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L'Art Autrement Vu : l'Idylle des Sens

par Mohammed ABBOU

L'ocre de la liberté se détache laborieusement du vert de la quiétude pour rejoindre un rouge fougueux éclaboussé par des jets bruns d'une douceur infinie.

Des rais jaunes, issus de nulle part, viennent illuminer une palette d'émotions dont l'auteur nous a quitté il y'a à peine une année.

Ali-khodja Ali nous a légué une thérapie de sagesses flamboyantes contre toutes les mélancolies. A chaque fois que la nature a offert à ses sens ses généreuses moissons, il a défié les rêves pour planter dans leurs jardins ses féériques idées du monde.

Alors, en fier héritier d'un passé fondateur, en serviteur béni d'un présent mouvementé, il en témoigne, durablement, par une magistrale restitution émotionnelle.

A travers toutes ses œuvres il ne cesse de nous répéter que la symbolique des couleurs a toujours eu sa place dans l'histoire des hommes. De la hiérarchie sociale bigarrée, à la pureté de la foi en passant par les nuances des soubresauts de l'existence, le milieu culturel fait et défait les significations. Sur le fond bleu de la tolérance, il laisse glisser le vert timide de la quiétude et libère dans une magistrale éclaboussure l'or de la mutation humaine.

Le tumulte social, dans un brun contrarié par des émanations orange, dépasse, par son élan, la ligne grise de l'incertitude.

Il ouvre, plus loin, une voie brunâtre au milieu d'un jaune en grappes, au regard épuisé par tant d'émerveillement.

L'œil fourbu, mais apaisé, se réconcilie, de bonne grâce, avec une innocence tourmentée par l'existence et retrouve sa juste dimension dans la grande aventure de la création.

Le rose entêté allume les joues du jour qui émerge du gris sombre de son somme. A l'horizon, Eole annonce sa cavalerie rouge avec ostentation. La nature essore son manteau vert de la rosée de l'aube , alors que la terre se love et offre son dos brun rocailleux aux assauts saisonniers de l'éternité.

Dans la houle qui se prépare Ali-khodja arrive à saisir les palpitations d'un univers toujours en accomplissement.

Face à un monde indifférent et parfois belliqueux, il convoque un espace intuitif, l'accable de toutes les charges, le triture, le transforme et lui invente un sourire qui le vide de son agressivité. Plus affuté que le verbe, son trait cru et coloré dénude un monde poli par ses utopies mais lesté par des lingots de valeurs qui vibrent comme seul le métal précieux peut répondre aux caresses de la lumière.

Dans un entrelacement de formes et de couleurs il décrit avec application le processus de production de l'extase et invite l'humanité à assister à l'épanouissement de ses propres rêves.

Il l'invite à retrouver ses capacités d'enfant, son pouvoir d'émerveillement, son pouvoir de déceler dans toute chose l'étincelle qui entretient le sens de la vie.

La nature est simple, elle est bleue, elle est verte, elle perce une atmosphère blanchâtre pour pousser la porte en ébène de la félicité. Le brun audacieux se dilue sous des rais amoureux pour déteindre sur la face immaculée d'une cité tant aimée et la terre ocre, assoiffée, absorbe goulument tous les excès de lumières.

Loin de banaliser le beau, il veut simplement nous dire, qu'il fait partie de nos besoins élémentaires. Dans chacune de ses compositions un conte prend vie et se noue entre les sens une ineffable idylle. Il nous lègue une succession de moments saisis par un regard qui n'a jamais faibli, des séquences vibratoires pour communier avec la postérité. Ali-khodja Ali a été élu par sa sensibilité à une mission de reconnaissance, au profit des hommes, dans l'univers du beau.