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Qu’est-ce que le sommeil ?

par le Dr Bengamra

1ère partie

Le sommeil représente plus d’un tiers de notre vie. Il est déterminant pour la croissance, la maturation cérébrale, le développement et la préservation de nos capacités cognitives.

Il est essentiel pour l’ajustement de nombreuses sécrétions hormonales et l’on sait aujourd’hui que sa réduction en quantité ou l’altération de sa qualité favorisent probablement la prise de poids et l’obésité. Enfin, la mise au repos de notre système cardiovasculaire au cours du sommeil est certainement l’un des enjeux de prévention des années à venir.

 

Pourquoi dort-on ?

 

La réponse paraît limpide : on dort pour récupérer !

L’organisation et les fonctions du sommeil s’intègrent dans l’évolution des espèces, de la cellule à l’homme. Avec l’apparition du système nerveux primitif apparaît la fonction “sommeil”. Lorsque l’organisme est en phase de “repos”, les connexions neuronales se réorganisent, ce qui lui permet de s’adapter à son environnement. Par ailleurs, l’homéothermie (maintient constant de la température interne du corps indépendamment de la température externe) correspond à un nouvel état de sommeil : le sommeil paradoxal.

Le sommeil possède plusieurs fonctions particulières, indissociables de l’état de veille et mettant en jeu de nombreux mécanismes physiologiques (sécrétions hormonales, régénération des muscles etc.). Dormir permet une récupération physique, psychologique etintellectuelle…les prémices de l’état de veille qui suit.

Le sommeil joue un rôle important et les conséquences d’un mauvais sommeil ont un impact sur :

lLe maintien de la vigilance à l’état de veille (risque de somnolence diurne et de troubles de l’attention)

- La reconstitution des stocks énergétiques des cellules musculaires et nerveuses

- La production d’hormones de croissance

- La régulation de fonctions telles que la glycémie (perturbation du métabolisme du sucre, favorisant surpoids et risque de diabète)

- L’élimination des toxines et autres déchets des systèmes respiratoires, cardiovasculaires et glandulaires

- La stimulation des défenses immunitaires

- La régulation de l’humeur et de l’activation du stress

- Les mécanismes d’apprentissage et de mémorisation

 

Les rythmes veille-sommeil et l’organisation du sommeil

 

Notre vie quotidienne est rythmée par les états de veille et de sommeil, 2 états physiologiques fondamentaux. Le sommeil n’est pas un état continu mais est constitué de différents états qui se succèdent.

Ces états sont nommés stades et s’organisent de façon identique au cours de la nuit.

En fonction de l’âge, il existe des modifications notables de la durée du sommeil et de la répartition des divers stades de sommeil.

Les stades de sommeil:

Que ce soit chez l’enfant, l’adolescent, l’adulte ou la personne âgée, on rencontre les mêmes stades de sommeil.

Ces stades sont répartis entre sommeil lent, sommeil à ondes lentes et sommeil paradoxal.

- Le sommeil lent comporte 2 stades qui correspondent à un sommeil léger.

- Le sommeil à ondes lentes correspond aux stades 3 et 4, c’est à dire à un sommeil profond.

- Le sommeil paradoxal est une phase plus agitée au cours de laquelle se “logent” les rêves.

Au cours d’un cycle de sommeil, on distingue également une phase de sommeil intermédiaire qui conduit, soit à un nouveau cycle, soit au réveil.

Evolution de l’organisation des rythmes veille-sommeil au cours de la vie

On retrouve les mêmes stades de sommeil tout au long de la vie, mais leur organisation évolue, au même titre que les autres fonctions physiologiques.

Chez le fœtus : Le terme approprié pour désigner le sommeil du fœtus est le cycle “activité-repos”. Ce qui explique que le fœtus dort et pas forcément en même temps que sa mère. L’organisation du sommeil chez le fœtus varie au cours de son développement. Après 36 semaines de gestation (8ème Mois environ), la structure du sommeil est quasi-identique à celle retrouvée chez le nouveau-né et chez le petit nourrisson.

Chez le nouveau-né à terme : Les 2 premières années d’un enfant sont primordiales pour sa vie de futur “dormeur”. Au cours de cette période se développent les principales caractéristiques du sommeil, déterminantes pour un bon sommeil à l’âge adulte.

