Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Aperçus sur le mouvement sportif national Naissance de l'idée de réforme sportive et son application

par Si Mohamed Baghdadi

La question relative à la naissance de l'idée de réforme sportive et de son application, nous incite à jeter un regard sur l'histoire du sport algérien, mais aussi sur celle du pays puisque toutes les dimensions, politiques, économiques, sociales et culturelles du développement ou du sous développement sont liées.

De ce point de vue, et avec le recul, il faut dire qu'octobre 1988 a constitué une date charnière autour de laquelle s'articule deux grandes périodes de l'évolution du pays : avant et après octobre 1988. Même si la nature profonde du système politique n'a pas beaucoup changé.



Avant octobre 88,



Il apparaît clairement, aujourd'hui, que c'est la place occupée par l'Etat au sein du mouvement sportif national qui fut déterminante. Alors reconnaissons que c'est avant tout grâce à l'engagement de l'Etat que la réforme fut possible. Toutefois, une réforme c'est une somme d'idées et d'expériences multiples qui nourrissent un projet. Au fur et à mesure des débats, il devient la propriété de toutes celles et de tous ceux qui ont contribué à sa naissance et à sa réalisation. La Réforme sportive c'est avant tout une loi, le Code de l'EPS voté en 1976, qui a conféré au projet collectif sa forme juridique ; un précédent en Afrique. Toutefois le Code de l'EPS a été le couronnement de toute une série d'actions qu'il est utile de rappeler brièvement, ne serait-ce que pour l'enseignement et la gouverne des jeunes générations ; ainsi que de la reconnaissance due aux acteurs de cette période féconde. Comment ne pas évoquer tous les dirigeants pionniers du sport algérien au lendemain de l'indépendance qui autour de Mahmoud Abdoun donnèrent naissance aux premières fédérations sportives nationales ? Comment oublier Abdelhamid Bouchouk de la glorieuse équipe nationale de football, premier Directeur de l'EPS et son expérience du sport socialiste avec les écoles de sport et les algériades ? Et tant d'autres qui donnèrent le meilleur d'eux mêmes au service du sport algérien et de sa jeunesse, avec cet engouement et cette générosité, cette disponibilité et cette foi qui n'appartiennent qu'aux néophytes et aux militants convaincus. On les appelle bénévoles aujourd'hui et ils seraient toujours en attente d'un statut.



Le plan de généralisation de l'EPS au sein de l'école primaire            



Examinons l'état des pratiques sportives à cette époque, et commençons par celle que nous devrions tous considérer comme fondamentale : la pratique éducative de masse, autrement dit, la pratique de l'éducation physique et sportive au sein du système éducatif. Présente dans l'enseignement moyen et secondaire, elle était totalement absente à l'école primaire.

Avec nos collègues du Ministère de l'Education Nationale nous avons créée la Commission Mixte de Conception (CMC) et des relais au niveau des wilayas, les Groupes Mixtes d'Animation et de formation (GMAF), ayant pour mission d'introduire l'EPS à l'école primaire, avec, comme objectif primordial, sa généralisation au bout de quatre années, par la mise en oeuvre d'un plan de formation, de suivi, de perfectionnement et d'animation. Il faut rappeler que nous vivions à l'époque de l'économie planifiée et que la planification, à l'inverse de ce que ses détracteurs en disent, avaient ses bons côtés. Aujourd'hui, après avoir jeté le bébé avec l'eau du bain, on y revient à grands pas, notamment au regard de la terrible crise qui secoue la planète.

La Direction de l'EPS conçut alors un projet de plan quadriennal, intitulé «_ Généralisation de l'EPS à l'école primaire_», et le soumit aux membres de la CMC qui, après débat, l'adoptèrent. Nous fûmes chargés d'en piloter la réalisation. Le concept était simple ; l'enseignant unique pour chaque classe, recevait une formation initiale d'animateur en EPS au cours d'un stage d'une dizaine de jours.

