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Pourquoi Israël devient fou ?

par Pierre Morville

La violence est consubstantielle au colonialisme. Israël, société post ou para-coloniale, tombe, après l'attaque violente d'une flottille humanitaire, dans les mêmes excès, au risque d'un isolement diplomatique quasi total.

Dès lundi, les condamnations se sont multipliées : réunion d'urgence du Conseil de Sécurité, déclarations sévères de l'Union européenne, de l'Organisation des états africains (OUA), de la Ligue arabe, du «Quartet», Convocations impératives d'ambassadeurs d'Israël dans une vingtaine de pays, pourtant le plus souvent peu critiques vis-vis de Tel-Aviv, importantes manifestations partout dans le monde? Présentés longtemps comme de grands experts d'une excellente communication/propagande internationale, les Israéliens ont visiblement largement sous-estimés les conséquences de leur violente agression de lundi dernier.

 Reprenons les faits : l'attaque d'une flottille de six navires turcs, organisés pour une mission humanitaire, entraînant la mort d'une dizaine de personnes et des dizaines de blessés, notamment sur le bateau turc Marmara, dans les eaux internationales, relève, dans le Droit maritime internationale, ou d'une opération de guerre (contre qui ?) ou d'un pur délit de piraterie. Justifier cette opération au nom d'un soi-disant «blocus» décidé unilatéralement par Israël contre la Bande de Gaza et de sa zone de souveraineté maritime, relève de la même irresponsabilité criminelle. Arguer la présence de militants humanitaires «armés de matraques ou d'armes blanches» pour les dégommer à l'arme lourde, montre qu'à l'évidence l'actuel gouvernement israélien a définitivement perdu tout sens de la réalité, après avoir abandonné depuis longtemps tout sentiment d'humanité.

Comment en sont-ils arrivés là ?

Exodus contre Marmara Parlons «bateaux» et rappelons l'un des mythes fondateurs du jeune état d'Israël : Exodus. Rappel Wikipedia : Exodus est le nom latin et anglais de l'Exode biblique.

 En histoire, Exodus est le nom d'un bateau ayant appareillé de Sète en 1947 à destination de la Palestine avec 4 500 survivants de la Shoah. Le bateau affrété par l'organisation sioniste Haganah est refoulé de Palestine alors sous protectorat anglais en juillet. De nombreux passagers entament une grève de la faim. La dureté de la répression anglaise aura une grande influence sur la future reconnaissance de l'État d'Israël.

 Rappelons que l'Exode, dans la tradition biblique, est la célébration du retour au pays des Hébreux maintenus en esclavage, sous la conduite de Moïse.

 Dans un pays qui vit d'histoire réelle ou construite, l'attaque des six bateaux humanitaires turcs, portant l'affichage «Gaza Free», effectuée en pleine violation du droit international, est lourd de symboles négatifs pour les Israéliens eux-mêmes.

 Mavi Marmara, nom du principal navire turc qui vécut les affrontements les plus lourds, signifie «marbre veiné de bleu». L'accord ancien et de marbre entre la Turquie et Israël semble définitivement effrité.

 Marmara/Exodus : on est loin de l'image hyper rabâchée à l'infini du «petit pays démocratique entouré d'ennemis arabes sanguinaires», et qui se débat pour survivre.

 Arafat, le premier a reconnu devant l'Assemblée générale de l'ONU, l'existence pérenne d'Israël. Dans les frontières de 1967, position confirmée par de nombreuses résolutions de l'ONU. Cela n'a jamais empêché Tel-Aviv de maintenir un diktat de type colonial sur les Territoires occupés, d'agresser régulièrement le Liban dès que ce pays commence à se reconstruire, d'affamer la Bande de Gaza (vaste prison en plein désert contenant 1,5 millions d'habitants) après l'avoir écrasé sous les bombes avec la célèbre opération «Plomb durci» menée par l'armée israélienne. A plus court terme, le Hamas sortira renforcé de ce fiasco.

