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Harga : les mauvais exemples

par Farouk Zahi

Ils sont là, ils se défoncent sans compter. Ils soutiennent vaille que vaille les « Fennecs » dans leur aventure sud-africaine.

Ces jeunes qui ne savent rien, pour la plupart, de Johannesburg encore moins de Cap-Town, sont de tous les rendez-vous nationaux footballistiques. Une chose est pourtant sûre, ils savent que Ziani, Djebour, Saïfi et consorts sont des «Harraga» dans leur genre et qui ont, du reste, bien réussi. Bien avant eux, les Zidane, Asloum ont donné le mauvais exemple. La réussite socioprofessionnelle au bout du périple de ces « z'magra » les confortent dans leur quête de reconnaissance. De leur rêve européen, ils n'en sont que plus convaincus. Il n'en demeure pas moins cependant, qu'ils restent viscéralement attachés à «Viva l'Algérie». Bou Ismail, sur le littoral ouest algérois: il est 22 heures passées de 109 minutes, le quartier populaire explose, les joyeux youyous fusent de toute part, les lumières inondent l'espace qui centre le paquet d'immeubles, les moteurs sont lancés. Un camion-citerne embarque sur ce qui reste de son plateau, des jeunes à peine sortis de l'enfance. Les étendards déployés des « Glasgow Rangers» ou de « A.C. Milan », les « bandanas » multicolores enserrant les têtes, les fumigènes, interdits assurément au stade, sont libérés et donnent à l'ambiance une étrangeté psychédélique de rituel païen. Les dépenses induites pour l'achat d'oripeaux et de gadgets dépassent souvent le budget d'une famille moyenne. On ne compte plus quand il s'agit du prestige national. Eh oui ! Encore un de ces paradoxes. Cette scène n'est pas exclusive, elle doit se dérouler aussi bien à Kenadsa, Chachar ou même à Timiaouine à plus de 2.000 km du lieu de l'événement. Sacrée télécommunication satellitaire ! La communion est spontanée, il ne lui aura fallu aucun meeting rassembleur pour s'exprimer. Le football a réussi là où plusieurs gouvernements et partis n'ont pas eu la main heureuse. Les trois dernières minutes du temps additionnel du match, ont failli tourner au cauchemar.

 Tout aurait pu basculer n'était-ce la hargne de ces Franco- Algériens qui sont venus pour la « touiza » nationale. Il est encore des esprits qui font la distinction entre ceux de « l'intérieur » et ceux de « l'extérieur ». L'Algérien est un, qu'il soit né ici ou ailleurs. Il s'apparente de lui-même à ce pays qui est le sien ou celui de sa descendance. On ne peut décemment l'en exclure. Ni Obama, ni Kennedy, illustres personnages s'il en était, n'ont occulté leur origine kenyane ou irlandaise. Etait-il même nécessaire de cantonner notre communautaire à l'étranger, dans un département ministériel ?

 Un respectable ministre de la coalition présidentielle, perdant la légendaire retenue de son parti, jubilait debout en brandissant sa bouteille d'eau. Ceci ne pouvait être qu'un état de transe, dont la sécheresse émotionnelle des muqueuses renseignait sur le degré. Les dieux du stade réunissaient le « harrag » potentiel et le membre du gouvernement sur une même tribune. Tel le gong mettant fin à un âpre combat de boxe, le sifflet mauricien libérait cette énergie longuement contenue. Les tracasseries budgétaires du Ramadan sont vite enterrées pour une nuit de folie collective. Cette victoire sur l'adversité faisait défiler, ensemble, le chômeur juché sur un capot et le « chi chi » en Hammur rutilant. Dieu reconnaîtra, plus tard, les siens. Les lendemains de fête laissent toujours groggy; après quoi tout reprendra ses droits. Le mur retrouvera son « hittiste » et le parking, le gourdin dissuasif et la besace en bandoulière du gardien autodécrété. Cette modique bourse constituera peut-être le pécule qui permettra à notre Aladin ou à notre Mata-Hari, les filles se sont depuis peu mises de la partie, avec d'autres moyens bien sûr, de prendre la clé des mers. Qui pourrait le savoir ?