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Si beaucoup de choses sont au masculin, la lutte est au féminin

par Farouk Zahi

«La mère est une école, en la préparant tu auras préparé un peuple de bonne extraction». Ahmed Chawqi.

La lutte des femmes, a été, comme on peut le constater, longue et éprouvante et n'est, certainement, pas encore prête d'être remportée de sitôt. L'esprit grégaire du genre opposé n'est pas, encore, en mesure d'accepter la parité. Le pays qui se targue d'être celui des droits de l'Homme, n'a accordé le droit de vote à la femme qu'en 1944. Dans le gouvernement du Front populaire, trois femmes, pourtant, sous-secrétaires d'Etat dont Irène Joliot Curie, prix Nobel de chimie, étaient privées de ce droit. C'est dire, le grand décalage entre l'intention et la réalité de sociétés réputées avancées. Ceci préfigure des luttes menées depuis lors pour se forger, une opinion sur les idées reçues. Les lois ne font qu'accompagner les militances.

Invitées par le président de la République, les femmes étaient là en ce jour de célébration de leur journée internationale au Palais des nations. Elles sont, probablement, les seules à avoir eu l'insigne honneur d'être reçues par Bouteflika qu'elles ont d'ailleurs, chaleureusement, ovationné. Que peut-on retenir du message présidentiel adressé à la moitié de la nation en ce jour particulier ? Sans revenir sur la volonté politique affichée subséquente aux textes fondamentaux du pays qui donnent à la femme les mêmes droits citoyens que l'homme, il est à relever, cependant, un mot clé qui a, particulièrement, attiré l'attention de votre serviteur : «le monolithisme des préjugés» et c'est, probablement, là où niche la problématique de l'émancipation, non pas politico-juridique, mais sociale et économique de la femme. Même travailleuse intellectuelle, elle ne disposera pas toujours du produit de son revenu en total versus avec les préceptes religieux que beaucoup avancent pour mieux la dominer.

C'est pourquoi, il est fait obligation à ce propos de relever, une multitude de traits de caractères qui font encore, que tant qu'on parlera de la femme dans sa connotation biologique, la société n'est pas prête à se départir, de son machisme sexiste. Avocate, médecin ou même ministre, elle n'échappe pas au carcan de «oulia». Il est impératif de voir à travers la femme côtoyée tous les jours, ses propres, mère, sœur, nièce, fille, belle fille ou épouse. Ce n'est qu'à ce prix là, que la gardienne des valeurs morales (certains diront, excessivement, qu'elle porte l'honneur du clan entre ses jambes) pourra être prémunie des dérives instinctives. L'environnement lui-même est biaisé. Observons les salles d'attentes, les toilettes et autres lieux publics, la différenciation est consignée par «femmes» et «hommes». Il est encore difficile de prononcer ou même d'écrire : «Dames». Dans les guichets des postes, des assurances et mêmes des banques, on interpelle à voix haute les personnes par leur seul nom. Est-il aussi éprouvant de faire précéder le nom de la personne, par un «madame» ou un «monsieur» ? Apparemment oui ! Cette dyslexie doit avoir pour origine, un particularisme psychosocial que nos chercheurs spécialisés, se doivent de mettre à nu. Il faut cependant reconnaître, qu'il échoit à la seule responsabilité de la femme de s'être enfermée elle-même, dans ce carcan psychologique. Belle fille, elle fera tout pour se libérer de l'emprise de sa belle mère. Mère, elle favorisera le fils au détriment de la fille. Ce fils fera l'objet de toutes les sollicitudes dues à son rang de mâle. Sa sœur, qui va comme lui au lycée ou au travail, aura plus de tâches que lui, pour la simple et bonne raison, qu'il n'a pas de plan de charge domestique. Il sera nourri, blanchi «à l'œil». Sa part à table est plus généreuse ; il ne fera pas un seul geste pour desservir, encore moins celui de faire la vaisselle. Revenant «harassé» du dehors, il s'affalera sur le lit fait par sa mère, sa sœur ou sa femme. Il exigera en plus, que l'on ne fasse pas de bruit. Elles devront se rappeler que son sommeil, est hyper léger. Il ne doit être réveillé, pendant le Ramadan, que quelques instants, avant le «medfa'a» (coup de canon : ancienne pratique, annonçant la rupture du jeûne). 

Cette domination «faunesque» remonte à très loin dans le temps, bien avant la naissance du mâle. L'avènement de l'échographie a fait gagner beaucoup de temps. On n'espère plus un garçon, on l'attend avec tout le cérémonial d'usage. La future maman se valorise aux yeux de l'entourage, aussi bien, immédiat qu'éloigné. Elle ne sait inconsciemment pas, qu'elle rajoute un autre stigmate à sa condition féminine. Dans les services de maternité moderne, pourtant féminisés, les you-you sont plus sonores et les congratulations plus chaleureuses, à la naissance du petit mâle.

