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Le «mardredi» et le «mercranche» ou le couic-end universel ?

par Aissa Hireche

Nous étions bien dans notre innocence dans ce que nous avions alors comme fin de semaine, c'est-à-dire le samedi après midi et la journée du dimanche. Nous travaillions les cinq jours et demi et à partir de samedi à midi, c'était le repos hebdomadaire. Tout était clair, simple et facile pour de gens comme nous qui venions à peine de sortir d'une longue période coloniale et qui, plus est, comptions un taux important d'analphabètes. Les lycéens et écoliers avaient en plus, pour leur part, le jeudi après midi histoire de se dégourdir les méninges. Et ceux qui étaient au travail ne pouvaient pas accomplir la prière du vendredi en son temps. Selon la culture d'alors cela n'offusquait personne. Ni ceux directement concernés ni ceux qui n'avaient aucun rapport avec la chose.

 En haut lieu, cependant, on décida de changer les jours de repos hebdomadaire. Jeudi à la place de samedi et vendredi à la place de dimanche, et voilà notre fin de semaine revue et corrigée. Au début ce fut un peu compliqué mais, les jours passant, les choses redevenaient tout aussi normales qu'elles le furent. Cinq jours et demi de travail et dès que jeudi midi est là, c'est le repos de fin de semaine. Les lycéens et écoliers avaient, pour leur part cette fois, le lundi après midi pour se décrasser la cervelle et, en prime, la possibilité pour ceux qui prient d'aller à la mosquée accomplir la prière du vendredi. Selon la culture d'alors, rien n'offusquait personne. Ni le repos du jeudi et vendredi, ni la prière dans la mosquée, ni le lundi après midi pour les lycées et collèges. Tout était parfait pour tous. Certains, on pourrait savoir pourquoi, se sont soudain sentis victimes d'un mal de vendredi terrible. Dès qu'ils entendent parler de vendredi, ils se mettent à se plaindre de nausée, de mal de tête, de vertiges et on en passe... D'autres, on peut aussi savoir pourquoi, se sont mis à éprouver d'un coup des sensations d'étouffement quant au jeudi après midi.

 Rien qu'en se rappelant que le week-end commence le jeudi à midi, ils voient pousser sur leur peau si sensible à ce jour, de gros boutons et éprouvent une grande sensation de démangeaison. Ils se mirent à demander que le week-end soit changé, surtout que maintenant, disent-ils, nous n'avons pas autant d'analphabètes qu'avant et cela fait longtemps que nous ne sommes plus colonisées !!!.

 D'autres coururent à l'appel. Avec nos deux jours d'arrêt de travail et le week-end des gens normaux, soutiennent-ils, cela fait quatre jours d'inactivité par semaine. Drôle de calcul, il faut en convenir car s'il était question de quatre jours cela aurait concerné aussi nos partenaires mais, à priori ils n'en furent point affectés, pas plus que nous en tout cas.

 Cédant à la pression ou bien voulant donner l'impression de céder quelque chose, ceux d'en haut décidèrent de changer le week-end. La décision fut prise et l'application ne tarda pas sauf que personne ne sut ce qu'il faut appliquer.

 Ni ceux qui se cachant derrière un islam dont ils ne saisissent que peu de choses, ni ceux accrochés ç une fausse conception de la modernité ne surent ce qu'il y lieu de faire. D'aucuns optent pour jeudi après midi et vendredi, c'est-à-dire pour aucun changement. D'autres optèrent pour jeudi après midi et vendredi, c'est-à-dire un changement fictif. D'autres préfèrent parler de vendredi après midi et samedi tout en signifiant leur mécontentement parce qu'ils continuent à être soulevés par leur mal de vendredi et ne savent pas quoi faire pour s'en débarrasser. D'autres rêvent de samedi et dimanche pour mieux ressembler aux autres, des autres rives.

 Les écoles ne savent plus où donner de la tête. Avoir sept jours dans la semaine et ne pas savoir lequel choisir pour se reposer, cela nous est vraiment typique. Avoir une prière à effectuer vendredi à la mosquée et se demander quand la faire, c'est aussi bien de chez nous. Même les écoles ne savent plus comment faire. Il paraît que pour résoudre ce problème le ministère de l'éducation nationale aurait donné feu vert aux établissements pour se débrouiller. Qu'un établissement prenne son week-end le jeudi et vendredi, ce sera bien vu, qu'un autre le prenne le vendredi et samedi, cela aussi sera bien vu, qu'un troisième le prenne le dimanche et le mercredi, ou le «mardredi» et le «mercranche», ce sera tout aussi bien, pourvu que cesse, semble dire le ministère de l'éducation nationale, ce couic-end !