La formation était soutenue par un livret pédagogique articulé autour de la connaissance et de la méthodologie d'animation de six disciplines sportives : athlétisme, gymnastique et les quatre sports collectifs (football, volley ball, hand ball et basket ball). Le Livret était accompagné d'un Kit d'équipement sportif comprenant tout le matériel d'organisation et de jeu : ballons, chasubles, sifflets, tableau de marquage, etc. La formation initiale des maîtres était poursuivie au niveau des wilayates par les GMAF, lors de regroupements périodiques de perfectionnement. Nous avons commencé, à titre expérimental, avec 400 écoles, et l'opération fut baptisée «_Opération 400 écoles_», et avons terminé à 3200 écoles. Poursuivie un temps, au niveau du Ministère de l'Education nationale elle se perdit peu à peu, pour n'être plus qu'un souvenir.

Aujourd'hui, d'après les informations fragmentaires que nous avons, l'EPS à l'école primaire vivrait en «pointillé».

Le dommage apparait évident lorsque l'on sait que c'est au cours des premières années de l'enfance que l'apprentissage des langues se réalise le mieux ; que dire alors du langage du corps, constitué par une série d'habiletés fonctionnelles et de coordinations psychmotrices. Des études scientifiques ont prouvé la relation entre la condition physique d'un élève et ses performances scolaires ; comme il a été démontré que dyslexie et dysorthographie avaient leur origine dans des défauts de latéralisation et de coordination psychomotrices.



Le Plan National de développement Sportif (PNDS)



J'ai commencé par évoquer ce qui m'a semblé essentiel, à l'époque, et que je considère toujours comme essentiel ; car les résultats du sport de performance et de haute performance, plus visibles aux yeux de l'opinion publique sportive et des hommes politiques, sont tributaires de ces fondements incontournables, difficiles à rattraper par la suite, d'une pratique sportive équilibrée, rationnellement organisée et seule capable de produire les meilleurs résultats. Cette action fut la première, de ce que nous avons appelé à l'époque le PNDS (Plan National de Développement sportif), au début des années 70, dont le but était une réforme globale de l'éducation physique et du sport en Algérie. Chaque wilaya, chaque commune se devait d'avoir son plan de développement sportif.

La formation des cadres battait son plein et la réforme de notre système de formation était mise en chantier. En 1971, nous produisions, en direction de l'école, tous degrés confondus, nos propres instructions officielles relatives à l'enseignement de l'EPS.



La commune éducative de quartier



Elles dessinaient les contours originaux d'une pédagogie sportive algérienne. Nous leur donnions comme concept pédagogique de base : la commune éducative. Une formation concrète et pratique à la vie associative et citoyenne avec, pour support mobilisateur, la pratique sportive. De ce point de vue, l'opération la plus connue, à l'époque, et dont bien des éducateurs sportifs se souviennent avec un brin de nostalgie, fut la commune éducative de quartier. Un projet enraciné dans le réel de nos APC naissantes et qui utilisait l'animation sportive éducative de masse comme vecteur de sensibilisation de citoyens motivés pour participer à la construction de leur tout jeune pays. Les programmes d'équipement sportifs se rationnalisaient et se normalisaient pour échapper au saupoudrage non significatif des lendemains de l'indépendance. Parcs omnisports de wilaya et de daïra commençaient à naître, dans le même temps où la cité olympique était en chantier. Rappelons aussi, qu'en 1971, l'Algérie venait de se voir confier, à Izmir, l'organisation de la septième édition des Jeux Méditerranéens.