 La fillette aînée recevra des remontrances et parfois même des bastonnades, pour ne pas avoir fait attention à son petit bébé de frère. Elle aidera sa maman dans l'élevage du petit «monstre», en le langeant, le biberonnant et en le bichonnant. Il le lui rendra mal, plus tard. N'a-t-on pas assisté une seule fois au moins, à des voies de faits exercés sur la propre sœur, pour «crime de lèse majesté» ? La bru, se plaignant de la sœur, la correction verbale ou physique ne se fera pas attendre de la part du frère. N'a t-on pas entendu parler de ces «Céline» qui ont tout sacrifié, pour le bonheur de leurs jeunes frères, parfois orphelins ? Elles seront pour la plupart, immanquablement, déçues par l'ingratitude.

 Que s'est- il donc passé pour que cette dichotomisation de la société, prenne des proportions qui n'augurent d'aucune éclaircie ? Il n'y a pas si longtemps, on s'adressait par un «Yamma» à la dame d'un certain âge, un «yaoukhti» pour celle de notre génération et «yabinti» pour celle qui pouvait être notre fille. Cette marque de déférence, traçait déjà les contours d'un comportement respectueux, intransgressible. Il est devenu fréquent d'entendre çà et là des entretiens discursifs, diabolisant la femme. Cette conviction acquise, ouvre la voie à la vindicte en se faisant un point d'honneur, de malmener «Ibliss».

 Les voies et moyens importeront peu. Il est remarquable aussi de constater, qu'il suffit de disposer d'une voiture, pour accoster des dames, qui pourraient avoir l'âge de notre ascendance ou de notre descendance. Ce dernier cas est malheureusement, le plus fréquent. Sur certains lieux de travail ou de formation, cette déviance (harcèlement sexuel) est érigée en règle, Il s'est trouvé, d'incongrues fatwas, venues d'on ne sait d'où, pour préconiser à la femme travailleuse de donner le sein à son collègue, mâle? pour se prémunir de la tentation de la fornication.

 On demande, encore, à la femme de se protéger elle-même de ce fléau. Foutaises que tout çà ! Ce pourrait- il, que ces lieux jadis sacrés, deviennent des lieux licencieux? Et c'est le moins que l'on puisse en dire ! Il est enregistré quelques 3000 nouveaux nés par an, issus de relations extraconjugales. Les femmes célibataires viennent pour la plupart, de milieux défavorisés. La déchéance économique est pour beaucoup, dans cette décrépitude des mœurs. Il est évidemment établi, que la responsabilité est partagée, mais elle demeure néanmoins, à l'avantage du harceleur ou du violeur. L'inclination actuelle de la bonne conscience, consiste à dire que le législateur n'a pas omis cette perversion.

 Les textes existent, il «n'y a qu'à les faire appliquer !». Il suffit de dénoncer par un dépôt de plainte !

 Peut on imaginer, une jeune secrétaire subvenant aux besoins d'une nombreuse fratrie, ester en justice son chef ? A-t-elle d'abord les moyens de s'en ouvrir, à un proche ? Ces allégations, seraient elles prises au sérieux, compte tenu du moralisme feint de l'antagoniste ? Comment pourrait- elle avoir l'outrecuidance de porter de graves accusations, à l'encontre de «El hadj F'len» ? Ce serait tout simplement de l'hallucination hystérique. Les laudateurs de tout bord, lui prêteront même des intentions maritales, qu'elle ambitionnerait. Le statut social du mis en cause, est tout indiqué, pour nourrir un tel dessein !

De velléitaires tentatives de dénonciation ont toutes, lamentablement, échoué. Même la hiérarchie reprochera à la plaignante, sa précipitation et son manque de discernement. Et même si c'eut été vrai, avait-elle le droit de livrer, celui qui aurait pu être son père, à l'opprobre de la condamnation ? Aurait- elle oublié que cette respectable personnalité, est père d'une famille très connue sur la place ?

Il ne sera nullement surprenant, de voir cette «fille» livrée à toutes les intrigues attentatoires. L'environnement humain subitement hostile, ne lui laissera pas beaucoup de choix. La démission lui sera proposée comme une bouée de sauvetage, à l'effet de la pousser vers la porte de sortie, sans aucune autre forme de procès. Les préjudices matériel et moral entamés, il ne lui restera que les yeux pour pleurer?..la descente aux enfers sera inéluctable. Happée par la tourmente, sa condition humaine loqueteuse, interpellera plus d'une conscience.

Mais, il ne faut guère se faire d'illusion, des sourires moqueurs ou des rires, carrément, sarcastiques hoqueteux et éraillés se fouteront de cette conscience si tant elle peut vouloir dire quelque chose. Mais pour qui, se prend-il ce sénior moralisateur d'un autre âge ? La femme s'est depuis longtemps émancipée, elle participe par son statut à la vie active du pays ; elle va à l'université, elle est même ministre et tutti quanti...

N'est-il pas honteux, de voir ces vieux maraudeurs ventrus, portant postiche, grosse chevalière au doigt et chaîne platinée grosse comme une corde, affalés dans leur carrosse rutilant, guettant l'œil glauque et concupiscent, la sortie d'étudiantes de leur campus ? Cette jeune victime, qui n'est souvent pas à l'abri du besoin, tombera dans l'escarcelle du trappeur, qui usera de persévérance, de patience et surtout de brillance. Le jeune désargenté est autant victime que sa fiancée, qui s'est faite séduire. La suite est connue de tous?.Leurs filles à eux, rentrent tous les soirs à la maison, elles ne découchent pas.