avait fait selon différentes estimations, plus de un million de morts et dont la création de l'O N G, Médecins du Monde, est une conséquence directe. Mais est ce que l'esprit qui avait alors prévalu à sa fondation, demeure valide, quand les moyens utilisés pour sa réalisation, passent du stéthoscope au canon et de la blouse blanche au battle dress, couleur fauve, version envahissement de l'Irak. Ou bien est ce que cette déclinaison de l'ingérence humanitaire, n'est valable que dans les espaces géographiques, où coule le pétrole en surface et où le sous-sol en regorge. Parce qu'avant la Libye, il y avait eu des pays où des milliers de vies humaines étaient en danger de mort imminent, comme au Liban 1975/1990, au Rwanda en 1994, en Bosnie en 1992, et j'en passe.

Pourquoi ces états du Nord, n'avaient-ils pas alors réagit avec autant d'empressement ? Pourtant les droits de l'homme, qui sont tous les droits qui, consacrent et protègent la dignité de l'être humain, dont doivent jouir tous les individus, pour être préservés contre toutes les actions et les omissions, qui offensent et révoltent les consciences, telle que la terreur, la tyrannie, l'oppression, la misère, la maladie et l'analphabétisme ; devraient être respectés, sous toutes les latitudes de par le monde. Que l'on ne s'y trompe pas. Y aurait-il deux poids et deux mesures, et sans jeu de mots, l'un pour le baril de pétrole et l'autre pour l'être humain. Par décence et par dignité, mon propos, n'est pas de comparer les misères et les malheurs humains. Mais d'interpeller tout un chacun, justement sur ces afflictions et ces détresses des hommes et des femmes de ce monde. La guerre est la pire calamité qui puisse arriver au genre humain. Et ici, ce n'est pas un choix délibérément fait entre une guerre civile de libyens, les uns contre les autres, et une deuxième, qui engagerait, les forces de l'OTAN et ses alliés, contre une partie de ces mêmes libyens, mais c'est une option et une position contre la guerre et contres toutes les formes de la guerre.

Pourquoi la doxa et la genèse du droit de cette ingérence, fut-elle humanitaire sont et demeurent -elles d'intelligibilité exclusivement occidentale ? A-t-on demandé à la moitié des êtres humains qui peuple le monde, son avis sur ces approches et ces dimensions de définition de ce concept. Je pense aux chinois et aux indiens, pour que l'exemple soit évident, mais surtout frappant. Ils sont près de trois milliards d'habitants, mais les tenants de cette création, agissent comme si ces peuples, leur perception et leur pratique de cette notion, ne sont par opinion et jugement préconçus, pas valables. C'est du pur enfermement dans l'européo et l'américano-centrisme, vecteur depuis des années de dégâts directs et collatéraux dans les pays du sud. Ce nombrilisme est, et continue d'être sectaire, ségrégatif et enfin contre productif pour le genre humain. Messieurs dames de l'OTAN, et si on demandait, aux chinois, aux indiens, à certains pays d'Amérique du sud, aux russes, et aux arabes s'ils avaient par hasard, une ou des propositions à faire pour que les Libyens, ne s'entretuent pas, et que la transition se fasse avec le moins possible de dommages humains. Les Libyens de deux bords, y ont-ils peut-être, des amis, qui peuvent intercéder car vous autres, si vous n'êtes pas tous, leurs ennemis, vous n'êtes également pas tous leurs amis.

Il devient de plus en plus difficile et quasiment impossible de transgresser une quelconque loi, édictée par l'Organisation Mondiale du Commerce, que de violer à tout moment, tous les droits de l'homme, et sans que cela n'émeuve personne de par le monde. Si le plus petit pays du sud osait, pour protéger ses agriculteurs, fermer son marché intérieur, à des produits agricoles des pays riches, subventionnés à l'exportation, dans le but d'assurer à ses paysans, des revenus de survie. Il s'exposera aux gourous de la mondialisation effrénée, et de la globalisation de l'économie. Il serait taxé de pratiquer du patriotisme économique, mais au sens péjoratif. Et tous lui invoqueront le non-respect de la règle de réciprocité, et le pénaliseront, en lui refusant, d'avoir accès à leurs marchés du médicament. Peut-on, dans ce cas de figure parler de parité entre les états et d'égalité des hommes en droit, et partant d'invoquer le principe d'ingérence humanitaire.

L'envoi par les Etats-Unis de deux navires de guerre d'assaut, amphibies, le USS Kearsarge et le USS Ponce qui ont franchi le canal de Suez, le jeudi 3 mars 2011,en direction des côtes libyennes, augure-t-il d'une mission humanitaire, de secours, d'aide, d'assistance et de protection de populations en danger ? Chacun selon ses moyens, mais je demande à voir.

L'aide et l'assistance humanitaires sont, au jour d'aujourd'hui, extrêmement demandées et vitales, du côté du poste de frontière entre la Libye et la Tunisie de Ras J'dir, où croupissent des milliers d'être humain, dont une grande partie d'égyptiens fuyants, les affres de ce qui se passe en libye. Les Algériens ont ouvert des structures d'accueil à In Salah, où ils ont reçus leurs concitoyens et offert l'hospitalité à d'autres hommes et femmes, de différentes nationalités, rentrés en Algérie par le poste de Dabdab. Les Tunisiens font ce qu'ils peuvent pour juguler ces flots d'individus, les autorités égyptiennes, ne sont pas venues au secours de leurs citoyens, et toutes les forces qui lorgnent du côté du pétrole libyen, se déclarent non concernées par ce drame humain qui se déroule en direct, rapporté par toutes les télévisions du monde.

Enfin, je m'adresse aux inventeurs de ce droit d'ingérence, pour leur dire, ceci.

Pourquoi, leur invention n'est-elle applicable que chez les faibles et les petits, de ce monde ?

Messieurs dames, après l'intervention des forces armées en Irak, malgré l'opposition de certains, dont la France, lors du discours mémorable de son ministre des affaires étrangères de l'époque, monsieur Dominique de Villepin, applaudi pour la première fois, dans les annales, au conseil de sécurité de l'ONU. Et après que aviez laissé faire Israël, pour méconnaître, mépriser et ignorer les droits élémentaires de l'homme, à Ghaza et partout ailleurs en Palestine. Je vous accuse, tous autant que vous êtes, au nom du droit, ou bien du devoir d'ingérence humanitaire, de ne pas porter, secours, assistance, aide et protection, au peuple de Corée du nord. Oui le pays du matin calme, n'a pas de pétrole dans son sous-sol, mais en surface, il possède et maîtrise, l'utilisation d'une arme destructrice, que vos pays, avaient en ce temps là, conçue et fabriquée, pour tenir le monde, et tous ses habitants, sous votre dictat. Alors, messieurs dames révoltez-vous, mais chez-vous, pour remettre en cause, le mal qui empoisonne vos quotidiens, et faites de l'ingérence humanitaire, à domicile, vous verriez, peut être, plus clair : vos semblables.