Les Jeunes Talents Sportifs et le premier Camp El Amel



Au mois d'aout de la même année, le système de détection et de perfectionnement des jeunes talents sportifs prenait son essor avec l'organisation du premier camp El Amel au CREPS d'Ain el Türk, ouvert à environ cinq cents jeunes talents, dont quelques uns sont toujours vivants dans la mémoire de tous les sportifs de cette génération : Driss Lamdjadani, Allili Farid et Salim, Bellabes Abassia, Istitène Meriem, Berraf Mustapha, aujourd'hui président du Comité Olympique Algérien et tant d'autres qui ont fait les beaux jours du sport algérien. 1971, c'était l'année des premières élections communales. Au Camp El Amel, nous nous étions organisés en Commune éducative ; les jeunes talents s'appelaient «citoyens» et procédaient à l'élection de leur exécutif communal et de leur président de «l'APC du Camp El Amel» : feu Sid Ali Lamrani, ancien responsable de la fédération algérienne d'athlétisme. De l'instruction civique et de la formation citoyenne vécues dans la participation effective aux tâches d'organisation et de fonctionnement du camp ; ainsi que dans l'action de création, puisque le programme sportif du Camp, était enrichi d'un programme d' animation culturelle. L'atelier «total» croisant l'écriture, le théâtre, le décor et la mise en scène fut une surprenante innovation pour nos jeunes talents sportifs. L'atelier «communication» eut pour animateur, un inattendu Driss Lamdjadani dont l'humour trouva un bulletin citoyen pour s'exprimer.



La recherche scientifique et pédagogique



La recherche pédagogique, avec le Bureau national de Recherche pédagogique (le BNRP), et la recherche scientifique, avec l'émergence du Centre National de Médecine du Sport (CNMS), sous la houlette opiniâtre du Dr Larbi Mekhalfa, ne manquèrent pas d'apporter leurs riches contributions au développement général du MSN.

En matière de sport de performance, les résultats s'amélioraient sensiblement avec l'apothéose des jeux méditerranéens de 1975 où un double défi fut relevé et gagné : celui de la réussite de l'organisation et celui des résultats. La médaille d'or d'un Rahoui Boualem euphorique illumina un après midi du stade du 5 juillet. Un an après, étaient organisés les premiers jeux sportifs nationaux, tremplin pour une nouvelle génération de jeunes talents sportifs.

 

Les bienfaits d'une nationalisation démocratique du sport



De ce rapide survol, loin de restituer la richesse et le foisonnement d'un mouvement sportif qui de l'école, à la commune, en passant par l'entreprise, il faut retenir un aspect fondamental. C'est l'Etat qui fut au centre de cette dynamique et que le projet de loi ? dit Code de l'EPS - qui fut débattu au Conseil Economique et Social de l'époque, consacra la place de l'EPS, dans le cadre du développement national. Désormais le sport devenait un droit, reconnu par la loi, comme le droit à l'éducation, pour chaque algérienne et algérien. La mise en oeuvre de cette loi fut possible grâce à la place occupée par l'Etat au sein du MSN. Certains, ont parlé et parlent encore, à juste titre, de nationalisation du sport. Cela devint encore plus perceptible avec la contribution des entreprises nationales, la Sonatrach, la DNC-ANP et bien d'autres, au développement du sport de performance, pour lequel des sommes appréciables furent mobilisées ; ce que l'Etat, ne pouvait plus faire, à lui seul.

En bref, disons que l'idée de la réforme est née de ce foisonnement d'initiatives et d'actions complémentaires où, malgré la place centrale occupée par l'Etat, les voies de l'expression démocratique de tous les acteurs, à quelque niveau qu'ils se situaient, étaient constamment ouvertes. Même si la place de l'Etat était prépondérante il n'en demeure pas moins que la voie du dialogue était la voie la plus fréquemment utilisée pour résoudre les problèmes qui se posaient. Parce que des espaces, une organisation (comme les DTN et leurs répliques au niveau régional et wilaya), des mécanismes et des méthodes étaient aménagés, afin que tous puissent s'exprimer du Conseil Communal des sports aux bureaux fédéraux. Nous fonctionnions à l'époque avec les instructions héritées de la France. Il faut se souvenir que les premières APC venaient de naître, à l'époque, et que notre objectif était de réaliser une instruction concrète et pratique.