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Le youyou comme autre recette

par Ahmed Saïfi Benziane

«Aussi longtemps que les lions n'auront pas leur historien, les écrits de chasse tourneront à la gloire du chasseur» dit un proverbe africain. Le pouvoir comme l'alcool montent à la tête.

Bien que l'alcool soit source d'ivresse tant recherchée sous diverses formes, il est médicalement conseillé d'en consommer avec modération si ce n'est d'éviter carrément d'en prendre, pour éviter des complications avec son anatomie et surtout avec Dieu. Bien que le pouvoir soit source de comportements particuliers du point de vue des protocoles, exigeant une façon de s'habiller, une façon de se tenir, de supporter les files d'attente, il est conseillé de ne point en abuser sous peine de déchirer une image que seul le pouvoir peut construire.

Au pays des mandats à répétition, des partis sans compétition, de la providence qui fait extraire une station de pompage des entrailles du grand sable, en marchant à reculons, on n'arrête pas d'étonner le monde, qui attend patiemment mais sûrement l'assèchement du sous-sol, pour transformer les turbans en linceuls, par destin, et utiliser les puits comme fosses communes pour corps putréfiés. Au pays qui fait passer des animateurs télé au rang de ministre en une seule vie, puis de là au rang de proche des cercles carrés, on peut voir de tout, entendre de tout, en restant simplement allongé face à la même télé promotion. Et ce n'est encore pas le pire.

Le décor : le Sénat reboisé à neuf du sol au plafond. Les figurants : des sénateurs répartis en rangs dispersés selon la première lettre du nom patronymique acquis depuis l'introduction de l'état civil par l'armée coloniale. Les acteurs principaux : un gouvernement à répétition avec un Premier ministre qui n'est plus un chef, mais un représentant légal et fraîchement constitutionnel de quelques mots gribouillés sur un cahier de brouillon. Au fond en haut, un Président qui distribue la parole sans la donner à ceux qui l'auraient élu. De part et d'autre, de grandes portes pour entrer et de plus petites pour sortir. L'énigme : des mots sans lettres qu'il s'agit de décoder en fouillant dans les poches du voisin. Au milieu, une femme penchée sur un micro lisant des feuilles qui auraient tout à gagner en restant blanches par hygiène.

Une femme, donc une sénatrice même si cela ne paraît pas évident, au pays où l'évident descend de tous les côtés et où les femmes montent par petites gouttes. De toutes petites gouttes. Moteur ! Elle parle comme un JT de son temps en ouvrant sur la présidence à vie, en louchant sur un poste probable de fin de mandat. Elle décrit les actes comme un notaire qui demande son dû au nom de la loi du plus proche. Le gouvernement ne prend aucune note par agenda incertain et sachant par avance ce qu'elle veut. Elle conclut ce qu'elle devait réciter au nom du groupe présidentiel et pousse un youyou tellement fort des temps de fête qu'elle surprend les acteurs, les figurants et même les issues de secours.

Le youyou étant un cri de joie comme de mort, on se demande quel sens peut lui être donné dans pareilles circonstances et juste après avoir réclamé comme une femme le troisième mandat. Une façon nouvelle de le réclamer après les cris collectifs des hommes et les applaudissements de rigueur qui vont avec, debout, le regard sublimé par une photo. Il manquait juste quelques tirs de carabines en l'absence de tireurs. La femme algérienne n'arrêtera pas sa créativité surtout lorsqu'elle porte les noces dans son nom patronymique et la joie dans son prénom. Amusons-nous alors sans abuser, les contre-indications sont nombreuses ! « Le mensonge donne des fleurs mais pas de fruits » dit un autre proverbe africain.