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Au-delà d'un scrutin

par Abdou B.

«Oui» et «non» sont les mots les plus courts et les plus faciles à prononcer et ceux qui demandent le plus d'examen».
Talleyrand.

Si la prochaine élection présidentielle donne lieu à une foule de commentaires, et surtout à de nombreuses spéculations qui tournent le plus souvent à vide, les enjeux pour le pays lors de la mandature qui commencera cette année sont plus ou moins occultés. Au profit de conjectures et de plans sur la coupète, l'avenir des générations futures et immédiates n'est pas encore affiché dans d'éventuels programmes des candidats éventuels, potentiels ou certains d'aller concurrencer M. Bouteflika. La tendance plus ou moins dominante dans beaucoup de quotidiens consiste à moquer des candidats, à valoriser d'autres, incertains ou carrément contre une participation populaire qui donnerait du relief à un scrutin qui manque assurément de suspense et de confrontations médiatiques programmables selon un calendrier établi après la clôture des candidatures. Cet aspect démocratique, basique, semble être négligé par de nombreux acteurs qu'ils soient crédibles ou carrément insignifiants en termes d'ancrage populaire, de programmes sérieux ou de charisme personnel. L'élection prochaine gagnerait sûrement à rompre avec des logiciels périmés, à fédérer des compétences politiques, des expertises, de grands noms de la culture au-dessus de tout soupçon, des scientifiques et des universitaires qui ne cherchent qu'à être utiles sans lorgner en direction de rentes ou de portes.

Des candidats annoncés et d'autres en voie de l'être, en attendant l'entrée en piste de tous les portulants, sont pluptiôt mal vus, sinon raillés par de nombreuyx commentateurs. En toute légitimité, tous les courants hostiles à un troisième mandat pour M. Bouteflika évoquent une impasse, tant il apparaît à leurs yeux que les jeux sont faits et rien ne sert de vouloir battre le président en exercice. Cette appréciation basée essentiellement sur une impasse, génère à perpétuité une autre impasse, préjudiciable non pas à un ou plusieurs candidats, mais pour le pays tout entier et son avenir démocratique. D'un côté, il est reproché à des compétiteurs de n'être que de simples lièvres chargés de reproduire un système, de bloquer par conséquent l'émergence d'une classe politique pertinente, de vouloir, contre rémunération, crédibiliser la réélection de M. Bouteflika. D'un autre côté, on regrette la non participation d'hommes ou de partis jugés crédibles, ayant une base et des électeurs. Ce type de contradiction entretient effectivement la durabilité d'une impasse qui sied parfaitement à une faune de rentiers, d'appareils courtisans qui «sucent la roue» sans rien apporter au pays, au président actuel et à la démocratie.

Parallèlement, des courants au pouvoir ou gravitant dans sa périphérie ont tout à gagner dans l'impasse et sa reproduction. Dans la mondialisation qui gangrène la planète ou la science, l'innovation et les investissements dans la recherche et l'intelligence charpentent les gouvernances dans les pays les plus avancés, il y a des discours qui n'ont aucune place dans le monde d'aujourd'hui. Les grands pays sont dirigés par de l'intelligence, la prospective, l'intégration la plus large des expertises, les clubs de réflexion, des publications de réputation mondiale dans tous les domaines. Parler en 2009 d'homme providentiel au lieu et place de programmes tournés vus les trente années à venir, des staffs performants reconnus par leurs pairs, de débats enrichissants, offre une image désuète et surtout désastreuse. L'homme qui sea élu à El-Mouradia a plus besoin d'idées, de compétences de vérités crues que de laudateurs pour la plupart hautement intéressés même si leur faillite dans certains cas est avérée, indiscutable. Ceux qui soutiennent M. Bouteflika ne sont pas forcément et exclusivement «les meilleurs» patriotes ni les plus brillantes compétences du pays. Il en est de même pour ceux qui sont contre sa candidature. Si les uns et les autres ont le droit de s'exprimer en toute liberté, l'Etat doit garantir en toute impartialité l'exercice de toutes les libertés quand elles s'exercent dans le strict respect de la Constitution, des lois et règlements sans interférence aucune de l'administration.

Les railleries adressées aux adversaires de Bouteflika, qu'ils soient candidats, tenants du boycott ou opposants farouches à un troisièmes mandat, ne semblent pas toujours justes ou pertinentes. L'apprentissage du jeu politique n'est pas uniquement réservé aux amis idéologiques et politiques, mais à tous ceux qui veulent s'y mettre, qui ont de l'ambition, des intérêts à défendre, des convictions, à faire partager ou la fièvre politique. Et il doit bien y en avoir dans et en dehors des sectes, des familes composées ou recomposées. Bien entendu, il y a des ouvertures dont les clés sont détenues par le pouvoir et ses démembrements dont l'administration qui est devenue un acteur politique, culturel, idéologique et sportif à part entière. Et c'est une perversion du jeu démocratique qui repose aussi sur la préservation de la justice, des médias et de la grande administration du poison politique et partisan.

Ces ouvertures sont vitales pour le pays au-delà des équipes dirigeantes qui ne sont pas éternelles. Celui et ceux qui réussiront les ouvertures, qui organiseront le rassemblement des énergies nationales, qui ouvriront le chemin aux jeunes sans bousculer ou humilier une génération qui a mérité au gré des conjonctures, des étapes graves ou déterminantes, qui réaliseront la grande et définitive réconciliation dans la diversité, le respect de tous et de chacun, entreront dans l'histoire par la grande porte. Il ne reste plus qu'à lire le programme des candidats et juger en son âme et conscience.