Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Sale été pour Nicolas Sarkozy (suite et fin) : bientôt la rentrée !

par Pierre Morville

L’été a été dominé par les nuisibles polémiques sur la sécurité. La rentrée sera rudement marquée par la crise économico-sociale.

Patatras !! Le sondage du Figaro était trop beau, celui de Marianne fait frémir les ânes! Tout c’était bien déroulé. Après un discours hypra-sécuritaire, le Président de la République prenait quelques jours de vacances sur la Côte d’azur, dans la villa cossue de sa belle-famille italienne. Il partait sans nul doute avec l’assurance d’un «bon coup», après le claironnement de mesures imprécises, à l’efficacité douteuse, au caractère constitutionnel fragile, immorales à l’évidence mais qui permettaient d’occuper l’été des Français sur la sacro-sainte grande trouille de la «délinquance».

Un opportun sondage de Figaro venait quelques jours après saluer avec trompette la «symbiose» de la pensée présidentielle et des angoisses de mes concitoyens qui soutenaient à 80/90% les mesures iniques. Le coup était beau, renvoyant la gauche à ses éternelles pleurnicheries et le verbe présidentiel pouvait ramener dans le pré-carré sarkozien des électeurs ulcérés, à nouveau tentés par le Front national.

«La tâ-â-actique du-gendarme»

Patatras !! L’hebdomadaire Marianne, sans doute comme beaucoup, ébranlé par le degré d’adhésion enregistré des Français à un discours bien plus républicain, a eu l’intelligence de faire son propre sondage. Avec des résultats strictement inverses !

Pour l’hebdo de Jean-François Kahn, 69% des sondés estiment inefficace la politique menée en matière de sécurité depuis huit ans (dans tous les domaines : atteintes aux biens (58%), aux personnes (69%), aux violences urbaines 78%), ... à la délinquance financière (72%). Les causes de cette dégradation ? En premier, la montée des inégalités sociales (73% !), viennent ensuite la suppression de la police de proximité et l’incivisme (68%), la réduction du nombre des policiers (66%)... L’immigration n’intervient qu’au 5ème rang avec 47% de réponses contre 49% de concitoyens qui ne voient pas de liens entre l’un et l’autre. 51% des Français contre 46% sont hostiles à la déchéance de la nationalité française pour des Français «récents» coupables de délits. 75% estiment que les récents nationalisés sont des «Français comme les autres». Mieux ou pire, 66% de mes concitoyens sont favorables à la «déchéance de la nationalité» pour les contribuables français fortunés qui s’exilent pour ne pas payer d’impôts ! De tels écarts sur les résultats amènent à s’interroger sur le sérieux des organismes de sondage. La profession (4 ou 5 groupes en France) a fait le dos rond dans une unanimité catégorielle touchante : il n’y a pas de divergences de fond, «les questions étaient formulées différemment, c’est pas étonnant que les réponses le soient aussi !». Admirable éthique professionnelle, rigoureux impératifs scientifiques !

Mais le coup de tonnerre a semé le trouble dans les rangs de l’UMP. Le parti majoritaire s’est brutalement rendu compte que la carte magique sécuritaire ne pouvait peut-être pas marcher à tous les coups. D’autant que de nombreux élus républicains de droite ne se sentent pas nécessairement à l’aise dans les amalgames mêlant immigration et sécurité, mise en cause de la citoyenneté et création de citoyens de «seconde zone», le tout ponctué de coups de menton et tics d’épaule.

Depuis dix jours d’ailleurs, seule la très proche garde sarkoziste rapprochée continue dans la surenchère (le laborieux Hortefeux, ministre de l’Intérieur des «Auvergnats», le calamiteux Estrosi, Besson le félon et consorts). Pour les autres responsables et ministres, c’est plutôt le silence assourdissant ou, au mieux, des déclarations gênées et des rappels lénifiants au besoin de sécurité des Français... La «ta-a-actique du gendarme», chantée naguère par Bourvil et qui vantait une maréchaussée bon-enfant et proche de l’habitant, voit ses ressorts considérablement s’user, surtout avec une police agressive qui voit toute population comme un ennemi potentiel.