Qu'est-ce qui est passé dans la tête des dirigeants israéliens en ordonnant une opération contre une flotte humanitaire, faisant une dizaine de morts et des dizaines de blessés, alors que des journalistes de télés et des parlementaires européens étaient embarqués? Pourquoi une telle prise de risque alors que l'image internationale d'Israël est déjà sérieusement ternie et son isolement diplomatique quasi-total ? Benjamin Netanyahou présent lundi au Canada devait rencontrer le lendemain le Président des Etats-Unis, seul grand allié solide. Il aurait annulé précipitamment le rendez-vous pour rejoindre au plus vite Tel-Aviv. Gageons que Barak Ozama a du diplomatiquement lui signifier que la rencontre était manifestement inopportune. Et c'est le Président des Etats-Unis qui a obtenu la libération immédiate des 700 «otages».  

Une omnipotence de type infantile

L'attitude pour le moins contre-productive pour ses propres thèses de l'état israélien, ne peut s'expliquer que par un aveuglement et une haine liés au mieux par une crainte de la disparition de sa propre nation, au pire par un fantasme de toute-puissance de type infantile, sous des critères purement psychopédagogiques, voire psychiatriques dans ses sphères gouvernementales : «j'ai raison parce que j'ai tous les droits ; et tous ceux qui me contrarient sont des méchants».

 Le gouvernement actuel, alliance composite dirigée par une extrême droite hyper nationaliste et raciste, consolidé par des partis religieux extrémistes et soutenu par un Parti travailliste à la dérive, va naturellement jouer l'appel à l'union nationale. Bien évidemment, Benjamin Netanyahou jouera cette carte. La donne est sans lendemain.

 Israël doit s'interroger sur bon nombre de ses positions actuelles :

- Il doit reconnaître au plus vite l'Etat palestinien

- L'Etat hébreu doit arrêter son occupation coloniale et l'implantation ininterrompues de nouvelles «colonies» illégales dans les territoires occupés et à Jérusalem-Est; Il doit arrêter immédiatement son blocus scandaleux sur la Bande de Gaza et laisser circuler sans contraintes les convois humanitaires apportant les ressources de 1ère nécessité et les produits sanitaires nécessaires.

- Israël doit reconnaître les 1,3 millions d'Arabes israéliens comme pleinement des citoyens égaux en droits en en devoirs au sein de l'Etat (religieux ?) d'Israël. Les Arabes israéliens ont appelé mardi à une journée de grève générale.

- Tel-Aviv doit accepter une négociation régionale, intégrant ses proches voisins (Palestine, Syrie, Jordanie, Egypte) sous l'autorité de l'ONU, avec en claire contrepartie : la reconnaissance pérenne absolue de l''état hébreu et l'abandon de l'hypothétique «droit au retour».

- Le gouvernement Netanyahou devrait cesser de jouer les boutes-feux au Proche et Moyen-Orient. Cette opération «anti-flottille» doit être remise dans son contexte : Israël a fort mal réagi à l'accord Brésil-Turquie-Iran» qui rend difficile une intervention aérienne de l'état hébreu. Israël se sent également coincé par les pressions américaines pour une limitation des armes nucléaires au Moyen-Orient, alors qu'un rapport récent affirme que Tel-Aviv avait proposé son aide technique afin que l'Afrique du Sud de l'apartheid accède à l'arme suprême.

- Le peuple israélien semble obnubilé par la démographie palestinienne. Seule réponse : contrôler au mieux cette «masse grouillante» en l'enfermant dans des petites et des grandes prisons, Gaza étant certainement la plus grande surface d'enfermement de la planète. On n'ose pas dire «Ghetto» ?

En appeler à la conscience universelle

Pour le reste, la presse israélienne parue mardi portait certainement les jugements parmi les plus sévères. «Fiasco» politique, diplomatique et militaire est le terme qui revient le plus fréquemment.

 La population israélienne, une fois le reflexe immédiat de faire front avec son gouvernement, saura-t-elle tirer des leçons de sagesse ? «Nous sommes en train de devenir les pestiférés du monde entier avec cette opération», a déploré le plus célèbre intellectuel israélien, Amos Oz. «Ce n'est pas seulement une question d'image, c'est un désastre moral pour Israël. Ce blocus qui a été imposé à Gaza après l'enlèvement de Gilad Shalit (soldat franco-israélien capturé par le Hamas en 2006) n'a absolument servi à rien», a jugé l'écrivain de gauche.

