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Inscriptions au bac : le grand bug !

par Mohammed Beghdad

Le 15 octobre dernier, les inscriptions ont été ouvertes  aux candidats de la prochaine session du baccalauréat 2010/2011. Cette année, le ministère de l'éducation nationale a innové en programmant cette importante opération par le Net sur le site de l'ONEC (Office National des Examens et Concours) à l'adresse url : http://insbac.onec.dz.

L'ordinateur dÈs lE PRIMAIRE ?

Jusqu'ici, tout est bon, c'est une première, une petite révolution néanmoins les bugs du logiciel élaboré à cet effet n'ont semble-t-il pas été prévus par le ministère concerné. On prédisait de faciliter la tâche qui ne devrait consacrer que quelques minutes aux candidats. C'est à l'effet contraire que l'on assiste sans susciter la moindre réaction ou une quelconque explication des responsables concernés. Comme c'est à chaque fois le cas, c'est au silence de suspicion que l'on est abreuvé laissant les candidats et leurs parents de plus en plus anxieux.

 Lorsque vous ne connaissez rien à ces nouvelles technologies, vous jetez l'éponge au bout d'un quart d'heure. D'abord, les élèves de terminales sont livrés à eux-mêmes, eux qui dans leur écrasante majorité n'ont aperçu réellement un ordinateur au lycée que dans son administration. Je dis ça en connaissance de cause puisque je suis moi-même parent d'élèves comme des dizaines de milliers d'autres Algériens.

 Pourtant, si on regarde de plus près les programmes de mathématiques ou de physique, l'ordinateur est prévu dès la classe de seconde avec des applications à l'aide du logiciel d'Excel de Microsoft comme il est mentionné clairement sur les livres scolaires officiels. Mais entre la théorie et la pratique, il y a les mondes de la bureaucratie et de la démagogie qui sévissent impitoyablement non seulement dans l'éducation nationale mais dans tous les domaines de la vie publique.

 Pourtant le communiqué du ministère de l'éducation nationale, diffusé à la veille de la rentrée de cette année scolaire, est clair à ce sujet. Le dit communiqué nous apprenait à grandes pompes que tous les lycées sont déjà équipés d'un laboratoire d'informatique de 15 micros en plus d'un serveur avec tous ses accessoires. Ce qui représente 1,13 ordinateur pour 50 lycéens. Il rajoute que 1400 lycées parmi les 1852 existants sont programmés pour bénéficier, dans moins d'une année, d'un deuxième laboratoire.

 En outre, le même communiqué rajoute que 1467 collèges sont dotés jusqu'à ce jour d'un laboratoire sur les 4961 collèges que compte le pays en attribuant un taux de 0,71 PC pour 100 collégiens. L'opération de la dotation des autres collèges se poursuivra dans moins d'une année comme le mentionne la même source. Comme le note le même communiqué, il est également prévu d'équiper l'ensemble des collèges d'un second laboratoire. Pour nos petits bambins, chacune de leurs 17952 écoles primaires va bénéficier d'un quota de 10 micro-ordinateurs comme le précise le communiqué du premier responsable du département ministériel.

 A en croire ces chiffres venus d'ailleurs, tous les rêves peuvent être permis à la fin de l'année. S'agit-il d'écoles virtuelles ou celles que fréquentent nos enfants à longueur d'années ? Doit-on se questionner par où sont passés les budgets successifs consacrés à l'acquisition d'ordinateurs destinés à cet apprentissage ? A moins qu'ils soient détournés à d'autres fins ou stockés quelques parts par des bureaucrates comme notre administration en possède en quantité dépassant toutes les normes. Ils ne doivent assurément pas savoir que ces ordinateurs à force d'être dissimulés vont devenir au bout quelques temps totalement obsolètes et dépassés. Le communiqué aurait dû être accompagné d'un listing, sur un page web, de tous les noms d'établissements ayant bénéficié et le nombre de PC qui leur a été affecté pour mettre définitivement fin à tout anonymat. D'un simple clic, on pourrait facilement découvrir le pot aux roses. Je réside dans une ville moyenne du pays et je n'ai jamais entendu de telles quotités que ce soit de la bouche de mes enfants scolarisés ou de celle de mon entourage.

