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S'il est toujours bon de changer, il est encore mieux de savoir comment

par Farouk Zahi

«Sans des valeurs et des obligations morales partagées par tous et profondément ancrées, ni loi, ni un gouvernement démocratique, ni même une économie de marché ne pourront fonctionner correctement». (Vaclav Havel)

Cette assertion de l'ancien chef d'Etat tchèque, va, apparemment, comme un gant à notre pays. N'étant pas démocrate qui veut, beaucoup d'autocrates qui s'ignorent se sont inscrits dans ce titre générique. Et si la démocratie est une, les autocrates sont, malheureusement, légion. Ils se cachent derrière de respectables personnages que nous côtoyons quotidiennement, du scientifique à l'élu partisan et du rond de cuir au juriste. Leurs citadelles inexpugnables sont protégées par, on ne sait, qu'elle immunité acquise. Aller remettre en cause, le «verdict» d'un professeur d'université ou d'un magistrat. Pour le premier vous êtes recalé à vie et pour le second, vous serez jugés pour outrage. Le dédain à peine voilé de certains leaders politiques vis-à-vis de leurs concitoyens, semble faire école. Il est devenu, malheureusement, de tradition qu'on préfère les médias d'outre mer, même de seconde zone, aux médias locaux. Un quotidien national, relatant la marche initiée par la CNDC, affirme dans sa livraison du dimanche 13 février que cette dernière a été couverte par la presse internationale, notamment, la presse française. Amen ! Candeur ou calcul politicien, on ne saurait le dire, mais on devine, plus ou moins, les desseins d'internationalisation de «l'affaire algérienne».

Maintenant que les grands de ce monde se furent prononcés, il est de notre droit de se construire une opinion, même, hallucinatoire. Ignorant toutes les règles de bienséance diplomatique, M. Hussein Obama avertit carrément M. Hamel sur les dérives policières, tout comme il s'est adressé au maréchal Tantaoui. La diplomatie allemande recommande, plus de respect de la dignité humaine et c'est louable sauf qu'en Bavière, cette qualité n'est pas le fort des Teutons pour en donner des leçons. Le racisme n'est-il pas un déni des droits humains ? ?Si vous me dites oui ! Je vous dirais, d'aller voir, Madame, du coté de votre communauté turco-allemande. Quant au Hongro-Américano-français, il est mal seyant de parler quand les Antilles françaises, historiquement calmes, se soulèvent pendant plus d'un mois et justement au cours de son mandat. Dimitri Zandronis-réalisateur-, résume en deux mots le chaudron insulaire qu'on nomme avec euphémisme, «départements de Guadeloupe et de Martinique» : «?il ne faut surtout pas dramatiser ! Les descendants des déportés vivant sur le même sol que les descendants des colons? c'est déjà un drame !» (1)

Réclamée à cor et à cri, l'ouverture de la télévision est souvent contrecarrée par ceux là même qui la revendiquent. Aux dernières nouvelles, l'équipe de tournage du JT a été contrainte, par une organisation de défense des droits de l'homme, de rebrousser chemin. La libre expression tant galvaudée, ne serait donc qu'à sens unique ? Ceci peut, même, dénoter du mépris affiché à l'égard de ceux, nombreux, qui n'ont pour, seule, fenêtre sur le monde que l'antique ENTV. Par contre, la presse dite internationale, instrumentalisée, comme tout le monde sait, par des nébuleuses lobbyistes, est bien là et sa présence, très prisée, ajoute du baume au cœur d'esprits encore, culturellement, colonisés. Il faut voir ces animateurs de plateaux télévisés jubiler, à l'annonce de désordres annoncés par delà la Méditerranée. Un droit de préemption sur les anciennes colonies, semble être, décidément, acquis. A peine, la place «Ettahrir» libérée, on tourne vite la page et on se met à humer, tels des hyènes affamées, l'odeur du sang. De pseudo experts de la chose et des Arabes de service se bousculent au portillon pour venir, telles des cartomanciennes de kermesse, prédire l'avenir de peuples, anciennement, subjugués par les mêmes pleureuses. Nul n'est contre le droit à l'information locale ou internationale, mais, faut-il que celle-ci participe du seul souci d'informer pour que le receveur ne se fasse que sa propre opinion. Il a été, malheureusement, remarqué au cours des récents événements d'Egypte que des télévisions françaises dite arabophones braquaient, immuablement, leur objectif sur le seul champ disponible et allaient à la chasse aux commentaires que nul ne pouvait contredire. Il faut se rendre à l'évidence, aussi, que le déséquilibre informatif est présentement à l'avantage de l'Occident. La 1ère Guerre mondiale médiatique, remportée par CNN lors de l'invasion irakienne, n'a, toujours pas, connu d'armistice que çà en devient une guerre d'usure.

