Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le son du clocher, la voix du minaret

par El Yazid Dib

L'Islam a de tout temps constitué les mailles de fond de débats de plateaux, de chaires et de laboratoires. C'est entre convergence et conflit, Occident et Orient, que l'on parle plus de choc que de civilisation.

Le monde pond des règles au profit de ceux qui le font. Il s'agrandit ou s'amoindrit à la mesure de ceux qui le voudraient ainsi ou autrement. En somme, il est comme une religion quelconque ; sans attention à ses débuts ; embarrassante à son expansion. Doctrine ou inspiration dite céleste ; elle s'écarte comme une carte bi-polaire de la tolérance vertueuse à la terreur tumultueuse. Le coeur en parle. La rue ça se discute.

 Les écrans en crèvent les tubes cathodiques et ça n'a rien de catholique. «Les dérives de l'Islam» était un titre générique pour une émission télévisée diffusée par M6. «Zone interdite » a daigné prendre de la sorte à l'assaut la zone qu'elle voulait, à l'adresse de l'audimat rendre vraiment interdite. Obscurcir la Lumière de l'Islam. Jeter l'opprobre sur une religion qui paraissait être méconnue par le plateau y présent. De surcroît où assistait une figure nationale non résidente et emblématique, présentée comme docteur en théologie et qui donnait l'apparence d'être au service pas de l'Islam, mais des services d'outre mer. Apprendre le Coran dans un certain lieu, était à travers cette émission pour ce qui est du lieu ; qualifié « d'école de la haine ». Ne sommes-nous pas en présence, parlant de dérives, de grandes dérives de l'Occident ? L'Islam est le canevas de fond pour tous les menus. La confrontation d'idées s'assimile au débat contradictoire et l'avis inverse s'oppose à l'avis tout court.

 Lorsque des propos confus viennent sciemment se fondre dans une terminologie déjà controversée, il n'en reste que des opportunités accueillantes pour toutes les dérives possibles et imaginables. Lancer de l'invective, sous couvert d'un besoin médiatique n'est pas de nature, en toute circonstances, à favoriser l'atteinte réussie de l'objectif escompté. On y tombe justement dans une réaction antithétique, hostile et intransigeante. Le conflit de civilisations, ou le choc civilisationnel si tel était le cas, ne devrait aboutir à l'anéantissement du peu de pudeur que lui confère l'esprit civilisateur. Sans cette retenue minimale, tout sens et toute dimension rattachée à une quelconque progression sociale, ne sauraient être éligibles à arborer haut et fort un qualificatif ou un nom de civilisation. Partant, la civilisation se puise d'une connaissance, grandit dans une culture et s'épanouit et progresse dans la vertu, l'éthique et la moralité. Elle ne peut donc, par définition liminaire que s'entrouvrir ou mourir. Les civilisations viennent au monde comme est venue la pénicilline aux maux de ce monde. Sans religion, sans faciès, sans ethnographie, elles comblent par des bienfaits des uns les tares et les lacunes des autres. Elles se complètent, s'imbriquent, et cohabitent. Quel est le récipient facteur et porteur de civilisation ?

 La science et la technologie sont-elles engendrées par l'élan civilisationnel ou bien au contraire, ce sont elles-mêmes qui l'engendrent ? Dans tout ce dilemme, quel est cet apport qu'une civilisation puisse amener aux différentes religions, ou consent-on à dire que c'est la religion qui pond la civilisation ?

 En somme, ni le meurtre ni la famine ne sont des termes dans l'encyclopédie des grandes civilisations qui ont pu, depuis la création, façonner l'humanité. Le terrorisme, comme le meurtre ou le mépris, est irréligieux. Nul besoin n'y est pour clamer des évidences communes aux communs des mortels. Le vol ou l'adultère n'ont pas attendu une religion élitiste ou la parution du premier code pénal, pour qu'ils soient honnis et récusés par la conscience sociale et interdits et défendus par la volonté législative de l'homme. La religion certes n'est pas un tout mais elle est dans ce tout. La loi n'est non plus le tout. Il existe bien un code répressif condamnant l'inceste et l'escroquerie dans des pays sans religions ou qui se proclamaient d'un athéisme affiché. La morale n'a pas pour demeurer vive et inextinguible, besoin d'une charte ou d'un pacte. Elle est là, invisible et épiant, comme un vigile silencieux qui ne s'autocensure que par le repentir et le soupir.          Les règles sur lesquelles se fonde la morale, remords et regrets, vont fondre par conséquent les actes répréhensibles et récusables plus que ne le fait l'homme dans ses tentatives de contractualiser les préceptes moraux. Osons le dire ! L'Islam n'est pas une tête enturbannée ni un visage barbu d'un être dont les mollets restent dénudés par un tissu de houppelande et tenant ostensiblement une mitraillette en s'affairant à un va-et-vient buccal à l'aide d'un bâtonnet tenant lieu de brosse à dents et ce, en dehors de circonstances de dîner ou de déjeuner.      Il est des bras ouverts, des yeux larmoyants et un coeur immense, comme l'est l'espace planétaire. Il n'est pas non plus un aviateur formé pour casser des tours, ni un égorgeur d'enfants innocents nés dans les plus hauts monts d'un douar et dont la maman résiste vainement à ses coups de viol et d'éventrement. Il est une culture de bien-être, de savoir et d'amour. Le Bon Dieu à tous en aucun cas n'avait affirmé que commettre des faux barrages ou faire exploser un cadavre fût un acte de bienfaisance ordonné ou une intercession rapprochant de sa bénédiction.