Le Comportement Des Parents Est essentiel à L’ établissement d’un rythme Jour-nuit Stable de 24 heures

Les principales caractéristiques du cycle des stades de sommeil et de vigilance du nouveau-né sont les suivantes :

- Une durée globale de sommeil de 16 à 17 heures par 24 heures

- Des cycles de sommeil très nombreux : 18 à 20 heures par 24 heures

- Une répartition des cycles sur toute la journée : matin, après-midi, début ou fin de nuit (les parents disent souvent que le bébé “confond le jour et la nuit”)

- Des états de sommeil équivalents à ceux de l’adulte

- Une structure du sommeil qui évolue de 2 à 4 stades (comme chez l’adulte), aux alentours de l’âge de 3 mois

 Chez l’enfant : L’évolution du sommeil se fait par étapes.

- Dès 3 mois : Le sommeil agité fait place au sommeil paradoxal (stable) rencontré chez l’adulte. Le sommeil calme laisse la place au sommeil lent.

- À partir de 6 mois : Les endormissements se font en sommeil lent comme chez l’adulte et le grand enfant.

- À 9 mois : La structure du sommeil ressemble à celle de l’adulte à peu de choses près et le sommeil devient rapidement stable au cours des 4 premières heures.

- Entre 9 mois et 6 ans : Disparition progressive des siestes. Les caractéristiques du sommeil changent. Une première partie de la nuit est presque exclusivement composée de sommeil lent profond accompagné de réveils incomplets. Une seconde partie présente des éveils brefs accompagnant chaque changement de cycle. On observe alors une stabilisation du sommeil paradoxal et une augmentation du sommeil lent.

L' entre 6 et 12 ans : Le sommeil est stable et les réveils sont très brefs.

Le sommeil lent profond occupe une bonne partie de la nuit favorisant ainsi la survenue de comportements, en général sans gravité, tels que :

- Les terreurs nocturnes

- Le somnambulisme

- Les “pipis au lit”

À l’adolescence : L’organisation du sommeil nocturne de l’adolescent est proche de celle de l’adulte. Les grands bouleversements hormonaux et les modifications comportementales qui surviennent à cette période ont un impact non négligeable qui se traduisent par :

- Une diminution importante du sommeil lent profond (le plus récupérateur) au profit du sommeil lent léger.

-Un décalage de phase éventuel : couchers et levers tardifs en raison du trava scolaire abondant, sorties plus fréquentes et opposition à la famille.

- Des contraintes horaires (cours, rythme scolaire, etc.), non compatibles avec le besoin de sommeil accru des adolescents, qui peut les mettre dans un état de “manque” de sommeil quasiment chronique (le déficit étant évalué environ à 2h par jour en période scolaire).

Les conséquences possibles des anomalies du sommeil chez les adolescents :

- Une irritabilité augmentée : colères fréquentes et insolence par exemple.

- Des envies de bouger sans cesse.

- Des troubles de la concentration et de l’attention, une difficulté à élaborer des projets.

- Un manque de lucidité vis-à-vis des actes commis (prises de risques inconsidéré comportements à risque).

Ces effets disparaissent lorsque l’adolescent peut dormir suffisamment et avec des horaires compatibles avec son activité.

Chez l’adulte : L’adulte vit une phase de sommeil quotidienne (à l’exception de siestes occasionnelles) dont l’organisation dépend des différents stades du sommeil décrit précédemment. Les particularités du sommeil de l’adulte résident dans :

Les habitudes en termes d’horaires :

- Les “lève-tôt” se lèvent vers 5-6 heures du matin

- Les “couche-tard” se couchent vers 2-3 heures

La durée nécessaire de sommeil :

- 6 heures pour les courts dormeurs

- 10 heures pour les longs dormeurs

À la suite d’un sondage en Mars 2004, la durée moyenne de sommeil était évaluée à 7h30

Chez les personnes âgées :

Les limites entre le sommeil normal et le sommeil pathologique sont parfois difficiles à définir chez les personnes âgées.

Avec l’âge, le rythme veille-sommeil change, au même titre que toutes les fonctions physiologiques, ce qui implique :

l Une modification de la répartition du sommeil sur 24 heures : à partir de 60 ans, nous dormons moins longtemps la nuit et nous nous octroyons des phases de sommeil diurnes (surtout après 70 ans).

- Un délai d’endormissement allongé.