Le RUSH dans les Cybers

Retournons sur notre terre d'Algérie et passons aux choses concrètes. La nouvelle réforme est à sa 6ième année consécutive sans que les lycées soient apparemment tous pourvus de cet outil indispensable pour les différentes applications de calculs et de simulation d'expériences.

 Imaginons le cas d'un élève habitant un lointain douar du lieu de son lycée et dont les parents ne possèdent même pas les moyens de lui offrir un quelconque repas équilibré. Acheter un ordinateur relèverait de l'impossible, voire du miracle pour des milliers de familles en dépit des facilités bancaires de l'ancienne démarche d'Ousratic.

 Pourquoi n'a-t-on pas prévu que les inscriptions se fassent au sein même des lycées avec l'aide d'utilisateurs chevronnés et si nos lycées étaient réellement équipés ? Puisque notoirement, les élèves n'ont jamais effleuré de leur vie une salle d'informatique dans le cas où elle existe dans l'établissement. Pourtant, les bureaux les administratifs sont bien garnis par ces machines et imprimantes de dernier cri en plus de la connexion d'Internet dans le bureau de monsieur le directeur ou de son staff. La pédagogie demeure toujours le parent pauvre de notre système éducatif dans sa totalité.

 Pour les élèves, ils n'ont qu'à se débrouiller. Les cybers ne sont-ils pas agréés à cet effet ? Cela nous rappelle les exposés réclamés par les enseignants du cycle moyen à leurs élèves qui se ruent chaque soirée depuis 6 années consécutives vers ces cybers qui aussitôt leur offrent clés en mains, moyennant de l'argent, tous les exposés inimaginables sans avoir compris le sens d'une seule ligne. L'essentiel est de chercher à faire plaisir à leurs enseignants en visant à arracher la meilleure annotation possible. Peu importe le contenu, c'est l'exposé le plus édulcoré qui risque de remporter la note bonifiée. Ce sont les plus nantis qui risquent très fort de décrocher les meilleures mentions en y mettant tous les moyens financiers à cette tâche qui a été travestie par rapport à ses objectifs pédagogiques. En fin d'année, le directeur de l'école rédigerait son bon rapport à l'académie dont il dépend en appuyant que le nouveau système éducatif est satisfaisant à 100% et que les applications se sont parfaitement déroulées. La critique n'est pas permise en haut lieu surtout lorsqu'elle est mentionnée dans les rapports paraphés.

Face À l'inconnu

Revenons à notre malheureux élève de Terminales. Une fois qu'il a déniché un petit coin pour s'inscrire, c'est là qu'il va affronter les difficultés au lieu de la partie de plaisir annoncée à grands coups de pubs en début d'année.

 Vous allez sur le site en cliquant sur la page désignée sans avoir omis de lire le guide d'inscription, vous débouchez difficilement sur la première page. Il vous est alors demandé la Wilaya de résidence, ensuite votre type de candidatures. Par la suite, c'est au tour du nom d'utilisateur à définir. Vous distingueriez le fossé qui sépare le prospectus de l'ONEC distribué au lycée et celui de la même institution en ligne sur le Net. Sur la toile, on vous dit que le nom de l'utilisation (Username) doit être compris entre 1 à 20 caractères, dans le guide en papier c'est entre 10 à 20 !

 C'est presque le même constat pour le mot de passe mais en ligne c'est limité entre 1 et 10 caractères ! Les majuscules ne sont pas tolérées, ce qui restreint strictement le choix. Les caractères qui suivent après le 10ième ne sont pas pris, non plus, en considération.

 Celui qui suit machinalement les recommandations du guide mis à sa disposition au lycée est entièrement désorienté. Vous continuez à taper sans que le curseur n'avance d'un iota. Vous ne savez pas alors si votre Password est de 10 caractères ou supérieur à ce nombre ! Attention si le 10ième caractère est un zéro, le logiciel vous indiquera l'existence d'une erreur. Il faut la deviner cette erreur. Une énigme de plus de ce logiciel plein d'amateurisme. Le jeu des 7 erreurs est dans tous ces états. Pourtant la programmation en informatique ne se base que sur la logique.

