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GM et l’Etat sauveur

par Akram Belkaïd, Paris

Tous les commentateurs ont usé et abusé de cette formule et il serait dommage de ne pas l’utiliser une nouvelle fois... (1) Il s’agit du fameux propos attribué à l’économiste britannique Charles Wilson pour qui, dans les années 1950, ce qui était bon pour General Motors l’était aussi pour l’Amérique. Aujourd’hui, mise en faillite du géant de l’automobile oblige, on pourrait plutôt dire que ce qui est bon pour Google, Intel ou Microsoft l’est aussi pour l’Amérique mais l’idée reste la même. L’expansion de celle qui fut l’une des plus grandes multinationales au monde a servi les intérêts de la première puissance au point, parfois, de se confondre avec elle.

 

L’Etat, c’est aussi parfois la solution...

 

Après avoir perdu 88 milliards de dollars en cinq ans, c’est-à-dire près d’une fois et demie les recettes annuelles en hydrocarbures de l’Algérie, General Motors vient donc de se placer sous la protection du fameux chapitre 11 - qui lui permet de poursuivre son activité sans craindre de saisie de la part de ses créanciers - et vient surtout de voir l’Etat américain voler à son secours grâce à une recapitalisation d’un montant total de près de 50 milliards de dollars contre 60 % du capital du constructeur automobile.

Cette nationalisation qui ne dit pas son nom est une gifle pour tous ceux qui, aux Etats-Unis comme ailleurs, n’ont jamais cessé de présenter l’intervention de l’Etat dans la sphère économique comme la source de tous les maux. En 1980, Ronald Reagan s’est fait élire grâce à ce fameux slogan : « L’Etat, c’est le problème » et ses paroles n’ont jamais cessé d’influencer les politiques économiques y compris lorsque c’est la gauche qui était aux affaires. Plus grave encore, l’on a vu dans les pays du Sud, et ce fut le cas pour l’Algérie aussi, des élites locales passées par la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international (FMI) reprendre ce discours et réclamer le retrait de l’Etat de l’économie avec les conséquences sociales que l’on connaît aujourd’hui.

Que pensent aujourd’hui les héritiers de la « reaganomics » ? Nombre d’entre eux se taisent, accablés par la crise financière voire par l’affaire Madoff, cette gigantesque escroquerie qui a révélé elle aussi les dégâts provoqués par l’absence de réglementation sur certaines places financières. D’autres, moins nombreux, jouent aux fiers-à-bras et prétendent qu’il fallait laisser GM mourir de sa belle mort. Des déclarations plus ou moins discrètes en raison de la charge émotionnelle et patriotique qui entoure le constructeur. C’est presque un peu comme si quelqu’un, en Algérie, se mettait à revendiquer haut et fort la privatisation ou la cession à un groupe étranger de la Sonatrach...

 

Même la Commission Barroso s’y met...

 

Pour autant, il ne s’agit pas de défendre l’idée d’un « Big government » mais de rappeler que l’Etat reste et restera le recours ultime en tant de crise, et que c’est une erreur majeure que de le dépouiller de ses attributions en matière de réglementation mais aussi de régulation du monde des affaires. La Commission européenne, qui n’a pas cessé depuis des années de libéraliser et de prêcher pour la défense du marché et de la concurrence, semble l’avoir compris puisqu’elle vient de remettre la régulation au sens de ses préoccupations. C’est, peut-être, l’une des leçons majeures de cette crise.

 


(1) La chronique de l’économie : quand GM éternue, l’Amérique s’enrhume, Le Quotidien d’Oran, mercredi 12 novembre 2008.