- L’augmentation de fréquence des troubles du sommeil : apnées du sommeil, insomnies, syndrome des jambes sans repos.

- Une augmentation du nombre et de la durée des éveils nocturnes.

- Des modifications de l’architecture du sommeil : disparition du sommeil lent profond et diminution du sommeil paradoxal chez la personne âgée.

- Un décalage de phase fréquent, aggravé par le rythme de vie en institution.

Ces phénomènes expliquent pourquoi les personnes âgées se plaignent souvent d’un mauvais sommeil (sommeil fragmenté, instable, difficulté pour se “réendormir”).

le sommeil est organisé en stades identiques au cours de la vie mais son organisation varie beaucoup et les variations inter et intra-individuelles sont nombreuses. autrement dit, nous ne sommes pas tous égaux face au sommeil.

 

La place de notre sommeil dans notre vie quotidienne

 

Sommeil et état de veille sont étroitement liés, les activités pratiquées à l’état de veille peuvent donc avoir un retentissement sur notre sommeil et vice-versa. Certaines peuvent lui être préjudiciables, d’autres favorables.
 
Sommeil et travail

Le travail peut influencer à plus d’un titre sur notre sommeil.

L’organisation du Travail

Le sommeil est fréquemment conditionné par les entreprises qui mettent en place des rythmes de travail souvent peu compatibles avec les rythmes biologiques :

- Le travail posté (ou 3 X 8) : les horaires sont alternants, ce qui porte préjudice, à la qualité et la quantité de sommeil, en particulier lors des premiers jours de changement de postes. Le sommeil de jour est moins récupérateur que celui de nuit car il est peu adapté à nos rythmes chrono biologiques.

Il est aussi peu compatible avec les responsabilités familiales.

Il génère des dettes de sommeil (diminution de 1 à 2 heures par jour de la quantité de sommeil) qui suscitent des difficultés d’endormissement. Le travail posté tend à se généraliser par souci de rentabilité, en particulier dans le secteur des services où la mondialisation impose des horaires décalés.

- Les gardes de nuit génèrent des réveils fréquents non compatibles avec les cycles de sommeil. Elles désorganisent le rythme veille-sommeil, ce qui implique un besoin de “récupérer” dans la journée.

- Les déplacements, en particulier à l’étranger, provoquent un phénomène de “Jet Lag” (ou décalage horaire) qui s’additionne à un emploi du temps surchargé.

 

Les conditions de travail

 

20 % des personnes qui souffrent d’insomnie mettent en cause leurs emplois du temps surchargés, les conflits et les licenciements. Les personnes concernées par des troubles du sommeil consécutifs au travail entrent dans un cercle vicieux. La mauvaise qualité de leur sommeil a souvent un retentissement non négligeable sur leur travail :

- Diminution des performances

- Erreurs de jugement

- Fautes graves

- Accidents (somnolence des conducteurs professionnels)

- Absentéisme

Sommeil et scolarité

Rythme scolaire et rythme biologique de l’enfant sont-ils en harmonie? Avec un rythme de 4 jours travaillés pour 3 jours de repos, on pourrait penser que les enfants ont largement la possibilité de récupérer. Or, les résultats d’études sur l’impact de la semaine de 4 jours et les cassures de rythme montrent le contraire :

- Les journées de travail sont longues et fatigantes pour les élèves (baisse de vigilance et de performance en classe, absentéisme accru de l’enfant).

- Les couchers tardifs sont plus fréquents.

- Les ruptures de rythme veille-sommeil sont également plus fréquentes en raison des différents horaires d’endormissement le mardi soir et le week-end.

La régularité des rythmes veille-sommeil semble être seule garante de la bonne forme des élèves le lendemain car le sommeil permet de préparer l’état de veille suivant.

Une idée reçue à écarter : se coucher tard et se lever tard, équivaut à se coucher tôt et se lever tôt

La durée de la nuit étant la même, on pourrait être amené à le penser.

C’est oublier que ce comportement incite au décalage de phase, peu compatible, avec le rythme biologique de l’enfant. D’autre part, le décalage de phase expose le sommeil aux nuisances extérieures toujours présentes en seconde partie de nuit (lumière, bruit etc.). Ces facteurs environnementaux nuisent à la qualité du sommeil et la récupération s’en trouve amoindrie.


A suivre