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Impasse palestinienne

par Abed Charef

Les Etats-Unis sont désolés, mais ils n'arrivent pas à obtenir des concessions israéliennes. Et c'est Mahmoud Abbas qui paie la facture du cynisme américain.

George Mitchell est de retour. L'émissaire américain chargé de faire la paix au Proche-Orient a pour mission essentielle, cette fois-ci, de convaincre les Palestiniens de faire de nouvelles concessions, comme la secrétaire d'Etat Hilary Clinton les y invite. Et Mahmoud Abbas est, une nouvelle fois, sommé de céder, en amenant l'autorité palestinienne à fermer les yeux, comme elle le fait depuis si longtemps.

 La nouvelle donne est simple. Pour faire bonne figure face aux Arabes et au monde musulman de manière générale, et pour donner un sens au discours prononcé au Caire par le président Barak Obama, les Etats-Unis ont invité Israéliens et Palestiniens à s'engager dans de nouvelles négociations de paix. Chaque partie s'est alors crue obligée de fixer des règles avant de s'engager dans les pourparlers. Les Palestiniens ont cédé sur tout, et notamment sur l'un des rares atouts qu'ils possèdent : ils ont mis fin à toute action de résistance. En contrepartie, Mahmoud Abbas a demandé la fin de la colonisation dans les territoires supposés appartenir à un Etat palestiniens lorsque celui-ci sera établi. Les Israéliens ont décrété un moratoire temporaire, se donnant la possibilité d'y mettre fin à tout moment.

Pour les Israéliens, c'est un excellent moyen de maîtriser le calendrier des négociations, qu'ils peuvent rompre à tout moment. Ils détiennent, avec la seule question des colonies, un moyen de mener les négociations au rythme qui leur convient, d'y mettre fin si elles tournent à leur désavantage, ou de les faire traîner en longueur si la conjoncture se révèle défavorable.

A l'inverse, les Palestiniens se retrouvent dans une situation de faiblesse inacceptable. Ils sont divisés, ce qui constitue un handicap particulièrement dangereux. Ils n'ont pas de pays arabe sur qui s'appuyer. Ils sont aussi handicapés par deux autres facteurs. D'une part, ils se sont enfermés dans une logique de concessions-négociations meurtrières, et n'arrivent plus à s'en sortir. Ils ont totalement abandonné toute autre démarche, ce qui facilite le jeu des Israéliens, qui savent que les menaces des Palestiniens ne sont que de simples rodomontades sans suite, et que tôt ou tard, les Palestiniens reviendront à la table des négociations.

D'autre part, les Palestiniens ont exclu l'idée de revenir à la lutte armée. Ils sont tombés dans le piège de la respectabilité, ce qui les prive de la seule arme dont ils disposent : sacrifier leurs enfants pour récupérer leur terre. Ils en sont même arrivés à redouter de recourir à la lutte armée, car ils seraient aussitôt accusés de terroristes et mis au ban des accusés par le formidable appareil de propagande pro-israélien.

Cette duplicité des dirigeants palestiniens est d'autant plus étonnante qu'elle semble répéter les échecs à l'infini. Bill Clinton avait, à titre d'exemple, laissé miroiter aux yeux des Palestiniens l'idée d'un Etat dans la foulée des accords d'Oslo en 1993. Dix-sept ans plus tard, il n'y a toujours rien. Plus tard, George Bush avait promis un Etat palestinien pour 2005. L'ancien président américain a détruit l'Irak, laminé le monde arabe, envahi l'Afghanistan, mais il est parti en laissant les Palestiniens dans l'attente.

Barak Obama a fait son discours du Caire, mais il n'a pas obtenu la moindre concession des Israéliens. «D'immenses obstacles» demeurent dans le chemin de la paix, a-t-il dit dans un bel euphémisme pour expliquer l'échec de sa démarche. Et aujourd'hui, son émissaire spécial vient informer les Palestiniens que les Américains sont désolés, qu'ils n'ont pu obtenir des Israéliens de mettre fin à la colonisation, et qu'un «changement de tactique » est nécessaire dans les négociations.

Le cynisme israélien n'a d'égal que celui des Américains. Hilary Clinton a ainsi déclaré que Etats-Unis «vont poursuivre leurs efforts» de paix, car ils «croient toujours qu'une issue positive est possible et nécessaire». Elle en a même rajouté, en annonçant une aide 150 millions de dollars aux Palestiniens, pour «encourager l'édification des structures d'un futur Etat palestinien». Dans le même temps, les Etats-Unis annonçaient qu'ils abandonnaient l'idée de demander aux Israéliens de mettre fin à la colonisation, pour se concentrer sur les «problèmes centraux». Comme si, auparavant, ils s'étaient dispersés, et s'étaient embrouillés, ce qui expliquerait l'échec du ou des processus de paix.

Dans cet engrenage infernal, il y a longtemps que les Palestiniens semblaient avoir compris que leur drame résidait dans la conjugaison de trois facteurs : la politique israélienne, la complicité américaine, et l'incapacité arabe à faire quoi que ce soit. Il faut, désormais ajouter un nouvel élément : les Palestiniens savent-ils ce qu'ils veulent et où ils vont ?