 Pour passer d'un champ à un autre, vous êtes obligés de n'utiliser que la touche de tabulation. Apparemment, on continue à travailler sous l'environnement de l'ancien système DOS alors que depuis 1995, ce sont les déplacements à l'aide de la souris qui sont les souvent utilisés dans les logiciels sous le désormais célébrissime système Windows. Les petits Sharwares gratuits que vous trouvez sur le Web sont agréablement mieux lotis en outils.

 Une fois que vos données sont acceptées après plusieurs tâtonnements, d'énormes hésitations et de dizaines de vérifications. A force de les changer à plusieurs reprises, vous oubliez de noter vos données d'accès quelques parts. En essayant de revenir à la première page et en réinscrivant les mêmes mots mais là le programme vous somme de changer de nom d'accès et de mot de passe. Ainsi les choix ont été pris en compte sans que l'on finisse totalement l'opération. Ce sont donc des milliers de noms et de mots de passe qui sont gaspillés à chaque inscription et qui pourraient s'avérer d'utiles termes à retenir par le candidat. Avant de commencer, il faut donc s'armer d'une batterie de mots mnémotechniques à ne pas s'épuiser. C'est une véritable galère pour moi qui utilise un ordinateur depuis son avènement. Que dire de ceux qui ne s'étaient jamais assis devant un PC ?

M'hamed ou Mhamed ?

Vous défilez la page vers le bas pour inscrire les données en lettres latines. Au bout d'un instant, on s'aperçoit que les accents, les tirets du 6 et du 8 ne sont pas pris en compte. On voit bien que c'est la version anglaise qui est adoptée par les auteurs. Sidi Bel Abbès et Médéa vont donc s'écrire respectivement Sidi Bel Abbes et Médéa.

 Si vous vous appelez par exemple M'hamed, il va s'enregistrer impérativement Mhamed. Pourtant le but recherché à travers l'inscription par le Net est la transcription exacte de votre filiation. Quant à l'adresse, elle doit s'écrire d'un seul trait. Si elle dépasse les 60 caractères, vous vous trouvez en train d'écrire dans le vide ! Il faut coûte que coûte songer à l'abréger. La ville de votre résidence n'y est pas demandée, il n'y que celle de la daïra qui figure. Nos facteurs risquent de retrouver dans de sales draps si jamais ils distribuent le courrier.

 Enfin ! Vous poussez un grand Ouf de soulagement lorsque vous atteignez péniblement la seconde page. Attention, il faut disposer d'un clavier en lettres arabes qu'il va falloir l'installer si vous n'en disposez pas dans votre ordi. D'autre part, votre enfant est complètement tourmenté depuis que les starting-blocks ont lâché les impétrants dans la nature. Plus d'une semaine d'attente et c'est le doute qui commence à s'installer dans les esprits pour cette nouvelle histoire qui n'a pas encore fini de nous délivrer toutes ses angoisses.

Ah ! le terrible message

Après avoir terminé à remplir les données, vous vous frottez déjà les mains en jubilant que vous pensez être décidément libérés. A la fin de l'opération, on vous demande d'imprimer vos données mais là une surprise de taille vous guette au final après avoir installé minutieusement votre imprimante. Un message fatidique vous annonce que vous allez recevoir bientôt un fichier pdf, me semble-t-il par mail, mais cela prendrait du temps pour le traitement du dossier. C'est justement cette phrase cruciale qui vous induirait en erreur. Il fallait terminer l'opération après le « OK » ! Mais vous aboutissez à une page blanche vous annonçant la fatale erreur de l'interruption. Vous être dans un état second. Allez me sonder comment vais-je faire confiance à ce message sans que je ne reçois une quelconque notification sur l'adresse électronique que l'on vient d'enregistrer Online ? La bureaucratie règne en disciple des NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication) dans le pays !

 Après avoir épuisé un temps fou d'une dizaine de jours, toujours pas la moindre trace de cet illustre fichier attendu tel que le messie. Vous vous posez la question, s'agit-il des Nouvelles Technologies dont on parle sous tous les cieux ou doit-on inventer un propre qualificatif pour nommer cette nouvelle bureaucratie qui vient de naître chez nous ? Ne possède-t-on pas le matériel requis pour traiter en une fraction de secondes ces informations et les renvoyer en autant de temps aux intéressés. Tout le monde s'est peut-être un jour inscrit sur un banal site Internet où l'envoi de la notification arrive sur votre boîte électronique presque instantanément au moment où vous appuyez sur le bouton « envoi ».

