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Gaza : un peu de sparadrap entre deux canonnades

par Pierre Morville

Le gouvernement israélien suspend quotidiennement 3 heures ses bombardements, pour « raison humanitaire ». Surréaliste !

On ne peut pas critiquer Nicolas Sarkozy d'avoir tenté d'imposer une trêve dans la sanglante offensive de l'armée israélienne contre la population gazaouite. On peut ne pas être trop étonné de l'absence de résultats. L'agitation diplomatique louable du président français s'est heurtée à l'autisme de la classe politique israélienne qui reste totalement sourde à l'ensemble des critiques internationales, grandissantes chaque jour.

Seule concession, l'armée israélienne va suspendre ses bombardements chaque jour, pendant trois heures et va même permettre l'ouverture d'un «couloir humanitaire» : un peu de sparadrap entre deux canonnades.

 

La tactique du « loose-loose »



Quels objectifs vise Tel-Aviv ?

Ehud Olmert est un piètre politicien en fin de carrière, menacé de poursuites judiciaires pour détournement de fonds dans son propre pays. Son parti doit affronter des élections législatives qui se présentent mal pour lui. Il a entraîné son pays dans une guerre au Liban qui fut la 1re défaite militaire de «Tsahal». C'est certainement cette humiliation, combinée à la proximité d'échéances électorales confuses, qui explique cette offensive militaire totalement disproportionnée contre le vaste camp d'internement qu'est aujourd'hui le territoire de Gaza.

Car l'agression israélienne ne correspond à aucune logique stratégique. Sur le plan palestinien, elle consacre le Hamas comme un mouvement martyr et justifie a posteriori sa position dogmatique du refus de tout dialogue comme la seule position réaliste face à l'intransigeance sans limites d'Israël. La guerre contre Gaza accroit définitivement le discrédit du Fatah, de l'OLP et du gouvernement Abbas.

L'offensive de l'armée israélienne se révèle à l'évidence totalement contre-productive. Elle est conçue sur des schémas militaires archaïques où, à défaut de savoir régler les problèmes politiques, on les écrase sous les bombes. Sauf à vouloir tuer tous les Palestiniens, le gouvernement israélien sait bien que d'une manière ou d'une autre, il lui faudra bien un jour ou l'autre laisser exister un Etat palestinien disposant de quelque autonomie et de quelques pouvoirs. Il vient de donner au Hamas l'assentiment moral et le soutien populaire pour que ce mouvement dirige ce futur gouvernement.

Sur un plan diplomatico-militaire, l'offensive contre Gaza va à rebours du mouvement de désescalade occidental que l'on constate en Irak, sur le dossier nucléaire iranien, et en partie en Afghanistan. Contrairement à l'armée israélienne qui n'a visiblement tiré aucune conséquences de son échec au Liban, l'armée américaine a pris la mesure en Irak des difficultés et du coût de mener des guerres asymétriques : quand on occupe durablement un pays, les bombardiers, les chars lourds, les missiles sont de peu d'utilité face à un ennemi noyé dans une population hostile.

Le coût moral que devra payer Israël sera lui aussi exceptionnellement élevé. La factice «Union nationale» créée pour abattre Gaza ne durera pas : aujourd'hui, du travailliste Ehud Barak, ministre de la Défense, à la droite extrême du Likoud en passant par les partis religieux, toutes les formations politiques applaudissent à l'écrasement de la population gazaouite. Demain, les mêmes s'entre-déchireront pour se renvoyer la responsabilité de l'échec.

Le conflit va encore aggraver la crise économique que subit depuis trois ans la société israélienne.

L'image internationale d'Israël sortira vilainement écornée. Certes, il y a déjà eu Sabra et Chatila, l'écrasement des intifadas, les bombardements des populations libanaises et la propagande israélienne a toujours réussi à faire l'agresseur pour le martyr. Mais l'écrasement de l'immense camp de rétention qu'est aujourd'hui Gaza pourra difficilement passer pour une victoire de David contre Goliath.

Le calcul du gouvernement israélien était visiblement la stratégie du pire : profitant de l'interrègne aux Etats-Unis, entre un George Bush partant et un Barak Obama pas encore arrivé, l'offensive contre Gaza était censée ranimer des tensions militaires avec le Hezbollah, la Syrie, voire l'Iran et même peut-être une nouvelle escalade terroriste. Pour les stratèges israéliens, une nouvelle phase de tension dans la région était le plus sûr moyen de consacrer l'alliance indéfectible (au moins pour quelques années encore) entre les Etats-Unis et Israël, principal allié au Moyen-Orient.