Depuis, Nicolas Sarkozy s’est lui-même réfugié dans un silence prudent (pour combien de temps ?), n’intervenant qu’une fois dans et à contre-pied, pour sommer le pauvre Barroso, inénarrable président de la Commission européenne, «d’en faire davantage» pour les populations pakistanaises en proie à la mousson. Ah mais ! on doit parfois être brutal, on n’en a pas moins un coeur !

Mais le discours bien peu républicain du Président de la République continue de semer la consternation. Jusqu’à l’ONU où, il faut bien le dire, une obscure commission, la CERD (Commission pour l’élimination de la discrimination raciale), s’est émue du discours actuellement xénophobe de l’état français. Le Porte-parole de l’UMP, Dominique Paillé, s’en est pris dans l’urgence à certains membres de la commission, mettant en cause la Roumanie et l’Algérie ! Tout en oubliant que les représentants anglais et américains partageaient l’opinion commune des représentants internationaux.

C’est l’un des problèmes de Nicolas Sarkozy, qui fut aussi un peu celui de Giscard, il y a trois décennies : la France reste à l’évidence une grande démocratie mais elle occupe, souvent de son propre fait, parfois en donneuse de leçons, une place à part : au regard de l’étranger comme en son sein, on y tolère moins qu’ailleurs les manquements à la République et aux droits de l’Homme. Après tout, elle se revendique comme en étant la «patrie».

Pour notre président, ce long et pénible épisode souligne surtout les difficultés à mettre en oeuvre une stratégie pour sa réélection, sujet sur lequel il doit s’endormir tous les soirs. Sur l’hypothèse d’un deuxième mandat, l’opinion publique, naturellement incertaine, paraît à ce jour très indécise.

Remaniement en Octobre

Sur le papier, la situation du parti présidentiel n’est pas très bonne. Les Français sont mécontents, toutes catégories comprises. On note ainsi un effritement dans de larges catégories de population, traditionnellement légitimistes et conservatrices, comme les «catholiques pratiquants» (cf. enquête du Monde). Après une sur-dramatisation estivale sur les thèmes sécuritaires, ratée car trop brouillonne et bien loin de l’échéance présidentielle, Nicolas Sarkozy dispose néanmoins d’une seconde arme dans les semaines qui viennent : le «remaniement gouvernemental». On change le Premier ministre et on redistribue les cartes dans les postes ministériels. Nicolas l’a annoncé pour octobre.

A la réflexion, curieux terme. «Remaniement» signifie étymologiquement que l’on se «redonne la main». Oui, mais avec qui et pourquoi ?

L’actuel 1er ministre, François Fillon a réussi à mettre en oeuvre, bon an mal an, une ligne gouvernementale qu’il déterminait très peu dans une conjoncture extrêmement volatile. Hyper-modeste par obligation devant l’omnipotence présidentielle, l’actuel Premier ministre a même réussi à s’attirer une commisération un peu miséricordieuse dans l’opinion. Faut-il qu’il parte ? A l’évidence, oui, parce qu’il baisse moins dans les sondages que le président.

Mais le remplacer par qui ? Michelle Alliot-Marie, raide comme la Justice ? Jean-François Coppé, en embuscade ? Alain Juppé, qui ne servira pas un deuxième maître (et qui a hier sévèrement taclé le président sur ses dérives sur l’immigration et la sécurité) ? Un petit jeune qui aura du mal à faire ses preuves en pleine crise sociale et à la veille d’une échéance électorale hard pour la droite ? Une personnalité de la «société civile» ?

Il ne faut pas se gausser : il existe des personnalités peu connues du grand public qui peuvent à tout moment se révéler comme des grands serviteurs de la République. Raymond Barre en fut le meilleur exemple.

Reste de surcroît la question du «pourquoi ?».