 Votre progéniture commence à s'inquiéter et vous subira une seconde brusque pression qui n'en finit pas de vous ébranler. Mais papa ! il y a des candidats qui ont réussi à imprimer leur fiche d'inscription sans avoir donné leur adresse électronique. Résigné et abattu, je refais l'opération avec un autre nom d'utilisateur et un nouveau mot de passe sans transmettre un quelconque email. Encore une autre tromperie vous sera servie. Le logiciel vous renouvelle la même chose en vous signalant que le fichier vous sera adressé incessamment. Mais quand et où ? Me disais-je. Ce logiciel possède plus d'un tour de bugs dans son disque dur. La panique commence à vous envahir de la tête jusqu'à vos orteils. A chaque caractère tapé sur le clavier, vous tremblez par la crainte de commettre le moindre imprévu amenant la page à disparaître à jamais vers l'inconnu.

 Ce genre de programmes est devenu un jeu d'enfants dans les pays développés. Une page web non actualisée, c'est toute l'image et la crédibilité d'une institution qui en coûterait de sacrés points en bourse ou dans les sondages d'opinion. Ailleurs, on manipule les finances par Internet, de la simple facture de téléphone à celle de l'achat d'une voiture, d'une maison, d'un billet de train ou d'un simple gadget expédié de la lointaine chine si ce ne sont pas des transactions d'états à états. L'informatique est un outil très important pour le livrer aux mains de personnes qui ne connaissent la rigueur et le raisonnement mathématique que de noms.

 On se demande pourquoi l'ONEC n'a pas confié ce travail d'une importance cruciale à des informaticiens chevronnés. Notre pays en dispose énormément de diplômés marginalisés qui roulent les pouces à chaque coin de rues. Rappelons que ce programme est destiné à des élèves qui n'ont jamais fait d'exercices pratiques en informatique à l'école mais manifestement en virtuel ! Nos élèves ne devraient pas être un perpétuel champ d'expérimentation. Fallait-il recourir une fois de plus à des cours particuliers obligatoires pour se mettre à jour ?

SÉSAME ! Ouvre-toi ?

Et dire que ce site appartient à un organisme officiel qui va gérer la candidature d'un chiffre avoisinant les 450000 candidats. Au fait, il se trouve que le ministère de l'éducation nationale qui gère le plus gros budget de l'état Algérien ne possède pas son site officiel à moins qu'il n'est pas référencié à l'inverse d'un petit CEM perdu dans une ville moyenne dispose d'un site par la volonté de quelques enseignants sans être pour cela rémunérés pour cette tâche bénévole.

 On croise donc les bras en attendant de recevoir ce fameux fichier pdf par mail ou par les voies aériennes. Au lieu de faire une seule inscription, on se rend compte qu'on a répété la même chose au moins plus d'une dizaine de fois. L'ONEC va se retrouver avec des centaines de milliers d'inscription supplémentaires sur les bras à cause de l'affolement des candidats au lieu du nombre prescrit au départ si le programme avait bien fonctionné. Une opération facile qui devient laborieuse par cet effet de boule de neige inconsciemment provoqué.

 Après plusieurs tentatives infructueuses dans la caverne d'Ali Baba, j'ai enfin trouvé sésame qui s'est ouvert superbement devant moi en de petites vidéos offertes par des internautes sur Youtube et qui vous présentent comment s'inscrire par l'image (http://www.youtube.com/watch?v=qAN6wxDwQeg&feature =related) de la manière la plus simple possible. Même le ministère n'y avait nullement pensé. Une vidéo qui valait la peine de la consulter pas plus que les milles blabla, provoquant en vous les frayeurs les plus terribles. Mais il fallait se lever tôt, de bonheur pour finalement en terminer avec un calvaire qui vous avez traîné durant plusieurs jours. Tandis que ceux qui ne disposent pas d'Internet chez soi, ils doivent encore subir les affres de la cohue dans les cybers et attendre que monsieur sésame daigne s'ouvrir devant eux. Que devions-nous faire devant ce nième dilemme ? Sans doute se résigner une fois de plus à attendre de jours meilleurs et d'oublier pour ne pas souffrir davantage devant tant de nullités.