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Obama redonne confiance à l’Amérique

par Fouad Hakiki (*)

Selon un sondage (du Washington Post) paru (1) lundi 23 février, 64% des Américains se déclarent favorables au plan de relance de Barack Obama. Mais sur la Toile, l'avis des experts est plus mitigé (surtout à propos d'une éventuelle nationalisation des banques américaines). La Bourse de New York, elle, a fortement rebondi, le lendemain, après être tombée la veille au plus bas depuis douze ans: et ce, à la suite du Discours du 44ème président des Etats-Unis.



Les Faits



Reçu ce même mardi 24 février au Congrès au grand complet, M. Obama, élu sur la promesse du changement, fait tout pour redonner confiance à l'Amérique, promettant qu'elle sortirait «plus fort» de la crise. Il a exigé des «sacrifices», destinés à réduire de moitié, d'ici à 2013, le déficit fédéral. Mais M. Obama a également annoncé des réformes : là où, avant lui, l'on faisait défiler une liste de mesures, parfois technocratiques voire symboliques, le Président américain a placé la barre plus haut appelant à : «la nouvelle fondation d'une prospérité durable». Il veut ainsi régler des problèmes «retardés depuis des années» (par ses prédécesseurs), tels que la réforme des systèmes de santé et de retraite.

En cinq semaines, M. Obama a fait adopté un plan de relance gigantesque (787 milliards de dollars) et des mesures pour aider les petits propriétaires menacés de saisies immobilières (75 milliards), tout en préparant de nouvelles actions de soutien pour les banques et pour l'industrie (notamment automobile). Il a promis d'investir dans les nouvelles technologies et les énergies renouvelables pour moderniser l'économie. M. Obama a assuré que son premier budget éliminerait les contrats sans appel d'offres en Irak et réformerait le budget de la défense (2). Et il a pressé le Congrès de lui soumettre une loi imposant des quotas de gaz à effet de serre. Dès lors qu'un des deux axes de la politique économique de l'administration M.Obama, outre la relance fiscale, est de réparer le système bancaire pour lui redonner vie, le Président américain a souhaité l'adoption de nouvelles réglementations pour le système financier («Pour nous assurer qu'une crise de cette ampleur ne se reproduira pas», a-t-il justifié). Il a prévenu que sauver les banques américaines risquait de coûter plus cher que prévu : «Mais si agir va coûter très cher, je peux vous assurer que ne pas agir coûterait encore plus cher», a-t-il lancé. Il a assuré aux Américains que leurs dépôts bancaires étaient en sécurité, a annoncé la création d'un fonds destiné à financer des prêts aux consommateurs et aux petites entreprises.



L'épée de Damoclès des actifs toxiques



Les bilans des banques demeurent néanmoins sous l'épée de Damoclès des actifs toxiques (3) (en particulier ceux adossés au marché immobilier) dont personne ne connaît la valeur. Les banques peinent à lever des financements à court terme, comme le montre l'effondrement du volume du « commercial paper ». La priorité est donc à la réduction de leurs engagements afin de sauver leurs fonds propres. Si une telle stratégie est compréhensible au niveau de chaque établissement, elle aboutit à un cercle vicieux lorsque toutes les banques la suivent, chaque repli affaiblissant la croissance et causant des pertes supplémentaires.



L'Etat américain prendrait 40% de Citigroup



En effet, les autorités américaines seraient en train de discuter d'une montée de l'Etat fédéral à 40 % du capital du géant bancaire, soit une nationalisation partielle. Le management de Citigroup, lui, souhaiterait que cette participation se limite à 25 %. Selon le quotidien Wall Street Journal, le Trésor n'aurait pas à injecter des fonds supplémentaires dans Citigroup. Car une large partie de ses actions préférentielles (qui ne donnent pas de droit de vote) pourraient être transformées en actions ordinaires, ce qui réduirait d'autant l'importance des autres actionnaires.

 Or, de nombreux analystes estiment que cette perspective a causé l'effondrement de 41 % du titre (de cette banque, la semaine dernière). Raymond J. Learsy, chercheur en économie, estime que la nationalisation des banques est essentielle : elle restaurerait une forme de transparence et, par la même occasion, la confiance des citoyens dans le système bancaire: «Il n'y a aucune transparence. Ni le gouvernement, ni nous-mêmes ne comprenons vraiment ce que font les banques avec les fonds versés par le TARP - aussi appelé «plan Paulson», du nom du secrétaire au Trésor de G.W.Bush - (...) Si le gouvernement organisait une large nationalisation de ces institutions bancaires en faillite, la confiance dans les banques, dans leurs obligations et dans leurs capacités de prêt serait restaurée en presque une nuit. Le système fonctionnerait à nouveau et les Etats-Unis pourraient retourner au travail».



Nationalisation bancaire ou pas ?



Pour Paul Krugmam (4) , le Nobel d'économie 2008 : «Certaines banques très importantes sont dangereusement proches du précipice - en fait, elles auraient déjà sombré si les investisseurs ne s'attendaient pas à être rattrapés par le gouvernement en cas de besoin. Deuxièmement, les banques doivent être sauvées. La faillite de Lehman Brothers a presque détruit le système financier mondial, et on ne peut pas prendre le risque de laisser des institutions bancaires encore plus importantes, comme Citygroup et Bank of America, imploser.»

Greg Mankiw n'est pas d'accord car les craintes du public envers les nationalisations des banques doivent être prises en compte : «Pourquoi les gens ont-ils peur de l'idée de nationalisation ? La première raison est qu'elle montre à quel point la situation est sérieuse. La deuxième raison, plus solide celle-ci, est que cette solution pointe dans la mauvaise direction. Je ne veux absolument pas que ce soit le gouvernement qui décide qui mérite d'avoir des crédits ou pas, et quels sont les investissements qui méritent d'être financés ou pas. C'est un pas vers le capitalisme de 'copinage', où ceux qui ont des liens politiques reçoivent des cadeaux, alors que nous autres devons nous attendre à un marasme économique».




(*) Economiste