Le futur Premier ministre devra en deux ans tout à la fois amoindrir la gauche, rallier les différents partis centristes, éliminer les prétendants «indus» à droite, séduire les électeurs du Front National et rassurer les électeurs UMP qui veulent voter Front National (comme le commentait dans le journal le Monde un élu du Front National: «Sarkozy sert de brise-glace au Front et il n’en est pas conscient»). Rude boulot. Faut trouver le bonhomme. Ou la bonne femme. Capable de surcroît de ne surtout pas faire de l’ombre au Grand Homme.

Deux autres solutions, on n’ose pas dire subterfuges, existent. Avec leur sérieuse part de risques : la dissolution inopinée de l’Assemblée nationale avec un résultat très ouvert : coup de fouet salvateur ou cohabitation forcée à quelques mois de l’élection présidentielle. Un référendum surprise qui, quel qu’en soit son thème, pourrait prendre soit les formes d’un plébiscite, soit ceux d’un dégagement sans autre forme de procès.

Fort de Brégançon : devoir de vacances

Caramba ! Le coup a raté ! Plutôt que se dédire sur la sécurité, le bon Nicolas attaque sur un autre sujet de «préoccupation des Français». Demain, vendredi, au Fort de Brégançon, une autre de ses retraites estivales de la Côte d’azur, il convoque Fillon, Christine Lagarde, ministre de l’économie, et d’autres responsables pour préparer la rentrée économico-sociale, avec notamment le «dossier des retraites». Tout le monde va bosser dur. Sauf Eric Woerth, chargé du dossier des retraites mais qui n’est pas convoqué. Un oubli, sans doute.

Au menu de cette réunion de travail, l’agence de notation Moddy’s Investors Service. Sacré Moody’s 8, l’une des trois agences de notation internationales. Les trois n’ont pas vu venir la crise. Mais elles notent et elles sanctionnent toujours de façon totalement impavide. Et si on les notait ? Moody’s ? Triple «Z» comme «zozo». Et si on les sanctionnait ? Ecartons le pal. Quoique...

Selon cette agence, la France, ainsi que les Etats-Unis, l’Allemagne et la Grande-Bretagne devraient perdre leur note maximale «AAA», en raison de leurs difficultés budgétaires, notamment du fait du vieillissement de leurs populations. Pour Nicolas, la question est plus courte : comment faire passer la pilule de la rude réforme des retraites alors que les indicateurs de croissance sont désespérément faibles (malgré un 0,6% de croissance au 2ème trimestre contre 2% en Allemagne) et ce sur le long terme ?

Notre bon président aimerait surtout se refaire une audience internationale en prenant en novembre la présidence du G8 et du G 20. Mais pour leur annoncer quoi. Tout le monde est dans le brouillard.

C’est vrai que l’économie, c’est compliqué. Tellement que les «grands économistes», pour expliquer au petit peuple ce qui va leur arriver (et qu’en général, ils n’avaient aucunement prévu), utilisent abondamment des figures simples et pédagogiques pour décrire aux simplets le monde tel qu’il vient :

- crise en V : la crise économique tombe, on tombe aussi, et puis on se redresse rapidement

- crise en U : la même chose, mais en plus long

- crise en L : on tombe très bas et on reste au même niveau, très longtemps

- crise en W : on tombe, on remonte un peu et on retombe encore plus dur...

N’étant pas «grand économiste», on se gardera bien d’opter pour une des hypothèses de sortie sur la crise en cours. D’autant que peu ont exploré la crise en modèle «E» (on remonte, mais pas tout le monde au même niveau), «K» (ça remonte mais y’en a qui descendent) ou «O» (on tourne en rond durablement)...

Afghanistan : «Dis, Nicolas, on s’en va quand ?»

Le site internet Wikileaks a rend publics près de 90 000 rapports secrets sur la guerre en Afghanistan. Beaucoup de révélations, notamment sur la dureté du conflit ou le rôle un peu trouble du Pakistan, mais l’ensemble ne fait que confirmer ce qui était déjà connu : après neuf ans de combats, les Etats-Unis sont en train de perdre et se préparent au départ. La participation de troupes françaises n’a pas été très populaire en France même. Peu associé à la gestion du conflit, le contingent engagé joue plutôt les supplétifs. Quand est-ce que les troupes françaises vont faire leurs bagages ?