 

L'inconnue Obama



Trois éléments sont venus contrecarrer ce plan cynique.

Tout d'abord, même si l'ONU s'est avérée comme d'habitude incapable de prendre la moindre sanction, l'opinion internationale et bon nombre de gouvernements estiment que «trop, c'est trop». C'est dans ce cadre qu'il faut apprécier la tentative diplomatique en partie infructueuse de Nicolas Sarkozy.

Ensuite, contre toute attente, les réactions de l'Iran et ses alliés furent extrêmement mesurées. Téhéran, Damas, le Hezbollah ont refusé de rentrer dans une dangereuse escalade.

Enfin, si les Etats-Unis maintiennent officiellement une politique de soutien à l'offensive israélienne, Barak Obama a également utilisé cette période d'interrègne pour justement ne pas s'engager trop précisément.

A ces premières déclarations, on peut penser que le nouveau président américain est infiniment plus préoccupé par la situation économique de son pays que par sa politique extérieure. L'ampleur de la crise économique, les craintes très réelles d'une phase de déclin font que l'exécutif américain songe d'abord à sauver les meubles «made in USA». Le sauvetage de l'économie américaine passera certainement par des mesures protectionnistes et sans doute par une phase d'isolationnisme. Dans tous les cas, le pragmatisme prévaudra et scelle certainement la fin temporaire des guerres «idéologiques» menées par George Bush contre «l'Axe du mal» : Irak, Iran, Afghanistan, Corée du Nord...

Ce qui signifie aussi, au moins pour un temps peut-être, la mise en sommeil du soutien inconditionnel des USA aux errements de la politique israélienne.

 

Crise dans le gaz russe



Le second événement de cette première semaine animée de la nouvelle année 2009 est incontestablement la crise entre la Russie et l'Ukraine sur le gaz. Il ne fait pas la «Une» des journaux ou l'ouverture des «20h» dans les télés.

C'est pourtant un fait tout à fait considérable à la hauteur du désordre général qui règne sur notre bonne vieille planète.

A l'origine factuel de cette crise qui menace les ressources en approvisionnement en gaz de toute l'Europe, un simple contentieux commercial. L'Ukraine dépend du gaz russe mais elle en conteste le prix et refuse de payer ses notes. Du coup, Gazprom, la principale entreprise russe, a décidé de couper les compteurs ukrainiens. Banal conflit entre un fournisseur et son usager.

Problème : les gazoducs qui alimentent l'Europe passent par l'Ukraine, qui a décidé de prendre en otage ce moyen de transit énergétique.

Cette crise trouvera certainement une solution rapide par ces temps de grand froid. Elle est cependant significative des secousses qu'engendrent la récession actuelle.

L'Ukraine la subit, la Russie aussi, qui ne connaît plus, avec la chute des prix de l'énergie, la manne financière qu'elle percevait jusqu'alors. Ce qui est plus curieux, et que note l'excellent site «Dedefensa» est que l'Ukraine était au coeur de la crise géorgienne de cet été. La Géorgie comptait dans sa reconquête des «provinces perdues» d'Abkhazie et d'Ossétie, passées sous le contrôle de Moscou, sur l'appui inconditionnel des Etats-Unis et de son allié local, l'Ukraine. La contre-offensive russe balaya toutes ses suppositions. Mieux, Washington et les capitales européennes veillèrent au rétablissement de bonnes relations avec la Russie, comme le rappelle ce site «avec le règlement temporaire de la crise géorgienne, le report sine die de l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN, les rétablissements des relations de l'OTAN avec la Russie, les meilleures possibilités de relations USA-Russie avec Obama».

L'attaque israélienne sur Gaza comme à une moindre mesure l'affaire du gaz russe montrent à l'évidence les possibilités de dérapages locaux dans un monde déstabilisé par la crise économique et un affaiblissement des «empires centraux», USA en tête.

 

Le crâne de Descartes



Descartes est, peut-être avec Bergson, notre plus grand philosophe.

On apprend avec bonne humeur la décision de François Fillon, 1er ministre français, de transférer dans son département, la Sarthe, le crâne du bon René, à ses yeux indûment présent au «Musée de l'Homme» à Paris. Vaste projet à la hauteur, indéniablement, de la crise actuelle.

Mais ne boudons pas notre plaisir. Cela peut être l'occasion de faire connaître aux élèves la vraie vie de cet austère penseur.