 Ces questions interrogeront également l'ensemble de juifs qui par solidarité compréhensible matinée d'une culpabilité de rester «bien au chaud», sont souvent plus «pro-israéliens que les Israéliens». Une bonne nouvelle a été création d'un lobby juif pro-paix aux Etats-Unis ? le JStreet. Celui-ci a débouché sur une grande pétition européenne (le «Jcall») appelant le gouvernement israélien à plus de raison. Il convient de saluer avec Pascal Boniface, patron d'un institut de géopolitique, l'IRIS, «l'appel à la raison» publié par un grand nombre de personnalités juives européennes sur la situation au Proche Orient. «Contrairement aux apparences, ce n'est pas un texte communautaire mais universaliste. Sa philosophie, son argumentation pourraient être reprise très largement par des gens de toutes confessions et origines. L'intérêt de ne le faire signer que par des personnalités juives est de paradoxalement montrer que le conflit et son appréciation sont politiques et non religieux ou ethniques. Que l'appartenance identitaire n'implique pas automatiquement un jugement sur ce conflit».

Episode 2 : les déments sont partout

Dans la même séquence de temps, des évènements aussi graves se sont déroulés, à peine relevé par nos médias. Au moins 80 personnes ont été tuées vendredi dernier à Lahore, dans l'est du Pakistan, dans les attaques simultanées par des islamistes radicaux lourdement armés, de deux mosquées d'une secte très minoritaire de l'islam, les ahmadis. Les ahmadis, aussi appelés qadianis, sont présents notamment à Lahore, berceau de cette obédience qui prône un islam moderniste et libéral et oeuvre dans l'aide aux défavorisés.

 Pire, L'hôpital en charge de soigner les victimes des attaques de vendredi à Lahore a été la cible d'un assaut meurtrier ce lundi. Dans la soirée des hommes armés, déguisés en policer, ont tiré des rafales sur l'établissement tuant au moins quatre personnes, une femme et trois policiers. «La communauté musulmane ahmadiyya compte à ce jour 20 millions de membres selon les chiffres officiels du mouvement, basés sur un recensement général de ses adhérents. Elle est présente dans plus de 190 pays. Le mouvement s'est fait le champion de l'humanitaire, surtout en Afrique, en construisant des hôpitaux, cliniques et dispensaires gratuits, mais aussi des écoles et des centres de formation ouverts à tous et gratuits.» (Wikipedia)

Episode 3 : la folie des marchés empire

L'euro hier était à une parité de 1,22 dollar US. On a appris qu'il y a quelques semaines, la réunion d'une trentaine de banquiers internationaux, avait estimé dans sa grande sagesse que le bon équilibre des marchés serait plutôt à une parité 1 euro = 1dollar. D'où la spéculation actuelle et les rigoureux programmes de rigueur que se préparent à subir les populations européennes. La baisse de la parité dollar/Euro n'a pas que de mauvaises conséquences. Mais les Européens divisés et sans imagination défendent des objectifs contradictoires, un euro fort, d'où la, réduction des déficits et le soutien de la croissance que seuls une sous-évaluation de l'euro (comme le sont le dollar et yuan chinois) ou de nouveaux déficits peuvent permettre. L'Union européenne crée donc toutes les conditions d'une possible «stagflation» : effondrement de la croissance, emballement des prix, misère générale.

 Allez ! deux petites nouvelles et un conseil pour les boursicoteurs. Dans les deux dernières années, il a été émis davantage de dollars que dans toute l'existence du billet vert. Ah ! Délices de la planche à billet.

 Seconde information : alors que l'Or et l'Argent (cela valait bien deux majuscules !) s'échangent massivement, leurs cours, bien qu'à la hausse, restent étrangement stables, sous la pression des banques anglo-saxonnes et chinoises notamment (par rachats massifs des stocks).

 Si vous avez un peu de pognon, achetez ! C'est le moment !

 Humour ! Les petits spéculateurs sont toujours là pour se faire essorer par les gros.

Quoique?