Sur le registre de la communication, il semble que le crédit est, beaucoup plus, accordé à l'écoute d'un eurodéputé qu'à un chef d'Etat «neutre». Ceci ne dédouane en rien, la sclérose médiatique de l'establishment politique qui demeure très frileux. L'information de première main que peut obtenir le citoyen à travers ses médias publics, ne pourra que le prémunir d'éventuelles lectures biaisées ou manipulatrices. Il reste beaucoup à entreprendre et à parachever dans le chapitre. La démocratie n'est pas qu'un exercice électoral pour l'alternance au pouvoir, mais bien plus que cela. Elle implique le respect de l'autre dans sa dimension humaine d'abord. L'autre peut être un enfant, notre propre enfant ou le voisin de palier. Prenant à contre-pied toute l'opposition, la Secrétaire générale du Parti des Travailleurs, a marqué, encore une fois, sa différence lors la récente session de son Bureau politique en déclarant que les progrès enregistrés par le pays sont probants, mais qu'il demeure entendu que beaucoup reste à faire. Terrassée, pourtant, par le score «brejnévien» de la dernière élection présidentielle, elle se relève sans émotivité féminine et poursuit le combat, sans nul doute, inégal. La probité morale et l'honnêteté intellectuelle, qualités essentielles dans l'assumation politique, lui valent de ne pas faire table rase de tout ce qui peut être positivé chez l'adversaire du moment. Il est notable, de relever dans les discours ambiants, la demande pressante en matière de libertés démocratiques accrues plus que tout autre revendication. Espérons, toutefois, qu'il ne s'agit pas là de démocratisme intellectuel et pour lequel un célèbre auteur russe aurait dit : «Il n'y a que chez nous, dit Dostoïevski, que le démocratisme de l'intelligentsia russe s'est associé aux aristocrates contre le peuple. Ils vont au peuple pour lui faire du bien, mais méprisent ses habitudes et ses fondements.» - (Nicolas Milochevitch - fr.wiktionary.org /wiki/démocratisme)

Portée par les élites, l'aspiration à la démocratisation politique, est plus structurée et moins audible que celle qui appelle à la démocratisation sociale et économique, portée elle, par les couches moyenne ou défavorisée et qui est déjà bouillonnante. Ces faux extrêmes, feront un jour la jonction dans ce qui est, communément, appelé : la rue. Mais en attendant et à titre illustratif, si tant est l'avenir des jeunes qui importe aux yeux de la classe politique, y a-t-il eu une seule tentative, même expérimentale, d'insérer des jeunes sans emploi chez des opérateurs économiques de la même obédience partisane ou même, et là c'est trop demander, organiser des caravanes d'explication sur les dispositifs d'insertion initiés par l'Etat, même, s'ils demeurent insuffisants pour l'heure ? Qualifié d'erratique, un programme gouvernemental peut, parfois, comporter du positif, et le signaler n'aurait rien d'hérétique. Des gloires politiques des années quatre vingt dix, réputées irréductibles ont, lamentablement, été emportées par le, seul, manichéisme dont ils en ont fait un cheval de bataille. Ils n'ont fait que dénier, aux autres, le droit de s'exprimer.

La démocratie se confond aussi à la citoyenneté républicaine qui, faut-il le rappeler, est la subordination aux devoirs citoyens : accomplissement du Service national et du Service civil pour certains diplômés supérieurs, souscription à la fiscalité, devoir de vote. L'état d'esprit qui prévaut et à grande échelle, est fait d'impérities, de désertions, de louvoiements, d'évasions fiscales, d'abstentions et d'une multitude de distorsions sociétales qui n'aident pas à la configuration et la consolidation d'une cohésion sociale à même de se doter d'une gouvernance politique efficiente. Evoquer les constantes nationales, par ses temps d'irrespect au patrimoine commun, c'est se vouer aux gémonies de tout bord. Même le F.N dont on ne pas dire qu'il est proche du pouvoir français, fait de la chimère de Jeanne d'Arc, du drapeau tricolore et de la «Marseillaise», son brelan d'as. Le «système» aura toujours bon dos pour assumer toutes les turpitudes aussi haïssables, les unes que les autres. La prévarication, la prébende, le déni d'équité ne sont en fin de comptes que des caractéristiques, d'abord, humaines avant d'être politiques. Il est à espérer que les discours d'intention hissés au rang de programme politique, ne reviennent pas sur le déjà vécu, car les capacités mémorielles populaires sont éléphantesques dans le registre. Un chat échaudé craint l'eau froide...