 Comparaître l'Occident à l'Islam est une friction de l'esprit et une vision réductrice du savoir que pourrait contenir cette religion. Car pourquoi se limite-t-on à placer en deux point divergents et dans un antagonisme Islam et Occident ? Pourquoi pas Orient et Occident ? Ou simplement Islam et christianisme ou autre religion ? D'ailleurs, la polémique dans ce registre était et l'est toujours fugace, pénétrante hostile par endroit et placidement tolérante. Opposer le verbe coranique à des usages canoniques, viendrait à penser que l'on ignore l'un ou les autres sinon l'ensemble à la fois. A ce niveau de pensée, certains thèmes récurrents marquent par leurs échos et leurs porte-échos, que ces derniers ne connaissent pas de frontières et libèrent leur libido spirituelle pour en prêcher, causer ou sermonner au nom de telle religion ou de telle civilisation des immondices et des contre-réalités. Ils n'obéissent de ce fait qu'à une passion aveugle, sectaire et inhumaine. Les califes de droiture, de bonne gouvernance ne disaient-ils pas, à juste titre d'ailleurs, que « la passion est un autre dieu qu'on adore » ?

 Il est à constater d'une façon peu désabusée que la laïcité tant prônée par les pays qui en font un principe cardinal et constitutionnel n'est dans la pratique qu'un mirage propre à tout discours politique. Sinon, comment admettre le retentissement assourdissant des cloches au moment où l'on récuse l'appel, l'adhan islamique à partir des quelques mosquées qui y existent, est-il le propre d'une laïcité quand en face d'un clocher l'on refuse l'élévation d'un minaret ?. Que dire de ces nations aux notions justes de Droit et de droits d'asile qui, savamment, font permettre la vision des croix en confinant dans les caves les salles d'ablutions et le mihrab ? Là, le droit napoléonien est sans ambages en matière de tissu urbanistique et de design architectural. Si le minaret n'a rien d'occidental qu'en est-il de la flèche, des nefs et des clochetons des églises ? Toutes les religions sont censées être égales et mondiales et une religion ne peut valoir mieux qu'une autre. Ainsi, rien ne va plus dans la vision polycultuelle des pays attachés à la liberté de croyance.

 Ainsi, sans vouloir apporter le moindre reproche ou l'énième critique à l'égard du monde occidental, que ce soit dans ses contradictions de la notion des droits de l'Homme, de la liberté du culte, du traitement de la femme ou dans son approche sur les maux mondiaux de misère, de suicide, de drogue ou de sida ; je voudrais insinuer que dans les dérives de ce monde, apparaît au grand jour d'abord les dérives de ses gouvernants. Puis la verve facile et le style de débauche de ceux qui pensent avoir trouvé le sexe des anges. La sentence injuste proférée un jour par le président du Conseil italien avait entraîné moult excuses et réactions défensives. L'auteur lui-même ne savait plus ce qu'il a avancé ; faisant de l'Islam une équipe de football de dernière division en match décisif avec l'AC Milan, l'étoile de l'Occident.

 La France, à l'époque par l'intermédiaire M. Védrine en visite à Alger pays de l'Islam, avait lancé une mise en garde contre tout risque d'amalgame qui pousserait à un affrontement entre Occident et musulmans, tout en affirmant que « la France est claire à ce sujet, nous serons très fermes à travers nos déclarations, nos réactions et notre politique.

 Ce qui caractérise un débat par rapport à un conflit c'est la force de la preuve et non la force à l'épreuve ou l'épreuve de force.    Si l'Occident avec la science et la technique qui ne lui sont par ailleurs, en aucun cas exclusifs car, propriété de l'humanité entière, veut bien entretenir ou continuer le débat du jour déjà entamé en sourdine, depuis l'Hégire chez le roi d'Éthiopie, qu'il le fasse en ayant les coudées franches tout en expurgeant tout sentiment de réprobation, de haine et d'ostracisme. Sommes-nous suite aux attentats de New York à un niveau d'uniformisme rangeant dans le bien ou le mal des individus uniquement à l'aide des critères de races et de religions ?       Décidément, quand l'Amérique range les gens, elle s'arrange et dérange tous les rangs ! Le débat de civilisation ne peut produire qu'un dialogue fructif. Il ne saurait remettre en cause les fondements ni de l'une ni de l'autre, mais contribuerait sans façons à apporter l'éclairage nécessaire dans les zones voulues sombres et permettrait publiquement l'intrusion même dans les « zones interdites ». L'injure est un crachat à la face de la culture. Le respect de l'autre est un signe de grandeur, de générosité et surtout un témoignage clair de la limpidité de la source intarissable auprès de laquelle la personne respectueuse et non injurieuse s'en abreuve et se forge. Notre force n'est pas une puissance dans le débit des insanités ou le murmure des F16 et des B52 ? Notre force n'est pas dans le veto ou l'opposition à rendre un enfant affamé heureux parce qu'il n'a plus faim, ni ne se mesure à la longévité dans l'imposition injuste d'un embargo par-ci et l'autre par-là. Elle n'est pas non plus un degré dans l'échelle de Richter ou une valeur dans le panier du CAC 40. Notre force à nous est dans le futur de l'innocence de nos bambins qui persévéreront à la fréquentation des « écoles de la haine » et dans les lendemains sûrs des trajectoires unitaires que la grâce destinale voudrait bien en faire la jonction grande et finale.

 Toute culture n'est bonne que si le bien l'entoure. La preuve est là, transcrite dans le livre et, hélas, parfois proscrite et contredite par les actes de ceux qui aveuglement le lisent ou le disent. Enfin, « A la Kaâba, un Dieu qui la protège !